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Question de contexte : la CRTO conclut à l’absence de pratiques déloyales de la part d’une compagnie de haute technologie lors d’un recrutement syndical

En vertu de la loi ontarienne en matiere de relations de travail, l’employeur peut exprimer son point de vue au cours d’une campagne de recrutement syndical, « pourvu qu’il ne recoure pas a la contrainte, a l’intimidation, a la menace, a une promesse ni n’abuse de son influence ». En pratique, toutefois, il n’est pas toujours facile pour les représentants de l’employeur de savoir quelles limites la loi impose a leurs gestes ou paroles. Une décision récente de la Commission des relations de travail de l’Ontario, Christian Labour Association of Canada (CLAC) v. JDS Fitel Inc. (9 novembre 1999), illustre bien comment la Commission évalue les actions d’un employeur au cours d’une campagne et dans quelle mesure il faut que la réaction a la syndicalisation reste au bon diapason.

La compagnie JDS, une entreprise de la région d’Ottawa qui fabrique des composantes de fibres optiques, a connu le genre de croissance exponentielle, dans son chiffre d’affaires et son nombre d’employés, qui attire les recruteurs syndicaux. Il n’était donc pas surprenant qu’un recruteur syndical représentant le CLAC annonce au personnel de JDS le 6 juillet 1998 qu’une importante campagne de recrutement débuterait ce jour-la, avec la distribution de dépliants a plusieurs points de production. Apres des débuts prometteurs, le syndicat a noté une chute importante dans l’appui des employés des la fin de la premiere semaine. Il a attribué ce renversement a des actions illégales de la part de la direction et a déposé une plainte aupres de la Commission.

OPTIONS SUR ACTIONS : RIEN D’EXTRAORDINAIRE

Parmi les actions de l’employeur dont se plaignait le syndicat, on trouve la décision de la compagnie d’offrir, aux termes d’une lettre distribuée le 7 juillet 1998, une option d’achat d’actions a quelque 1500 assembleurs. Le syndicat a allégué qu’il s’agissait d’une tentative d’influer sur le résultat de la campagne.

La Commission a cependant rejeté cette allégation, en soulignant que la preuve avait établi que les options sur actions avaient été accordées le 22 juin, et que la lettre avisant les employés de l’offre avait été imprimée le 3 juillet, avant que la compagnie apprenne les intentions du syndicat. L’arrivée de celui-ci avait peut-etre hâté la distribution des lettres, mais le geste était moins problématique que ne l’aurait été le fait de reporter l’annonce du plan d’achat :

[TRADUCTION] « L’employeur se serait également rendu vulnérable a une plainte du syndicat, et meme peut-etre davantage vulnérable, s’il avait retardé l’annonce en raison de la campagne de syndicalisation, et aurait certainement fait l’objet d’une plainte s’il avait renoncé a faire l’offre. [Étant donné que le syndicat aurait pu demander l’accréditation a n’importe quel moment] l’employeur avait lieu de s’inquiéter du déclenchement possible du gel des offres aux termes de la loi.

[L’annonce des options d’achat d’actions] faite a partir du 7 juillet n’avait rien d’extraordinaire comme décision. … Le moment n’était malheureusement pas du tout opportun pour le syndicat, et cela a sans doute eu une incidence sur l’attrait de la syndicalisation pour les employés de JDS, mais il s’agissait d’une pure coincidence et … l’employeur n’avait aucun autre choix, dans les circonstances, que de procéder avec ses plans. »

L’OPINION DE L’EMPLOYEUR « VUE DANS SON ENSEMBLE »

La compagnie a agi rapidement pour transmettre son point de vue aux employés dans une série de notes de service qui indiquaient une claire préférence pour un rejet du syndicat. La Commission a estimé que ces notes étaient [TRADUCTION] « généralement inoffensives » et a noté qu’elles précisaient aux employés que le choix de la syndicalisation leur revenait a eux seuls.

Toutefois, la Commission a exprimé des réserves a l’endroit de certaines déclarations de l’employeur, notamment les dires de l’employeur que la négociation de la convention collective partirait de zéro, que les avantages sociaux pourraient ne pas rester au meme niveau et que le statu quo n’aurait pas a etre maintenu pendant les négociations.

La Commission a également critiqué des déclarations répétées de l’employeur que les employés avaient le droit de demander qu’on leur retourne leurs cartes d’adhésion, avec le conseil de contacter la Commission par téléphone si la carte ne leur était pas remise promptement. Cela risquait d’induire les employés en erreur, puisqu’on semblait impliquer qu’il y aurait une protection spéciale pour les employés qui cherchaient a reprendre leur carte.

Malgré ces réserves, la Commission a conclu que toute déclaration problématique de l’employeur devait etre considérée dans le cadre de l’ensemble des actions de l’employeur :

[TRADUCTION] « Je suis convaincu que dans leur ensemble, les événements faisant l’objet de la plainte n’ont pas constitué une immixtion importante dans l’activité syndicale. Plus particulierement, je remarque l’absence de menaces a la sécurité d’emploi ou de mesures prises a l’encontre des employés recruteurs. Je dois également souligner l’attitude générale de l’employeur a l’égard de l’activité syndicale, notamment la consigne donnée aux superviseurs de ne pas tolérer le recrutement pendant les heures de travail mais de laisser aux employés la liberté d’agir a leur guise pendant leurs pauses, d’enlever des babillards de la compagnie tout document concernant le syndicat autre que ceux affichés par la compagnie et de permettre aux employés de porter des macarons, des casquettes ou des t-shirts avec des slogans pour ou contre le syndicat. Plus important encore, les superviseurs, et les employés, se sont faits dire que la décision pour ou contre la syndicalisation revenait aux employés, et rien dans le comportement de l’employeur depuis le début de la campagne n’avait contredit ce message de façon significative. »

Notre point de vue

Le syndicat avait également porté plainte contre les commentaires de certains superviseurs, par exemple des avertissements donnés aux employés quant aux fortes cotisations syndicales si le syndicat avait gain de cause. La Commission a indiqué que si ces commentaires portaient a confusion, et pouvaient meme induire en erreur, ils ne représentaient pas de la contrainte. Puisque la direction et ses représentants avaient le droit d’exprimer leur opinion, ces inexactitudes inévitables ne pouvaient etre considérées comme des violations de la Loi sur les relations de travail.

En agissant des le départ pour clarifier ses droits et ses obligations en vertu de la loi, l’employeur avait réagi en l’occurrence directement mais légalement a la campagne, et avait su minimiser l’effet négatif des erreurs de parcours qui surviennent inéluctablement dans le feu de l’action. Cette décision montre que la Commission tiendra compte de la nature globale de la réaction de l’employeur lorsqu’elle évalue l’importance des incidents qui pourraient etre qualifiés de transgressions mineures de la Loi.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette au (613) 563-7660, poste 227, ou avec Andrew Tremayne au (613) 563-7660, poste 236.