L’Ontario plafonne les augmentations de la rémunération des fonctionnaires et du secteur parapublic

Le projet de loi 124, Loi de 2019 visant à préserver la viabilité du secteur public pour les générations futures (la « Loi ») a reçu la sanction royale le 7 novembre 2019 et est entré en vigueur le 8 novembre 2019.

Nos lecteurs se souviendront que l’objet de la Loi est de limiter les augmentations de la rémunération des employés syndiqués et non syndiqués dans le service public et parapublic de l’Ontario (voir Le gouvernement ontarien dépose un projet de loi pour limiter les augmentations de rémunération dans le secteur public). Il n’est pas surprenant que les syndicats représentant les employés affectés aient vivement critiqué la Loi et se préparent à des recours constitutionnels.

 

Champ d’application du projet de loi 124

Le projet de loi 124 est rédigé de manière large et s’applique aux employeurs suivants :

  • le gouvernement de l’Ontario et l’ensemble de ses organismes, offices, conseils, commissions et personnes morales, bureaux ou organisations
  • les conseils scolaires au sens de la Loi sur l’éducation
  • les universités et collèges
  • les hôpitaux au sens de la Loi sur les hôpitaux publics et l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa
  • les titulaires de permis visés par la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée (à l’exclusion des organismes à but lucratif)
  • Ornge
  • les sociétés d’aide à l’enfance
  • les organismes sans but lucratif qui ont reçu du gouvernement une aide financière d’au moins 1 000 000 $ en 2018 (ou toute autre année ultérieure prescrite par règlement)
  • Ontario Power Generation et chacune de ses filiales [1]
  • les autres organismes ou organisations prescrits par règlement

 

Exclusion du projet de loi 124

Le projet de loi exclut expressément les organismes suivants de l’application de la Loi :

  • les municipalités
  • les conseils locaux au sens de la Loi de 2001 sur les municipalités
  • les offices, conseils, commissions, personnes morales, bureaux ou organisations dont une majorité des membres, des administrateurs ou des dirigeants est nommée ou choisie sous l’autorité du conseil d’une municipalité
  • les organismes à but lucratif (sauf disposition contraire d’un règlement)
  • les employés ou catégories d’employés qui pourraient être précisés par règlement
  • les cadres désignés au sens de la Loi de 2014 sur la rémunération des cadres du secteur parapublic
  • les juges, juges suppléants, juges de paix ou protonotaires chargés de la gestion des causes

Le Comité permanent a révisé le projet de loi 124 pour également exclure les organismes suivants :

  • les conseils locaux au sens de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto
  • les collectivités autochtones (définies comme une bande au sens de la Loi sur les Indiens (Canada) et autres entités prescrites par règlement)
  • les offices, conseils, commissions, personnes morales, bureaux ou organisations de personnes, y compris un conseil de bande au sens de la Loi sur les Indiens (Canada), dont une majorité des membres, des administrateurs ou des dirigeants est nommée ou choisie sous l’autorité d’une ou plusieurs collectivités autochtones
  • les organes responsables de la police visés à l’article 54 de la Loi sur les services policiers

 

Plafonnement de l’augmentation de la rémunération

Le projet de loi 124 plafonne toute augmentation de la rémunération des employés syndiqués et non syndiqués auxquels s’applique la Loi à 1 % par année pendant une « période de modération » de trois ans. La Loi définit très largement le terme « rémunération » pour inclure tout paiement ou avantage fourni à l’employé ou à son profit. Par conséquent, le plafond d’augmentation de 1 % s’applique aux salaires, aux avantages sociaux, aux avantages indirects et à « tous les paiements, discrétionnaires ou non ».

 

Exceptions pour certaines augmentations

Certaines augmentations du salaire ne sont cependant pas limitées par la Loi. Le projet de loi 124 exempt de l’application de la Loi les augmentations de salaire relatives :

  • aux états de service de l’employé
  • à l’évaluation du rendement
  • à la réussite de l’employé à un programme ou à un cours de formation professionnelle ou technique

à condition cependant que l’augmentation du salaire soit prévue par la convention collective ou le régime de rémunération dans le cas d’un employé non syndiqué.

Le Comité permanent a révisé le projet de loi 124 pour ajouter des exceptions supplémentaires dans le cas de certains paiements :

  • les paiements faits conformément à un programme de départ volontaire qui a été approuvé par le Conseil de gestion du gouvernement
  • les augmentations du salaire ou d’échelon, ou les nouveaux droits à rémunération qui sont offerts en échange d’une augmentation des cotisations obligatoires des participants à un régime de retraite qui coïncide avec la conversion d’un régime de retraite à employeur unique en régime de retraite conjoint

 

Période de modération

La Loi réfère à la période de trois ans durant laquelle le plafond de rémunération s’applique sous le nom de « période de modération ».

i. Employés non syndiqués

Pour les employés non syndiqués auxquels s’applique la Loi, la période de modération commence à la première des dates suivantes :

  • une date choisie par l’employeur après le 5 juin 2019
  • le 1er janvier 2022

La Loi prévoit une exception pour les employés non syndiqués dont le régime de rémunération prévoit des augmentations salariales correspondant à celles prévues par la convention collective des employés syndiqués. Dans ce cas, la période de modération des employés non syndiqués correspond à celle applicable à la convention collective.

 

ii. Employés syndiqués

Pour les employés syndiqués visés par le projet de loi 124, le début de la période de modération dépend du statut de la convention collective au 5 juin 2019.

Les révisions du Comité permanent clarifient le début de la période de modération pour les ententes de règlements conclues et les sentences arbitrales rendues entre la date de dépôt du projet de loi le 5 juin 2019 et la date d’entrée en vigueur de la Loi le 8 novembre 2019.

Le tableau ci-dessous résume la manière dont le début de la période de modération sera déterminé :

Statut de la convention collective au 5 juin 2019 Début de la période de modération de 3 ans
En vigueur le lendemain du jour de l’expiration de la convention collective
Échue (et pas de nouvelle convention collective en vigueur) le lendemain du jour de l’expiration de la convention collective échue
Négociation d’une première convention collective la date d’entrée en vigueur de la première convention collective
Pas de convention collective en vigueur et les parties étaient ou sont en arbitrage :

A.      La sentence arbitrale n’a pas été rendue au 5 juin 2019

 

Ou

 

 

B.      Les parties ont conclu un règlement pour renouveler la convention collective pendant la procédure d’arbitrage

 

 

A.      la date d’entrée en vigueur de la convention collective qui donne effet à la sentence arbitrale, une fois qu’elle sera rendue

 

B.      la date d’entrée en vigueur de la convention collective

Pas de convention collective en vigueur et les parties étaient ou sont en arbitrage et une sentence arbitrale a été rendue au 5 juin 2019 le lendemain du jour de l’expiration de la convention collective qui donne effet à la sentence arbitrale
Clarification par le Comité permanent :

Si les parties ont conclu l’un des accords suivants par écrit le 5 juin 2019 au plus tard :

1.       un protocole d’accord relatif à une convention collective ratifiée après le 5 juin 2019

2.       une convention collective ratifiée le 5 juin 2019 au plus tard qui entre en vigueur après cette date

3.       un accord de reconduction d’une convention collective qui était en vigueur le 5 juin 2019 pour une durée unique déterminée

 

le lendemain du jour de l’expiration de la convention collective qui donne effet à l’accord

Clarification par le Comité permanent :

Les parties ont conclu de bonne foi l’un des accords suivants par écrit après le 5 juin 2019 mais avant le 8 novembre 2019 :

1.       un protocole d’accord relatif à une convention collective qui expire au plus tard le 31 décembre 2021

2.       une convention collective qui expire au plus tard le 31 décembre 2021

un accord de reconduction d’une convention collective qui était en vigueur le 5 juin 2019 pour une durée unique déterminée se terminant au plus tard le 31 décembre 2021

 

Sous réserve d’un règlement à la discrétion du Ministre, le lendemain du jour de l’expiration de la convention collective qui donne effet à l’accord

Clarification par le Comité permanent :

Sentence arbitrale rendue après le 5 juin 2019 mais avant le 8 novembre 2019

le lendemain du jour de l’expiration de la convention collective qui donne effet à la sentence arbitrale

Mesures anti-évitement et mécanismes de surveillance

Pour assurer son application, le projet de loi 124 inclut plusieurs mesures anti-évitement et mécanismes de surveillance. La Loi interdit notamment à un employeur de dédommager un employé pour la rémunération qu’il n’a pas touchée en raison des mesures de modération, tant avant qu’après la période de modération applicable. Le Conseil de gestion du gouvernement a le pouvoir d’émettre des directives enjoignant aux employeurs de fournir divers renseignements afin d’assurer le respect de la Loi. Une discussion plus détaillée de ces mesures peut être consultée dans notre article précédent : Le gouvernement ontarien dépose un projet de loi pour limiter les augmentations de rémunération dans le secteur public.

 

À notre avis

Les employeurs auxquels s’applique le projet de loi 124 devraient se familiariser avec la Loi. Les régimes de rémunération et les stratégies de négociation seront certainement affectés par le projet de loi 124. De plus, déterminer le début de la période de modération pourrait être compliqué par la date du 5 juin 2019 et la possibilité d’effet rétroactif.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le projet de loi a fait l’objet de critiques nourries de la part de divers syndicats du secteur public. Certains d’entre eux se prépareraient à un recours constitutionnel au motif que le projet de loi 124 violerait leurs droits en vertu de la Charte. Nous tiendrons nos lecteurs informés de tout développement.

Pour plus de renseignements, veuillez contacter Céline Delorme au 613-940-2763.

 

[1] Le projet de loi 124 est expressément intégré à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario

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