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Un tribunal ontarien juge que l’inspecteur de santé et sécurité a violé les garanties de la

La Cour supérieure de justice de l’Ontario s’est encore une fois penchée sur la difficile question de savoir ou tracer la ligne entre l’inspection menée par des agences réglementaires et l’enquete menée en vue de recueillir une preuve suffisante pour porter des accusations. La premiere, si elle est autorisée par la loi, peut etre réalisée sans mandat de perquisition mais la seconde nécessite un mandat, sous peine de contrevenir a l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, la disposition qui garantit le droit d’etre protégé contre toute fouille, perquisition ou saisie abusive.

Dans l’affaire R. v. Canada Brick Ltd, (30 juin 2005), l’employeur avait été accusé en vertu de l’alinéa 25(2)(h) de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) de ne pas avoir pris des précautions raisonnables pour la protection d’un travailleur au travail. L’employeur a été acquitté en premiere instance, mais la Couronne a interjeté appel et a obtenu une condamnation. L’employeur a soutenu a l’appel que le juge de premiere instance avait commis une erreur en jugeant qu’il n’y avait pas eu violation du droit de l’employeur en vertu de l’article 8 d’etre protégé contre toute perquisition ou saisie abusive. La Cour supérieure a accepté de revoir cet aspect de la décision du tribunal inférieur.

L’accusation découlait de blessures graves qu’avait subies un travailleur le 8 mars 2000, causées par l’une des machines de l’employeur. Un inspecteur du ministere du Travail, appelé sur les lieux, a émis dans les deux heures de son arrivée une ordonnance d’arret de travail en attendant la mise en ouvre de mesures intérimaires suffisantes. L’inspecteur a annulé l’ordonnance le meme jour, apres que les mesures requises ont été prises. L’employeur avait déja reçu l’ordonnance d’un autre inspecteur pendant l’été et l’automne de 1999 de prendre plusieurs mesures de sécurité pour la meme machine qui avait blessé le travailleur.

L’inspecteur est revenu sur les lieux a plusieurs reprises entre le 8 mars et le 30 mars pour tenir d’autres entrevues et pour obtenir la production de documents. Il n’avait aucun mandat pour ces actions. L’employeur a soutenu que ce faisant, l’inspecteur avait violé l’article 8 de la Charte, puisqu’il avait déja conclu qu’il existait des motifs raisonnables et probables de porter des accusations contre l’employeur. Le juge de premiere instance n’était pas d’accord. Il a jugé que l’inspecteur en était arrivé a cette conclusion seulement une fois son enquete terminée, et que ses activités d’enquete étaient nécessaires pour déterminer s’il existait des motifs raisonnables et probables de porter des accusations.

COUR SUPÉRIEURE : DES MOTIFS RAISONNABLES EXISTAIENT LE 8 MARS

Apres avoir passé en revue les principes juridiques entourant l’application de l’article 8 dans un contexte réglementaire, la Cour a jugé que les droits de l’employeur en vertu de la Charte avaient été violés. Lorsque l’inspecteur s’était présenté sur les lieux apres avoir été avisé de l’accident, il avait « [TRADUCTION] exercé a bon escient la gamme des pouvoirs conférés sans nécessité de mandat par le par. 54(1) de la LSST [les pouvoirs accordés aux inspecteurs] en vue d’apprendre comment l’accident s’était produit, s’il résultait d’un danger évitable et, éventuellement, quelles mesures correctives étaient nécessaires. »

Toutefois, des l’apres-midi du 8 mars 2000, l’inspecteur avait été mis au courant des ordonnances relatives a la machine qui avaient été émises contre l’employeur quelques mois auparavant. Des ce moment, a déclaré la Cour, l’inspecteur avait des motifs raisonnables de croire que l’employeur avait violé l’alinéa 25(2)(h) de la LSST et aurait du obtenir un mandat pour son enquete :

    « [TRADUCTION] L’usage légitime d’un pouvoir administratif sans nécessité de mandat a pris fin le ou vers le 8 mars 2000. L’objectif prédominant de [l’inspecteur] par apres était de recueillir la preuve concernant la responsabilité de l’employeur pour l’infraction réglementaire, que l’enquete ait finalement produit ou non des motifs pour accuser la compagnie. La perquisition sans mandat n’était plus autorisée par la loi. Le fait de délibérément éviter de considérer a ce moment-la s’il avait des motifs raisonnables ou si ces motifs existaient objectivement ne modifie en rien l’intention absolument claire de l’inspecteur au cours des trois semaines qui ont suivi le 8 mars. Il ne s’agissait plus d’exercer des pouvoirs conférés par la loi pour parer a un danger au travail ; l’enquete de l’inspecteur a permis d’obtenir des preuves de façon abusive, sans consentement valable et sans mandat de perquisition. »

Pourtant, malgré cette conclusion, la Cour a refusé de surseoir a l’instance, et a noté qu’il n’y avait aucune preuve que l’inspecteur savait qu’il devait obtenir un mandat de perquisition. La Cour s’est dite d’avis que l’intégrité de l’administration de la justice n’avait pas été menacée par la conduite du gouvernement et qu’il n’y avait pas d’historique établi de pratiques abusives ni une menace future de non-conformité aux normes de la Charte.

Par conséquent, la Cour a annulé l’acquittement prononcé en premiere instance et y a substitué une condamnation.

Notre point de vue

Au moment ou une inspection sans mandat devient une enquete qui exige un mandat de perquisition, la relation antagoniste se cristallise entre le sujet de l’enquete et l’enqueteur. Ce moment est atteint lorsque « l’objectif prédominant » de l’enquete de l’inspecteur est de déterminer la responsabilité, alors que la liberté de la personne qui fait l’objet de l’enquete est en jeu.

La Cour a clairement indiqué que le simple fait d’émettre une ordonnance d’arret de travail en vertu de l’article 57 de la LSST ne cristallise pas la relation antagoniste, meme si l’ordonnance d’arret de travail se fonde nécessairement sur une conclusion de l’inspecteur qu’une disposition de la Loi ou du Reglement a été enfreinte. La Cour a jugé que la seule conclusion d’une contravention ne signifie pas que l’inspecteur sait qui est responsable de la contravention ni comment les conditions de travail dangereuses sont survenues.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Sébastien Huard au (613) 940-2744.