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Le point sur la LCAP – Suspension du droit privé d’action pour contravention à la LCAP et fin de la période de transition pour le consentement tacite le 1er juillet 2017

De nombreux lecteurs d’Au Point connaissent bien la Loi canadienne anti-pourriel (« LCAP ») entrée en vigueur le 1er juillet 2014. Cette loi réglemente notamment l’envoi de « messages électroniques commerciaux » ou « MEC » et deux faits importants méritent d’être soulignés. Premièrement, la mise en œuvre des dispositions de la LCAP qui prévoient un « droit privé d’action » pour les contraventions à la LCAP a été reportée. Ces dispositions devaient entrer en vigueur le 1er juillet 2017, mais en réponse aux préoccupations soulevées par de nombreuses parties prenantes, le gouvernement fédéral a reporté la mise en œuvre, sans en préciser la date. Deuxièmement, la période de transition de la LCAP relativement au consentement tacite prendra fin le 1er juillet 2017. Les organisations qui envoient des MEC en fonction de relations en cours doivent donc veiller à obtenir le consentement exprès des destinataires. Si elles désirent se fonder sur le consentement tacite, elles doivent veiller à ce que les relations avec chaque destinataire satisfassent aux exigences prescrites par la LCAP, notamment les exigences relatives à la période où les relations en cours sont nées.

 

Report du « droit privé d’action »

Comme il a été mentionné, les dispositions de la LCAP sur le « droit privé d’action » devaient entrer en vigueur le 1er juillet 2017. Ces dispositions auraient permis aux personnes physiques et aux organisations de solliciter des dommages-intérêts devant les tribunaux civils pour contravention à la LCAP. Les dommages-intérêts octroyés seraient fondés sur les véritables pertes subies, de même que sur les dommages-intérêts prévus par la loi. Même si dans la plupart des cas les véritables pertes subies par une personne qui reçoit un pourriel ne sont pas considérables, les dommages-intérêts prévus par la LCAP le sont. Par exemple, les dommages-intérêts pouvant être accordés en vertu de la LCAP contre une organisation pour avoir envoyé un courriel contrevenant sont établis à 200 $ par incident, jusqu’à concurrence d’un million de dollars par jour. Ce seuil légal, conjugué à la possibilité de recours collectifs, a interpelé de nombreuses organisations qui envoient des MEC.

Comme s’en souviendront de nombreux lecteurs d’Au Point, les articles 6 à 9 de la LCAP prescrivent diverses interdictions relatives à l’envoi de MEC :

  • l’article 6 interdit l’envoi d’un MEC sauf si le destinataire consent à la réception du message et le message indique l’identité et les coordonnées de l’expéditeur et contient un mécanisme d’exclusion.
  • l’article 7 interdit le réacheminement de MEC sans le consentement de l’expéditeur du message réacheminé ou celui de son destinataire final.
  • l’article 8 interdit l’installation d’un programme informatique qui provoquerait l’envoi de MEC sauf si le propriétaire de l’ordinateur y consent et peut le désinstaller ou le désactiver sans frais.
  • l’article 9 interdit de faire accomplir, d’aider ou d’encourager l’un ou l’autre des actes qui précèdent.

Les organisations doivent également être conscientes d’autres interdictions, à savoir les interdictions prévues par l’article 74.011 de la Loi sur la concurrence (Canada), qui interdit la publicité mensongère ou trompeuse, ainsi que par l’article 5 et les paragraphes 7.12 et 7.13 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (« LPRPDE »), qui s’appliquent de manière à interdire la « récolte » de courriels ou de renseignements personnels.

Si les dispositions relatives au droit privé d’action entrent en vigueur à l’avenir, les montants maximaux de dommages-intérêts qui peuvent être accordés en vertu de la loi pour les diverses contraventions sont les suivants :

  • article 6 de la LCAP : 200 $ par contravention, jusqu’à concurrence d’un million de dollars par jour ;
  • articles 7 et 8 de la LCAP : jusqu’à un million de dollars par jour pour chaque jour de contravention ;
  • article 9 de la LCAP : jusqu’à un million de dollars par contravention ;
  • article 5 de la LPRPDE : jusqu’à un million de dollars par jour de contravention ;
  • article 74.011 de la Loi sur la concurrence : 200 $ par contravention, jusqu’à concurrence d’un million de dollars par jour.

Il faut souligner que la LCAP indique que l’objet d’une ordonnance de dommages-intérêts est de promouvoir la conformité à la LCAP, et non de « punir ». La loi obligerait également les tribunaux à tenir compte des facteurs suivants lorsqu’ils déterminent le montant approprié de dommages-intérêts :

  1. le but de la sanction ;
  2. la nature et la portée de la contravention ;
  3. les antécédents de l’auteur de la contravention et ses antécédents à l’égard des engagements contractés ;
  4. tout avantage financier retiré de la contravention ;
  5. la capacité de payer le montant total de la sanction ;
  6. tout dédommagement reçu par le demandeur ;
  7. tout autre élément pertinent.

Si les dispositions relatives au droit privé d’action entrent en vigueur, les organisations bénéficieraient d’une défense de diligence raisonnable en vertu de la LCAP. Autrement dit, il n’y aura pas de contravention si l’organisation peut démontrer qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable afin de prévenir la contravention. La défense de diligence raisonnable s’applique en sus de tout moyen de défense pouvant être invoqué en common law.

 

Fin de la période de transition le 1er juillet 2017

L’autre fait important a trait à l’article 6 de la LCAP et à l’interdiction de l’envoi de MEC sans le consentement du destinataire. Pour l’application de l’article 6, le consentement peut être exprès ou tacite. Pour le consentement exprès, l’expéditeur d’un MEC doit obtenir le consentement du destinataire suivant la forme prescrite. Par ailleurs, il y a consentement tacite si l’expéditeur et le destinataire d’un MEC ont des relations d’affaires ou privées en cours. La LCAP définit les expressions « relations d’affaires en cours » et « relations privées en cours » de manière à englober les cas où l’expéditeur et le destinataire d’un MEC ont effectué certaines opérations déterminées, commerciales ou non, au cours de la période indiquée – généralement deux ans.

La période de transition de la LCAP, qui a débuté le 1er juillet 2014, exemptait les relations d’affaires ou privées en cours de la période indiquée et nécessaire au consentement tacite. Si une organisation avait établi des relations d’affaires avec une personne à tout moment avant 2014 et que ces relations comportaient l’envoi de MEC, l’organisation pouvait continuer d’envoyer des MEC pendant la période de transition sur la foi du consentement tacite. Étant donné que la période de transition prend fin le 1er juillet de cette année, les organisations qui envoient des MEC doivent veiller à obtenir le consentement exprès des destinataires, ou à ce que leurs relations avec le destinataire, commerciales ou non, satisfassent aux exigences des dispositions relatives au consentement tacite de la LCAP, notamment à l’égard de la période indiquée.

 

À notre avis     

Étant donné le risque important de recours collectifs de même que les dommages-intérêts élevés susceptibles d’être accordés en vertu de la LCAP, il n’est pas étonnant que les organisations aient appliqué une pression considérable sur le gouvernement pour qu’il reporte la mise en œuvre des dispositions relatives au droit privé d’action. À l’heure actuelle, on ignore si et quand ces dispositions entreront en vigueur. Les organisations qui envoient des MEC pourraient juger utile d’utiliser cette période de répit pour assurer la conformité à la LCAP. Elles devraient notamment veiller à ce que les relations en cours, commerciales ou non, satisfassent aux exigences des dispositions relatives au consentement tacite au plus tard le 1er juillet. Les organisations pourraient également envisager d’examiner leurs politiques et procédures ayant trait aux MEC à la lumière des exigences de la LCAP. Les organisations peuvent aussi utiliser ce temps pour s’assurer que leurs employés soient convenablement formés en matière de conformité à la LCAP.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Sarah Lapointe au 613‑940‑2738.