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Un arbitre réintègre une infirmière congédiée pour des commentaires critiques

Une infirmière qui a été congédiée pour avoir fait des commentaires critiques au sujet de son employeur a été réintégrée. Dans North Bay Regional Health Centre v. Canadian Union of Public Employees, Local 139 (février 2018), l’arbitre devait déterminer si les commentaires publics formulés par la plaignante contrevenaient à l’obligation fondamentale de loyauté de l’employée envers son employeur.

Les commentaires en question ont été faits lors d’une conférence provinciale pour infirmiers et infirmières commanditée par un syndicat. L’objet de la conférence était la violence au travail. Pendant la conférence, sans préavis, on a demandé à la plaignante de parler de la violence au travail dans la profession infirmière. Certains des commentaires de la plaignante ont été cités, d’abord dans un communiqué de presse syndical et, ensuite, dans un article en ligne publié par un journal local. Même s’il y avait certains doutes quant aux paroles exactes de la plaignante, l’arbitre s’est attaché aux phrases suivantes, qui figuraient dans le communiqué de presse du syndicat et qui ont été attribuées à la plaignante :

[Traduction]
la violence fait partie de notre travail. Les infirmières sont souvent blâmées directement par l’employeur pour les agressions dont elles sont victimes. Ou les superviseurs disent aux infirmières “merci de t’être sacrifiée pour l’équipe”. Souvent, les infirmières font face à des représailles pour avoir signalé des incidents de violence et lorsque nous exigeons des mesures de sécurité accrues.

Après avoir pris connaissance des déclarations, qu’il estimait fausses et nuisibles à sa réputation, l’Hôpital a congédié la plaignante en raison de présumées contraventions à ses politiques et à l’obligation de loyauté et de bonne foi.

La jurisprudence arbitrale indique clairement que des critiques publiques qui nuisent aux intérêts commerciaux de l’employeur peuvent constituer un manquement à l’obligation de loyauté de l’employé, mais l’analyse repose fortement sur les faits de chaque affaire. Les arbitres tiennent généralement compte des facteurs suivants :

  • le niveau de travail de l’employé ;
  • la nature et le contenu de l’expression ;
  • la visibilité de l’expression ;
  • la sensibilité de la question discutée ;
  • la véracité de la déclaration faite ;
  • les mesures prises par l’employé pour déterminer les faits avant de parler ;
  • les efforts déployés par l’employé pour soumettre ses préoccupations à l’employeur ;
  • la mesure dans laquelle la réputation de l’employeur a été ternie ;
  • l’effet sur la capacité de l’employeur de mener ses affaires.

En appliquant ces facteurs à l’affaire, l’arbitre a conclu à l’existence de certains faits atténuants. Premièrement, la plaignante n’a pas fait les commentaires dans l’intention qu’ils soient diffusés publiquement. Deuxièmement, la plaignante n’a joué aucun rôle dans la publication du communiqué de presse et dans la décision de la citer. Enfin, la plaignante a pris des mesures pour que les commentaires qui lui étaient attribués soient supprimés de l’article en ligne. Toutefois, ces conclusions n’exonéraient pas la plaignante de tout blâme. Selon l’arbitre, il n’était pas imprévisible que les commentaires de la plaignante deviennent publics, de sorte que la plaignante devait en assumer une certaine responsabilité.

L’arbitre a évalué la véracité des déclarations et la question de savoir si elles avaient causé un préjudice à l’Hôpital. Il était d’avis que même si les déclarations étaient peut-être vraies en ce qui concerne le secteur hospitalier généralement, elles n’avaient pas été prouvées et étaient donc fausses à l’égard de l’Hôpital lui-même. L’arbitre a également convenu que l’on pouvait déduire le préjudice de la nature incendiaire des commentaires de la plaignante. Toutefois, à la lumière de la modeste diffusion publique, l’arbitre a conclu que le préjudice était limité et que la capacité de l’Hôpital de mener ses affaires n’avait pas été affectée de manière préjudiciable. L’arbitre a conclu que des sanctions disciplinaires étaient justifiées, mais que le congédiement était trop sévère. Il a estimé qu’une suspension d’une semaine était appropriée dans les circonstances.

En ce qui concerne la réparation, l’Hôpital a soutenu que la relation d’emploi n’était plus viable, de sorte que des dommages-intérêts devraient être accordés en remplacement de la réintégration. L’arbitre était en désaccord, soulignant que lorsque le congédiement est jugé excessif, la réparation présumée est la réintégration. Il a conclu que la conduite de la plaignante n’avait pas irrémédiablement miné la relation d’emploi et qu’il n’y avait aucune preuve indiquant que la plaignante ne pouvait pas ou ne voulait pas exercer ses fonctions. L’arbitre a donc réintégré la plaignante avec indemnisation complète, sous réserve d’une suspension d’une semaine.

 

À notre avis

Même si cette décision repose essentiellement sur le fait que l’Hôpital n’avait pas subi de préjudice considérable en raison des déclarations de la plaignante, des sanctions plus sévères peuvent être justifiées lorsqu’il peut être démontré que les commentaires publics d’un employé ont un effet défavorable sur la capacité de l’employeur de mener ses affaires. À la lumière de cette décision, les organisations pourraient juger utile de réviser ou de mettre en œuvre des politiques sur les médias ou des codes de conduite des employés qui énoncent clairement leurs attentes à l’égard des communications publiques.

Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec André Champagne au 613-940-2735.