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La surestimation de l’entrevue comme critère de sélection risque de violer la convention collective

Lorsqu’un poste devient vacant dans une entreprise syndiquée, les gestionnaires devraient tenir compte des contraintes qui s’exercent sur la façon de doter le poste. Parfois, ces contraintes ne sont pas explicitement prévues; toutefois, certaines dispositions de la convention collective peuvent etre invoquées pour renverser une décision de dotation qui a accordé trop de poids a l’entrevue, comme l’illustrent deux décisions récentes d’arbitres ontariens.

GREATER NIAGARA GENERAL HOSPITAL

Dans l’affaire Re Greater Niagara General Hospital and Ontario Nurses’ Association (18 février 1997), la plaignante avait postulé sans succes un poste d’infirmiere chef de la salle d’opération. Elle travaillait en salle d’opération depuis 1972, elle avait pris plusieurs cours de gestion infirmiere et avait été infirmiere chef a titre intérimaire pendant des périodes s’étendant jusqu’a une semaine entiere. Ses évaluations de rendement étaient positives.

Le processus de sélection ne comportait qu’un examen écrit et une « entrevue axée sur le comportement », ou les candidats devaient commenter des exemples de rendement efficace et inefficace en contant des anecdotes sur leur propre comportement dans des circonstances semblables. L’entrevue elle-meme valait 85% de l’évaluation.

Aucune des trois candidates n’a obtenu la note requise, et elles ont été avisées qu’elles n’avaient pas la qualification nécessaire pour le poste. La direction a affiché le poste a nouveau, et c’est une candidate avec beaucoup moins d’ancienneté qui l’a obtenu.

La convention collective prévoyait que les infirmieres devaient etre nommées a des postes en fonction de leurs [TRADUCTION] « compétences, aptitudes, expérience et qualifications ». Si ces facteurs étaient relativement égaux chez les candidats, l’ancienneté devait déterminer le choix.

A l’arbitrage, le syndicat a soutenu que l’hôpital s’était fié, a tort, uniquement aux résultats de l’examen et de l’entrevue, a l’exclusion d’autres facteurs pertinents. En outre, l’entrevue ne convenait pas comme méthode pour évaluer les facteurs prévus dans la convention collective, puisque le succes a l’entrevue dépendait entierement de la capacité de la candidate de se rappeler de comportements antérieurs et de savoir les raconter.

Une majorité du conseil d’arbitrage a donné raison au syndicat et a jugé que si l’entrevue peut etre un outil utile, la jurisprudence montre qu’on ne peut l’utiliser a l’exclusion d’autres facteurs :

[TRADUCTION] « Dans plusieurs décisions, on a jugé que l’employeur ne devait pas se fier uniquement aux résultats d’un test ou d’une entrevue. On a plutôt établi qu’une évaluation juste exige la considération de tous les facteurs pertinents, y compris les résultats d’un test ou d’une entrevue, le rendement au travail, les cours dans le domaine et les évaluations de rendement. »

Se fondant sur ces autres facteurs, plus particulierement sur le rendement satisfaisant de la plaignante lorsqu’elle remplissait par intérim les fonctions d’infirmiere chef, et parce que les autres candidates n’avaient manifesté apres le concours aucun intéret pour le poste, l’arbitre a conclu que la plaignante était qualifiée et lui a accordé le poste d’infirmiere chef.

ACADIAN PLATERS COMPANY

Dans l’affaire Re Acadian Platers Company and U.S.W.A. Local 8059 (8 décembre 1997), il s’agissait de combler un poste d’adjoint a l’entretien. La convention collective prévoyait que pour une promotion, [TRADUCTION] « la compagnie doit choisir l’employé le plus ancien, pourvu que cet employé ait la compétence, les aptitudes, la qualification et la capacité physique d’exécuter les fonctions du poste ». Pour combler le poste, la compagnie s’était fiée uniquement aux résultats d’un questionnaire et d’une entrevue. Lorsque le poste a été accordé au candidat ayant moins d’ancienneté, le syndicat a déposé un grief, et a soutenu que la compagnie avait accordé trop de poids au questionnaire et a l’entrevue dans le processus de sélection.

Le grief a été accueilli en partie. L’arbitre a signalé que la clause en question ne prévoyait pas un processus compétitif, et que le candidat avec plus d’ancienneté n’avait pas a démontrer qu’il était le meilleur candidat, mais simplement qu’il avait les qualités nécessaires pour faire le travail. La question était de savoir si l’employeur avait fait erreur en concluant que le plaignant n’avait pas les qualités nécessaires.

L’arbitre a conclu que l’employeur s’était fié presque exclusivement a l’entrevue et au questionnaire. Sauf pour le souvenir qu’avait le directeur de l’usine de deux instances de travail pertinent, l’employeur n’avait considéré rien d’autre. Il n’y avait aucune preuve documentaire quant au rendement du plaignant, et aucun effort n’avait été fait pour obtenir l’opinion de mécaniciens que le plaignant avait assisté dans leur travail.

L’arbitre a signalé que le fait de se fier exclusivement au processus d’entrevue posait un grave probleme pour évaluer le type de compétences en jeu. Les entrevues sont surtout utiles pour les emplois qui exigent une capacité d’écoute et de communication, mais tel n’était pas le cas pour le poste en question. Les compétences nécessaires a un adjoint a l’entretien auraient été mieux évaluées par des méthodes que n’avaient pas retenues l’employeur. Toutefois, puisque la preuve n’avait pas établi si le plaignant avait effectivement les compétences nécessaires, l’arbitre a ordonné qu’on le nomme pour une breve période d’essai au poste d’adjoint a l’entretien.

Notre point de vue

Une disposition telle que la clause sur la compétition qui parle d' »égalité relative », dans le premier cas, donne plus de latitude a l’employeur pour choisir le candidat le mieux qualifié, peu importe l’ancienneté, qu’une clause qui parle d' »aptitudes suffisantes » comme dans le second cas. Dans les deux cas, cependant, l’employeur doit évaluer les candidats en fonction de tous les facteurs pertinents. Comme l’indique la décision Acadian Platers, certains types de postes se pretent mieux que d’autres a l’utilisation de l’entrevue comme outil important de sélection.

Il convient de souligner aussi qu’un arbitre peut etre limité dans la portée de l’examen d’une décision de dotation par une disposition dans la convention collective qui prévoit que la qualification est déterminée par l’employeur. Dans un tel cas, la décision de l’arbitre pourrait etre limitée a déterminer si l’employeur a agi de façon raisonnable en choisissant le titulaire du poste.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.