La Cour supérieure de justice de l’Ontario émet une injonction d’urgence dans le secteur des soins de longue durée à la demande du syndicat des infirmières et infirmiers

Une caractéristique majeure de la pandémie mondiale de COVID-19 a été les préoccupations liées à la santé et à la sécurité au travail qu’elle a soulevées pour les personnes travaillant dans le domaine des soins de santé. Afin de répondre à ces préoccupations et au risque associé, le médecin-hygiéniste en chef de la province de l’Ontario a publié un certain nombre de directives en vertu de l’article 77.7 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé, dont deux qui concernent spécifiquement les foyers de soins de longue durée :

  • la directive n° 3, qui prévoit généralement les précautions et procédures appropriées (liées, par exemple, au dépistage, au masquage, aux tests et aux communications, entre autres) à prendre dans les établissements de soins de longue durée pour faire face au risque créé par la COVID-19 ; et
  • la directive n° 5, qui exige généralement que les hôpitaux publics et les foyers de soins de longue durée obtiennent et maintiennent une quantité suffisante d’équipements de protection individuelle (« EPI »).

Le 17 avril 2020, l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario (« AIIO ») a déposé une requête auprès de la Cour supérieure de justice pour obtenir une injonction contre quatre foyers de soins de longue durée distincts dans la région du Grand Toronto, alléguant de graves problèmes de santé et de sécurité liés à la COVID-19, notamment des pénuries d’EPI. L’AIIO a demandé une ordonnance obligeant les foyers de soins de longue durée défenderesses à se conformer aux directives n° 3 et n° 5, et à prendre toutes les mesures raisonnablement nécessaires pour garantir que le personnel infirmier bénéficie des protections en matière de santé et de sécurité indiquées dans ces directives. Bien que l’AIIO ait déjà déposé des griefs sur la question, elle a fait valoir qu’une injonction de la Cour était nécessaire dans les circonstances, étant donné les retards prévus dans le processus d’arbitrage et le préjudice irréparable qui en résulterait.

En réponse à cette demande, les avocats des foyers de soins de longue durée ont fait valoir que la position et le désir du syndicat de contrôler l’attribution des EPI ne reflétait pas la réalité des pénuries mondiales. Ils ont fait valoir que la formulation spécifique de la directive n° 5 exigeait que non seulement les infirmières, mais aussi les employeurs, tiennent compte de ce qui est approprié ou nécessaire dans les circonstances et que pour les employeurs, cela incluait conserver l’équipement nécessaire pour les autres travailleurs de la santé ainsi que pour tous besoins futurs. À l’inverse, l’AIIO a fait valoir que l’attribution par les employeurs d’EPI limités constituait une violation de la convention collective, des directives de santé publique et de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. L’AIIO avait également soulevé des questions constitutionnelles concernant l’article 7 (c’est-à-dire le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne), bien qu’elle n’ait pas poursuivi cet argument sur la requête.

Le 23 avril 2020, la Cour a émis une injonction ordonnant aux foyers de soins de longue durée de se conformer aux directives. Dans sa décision écrite, le juge Morgan a indiqué que le test en trois parties pour l’injonction avait été rempli par le syndicat, estimant que :

  1. Il n’y a pas eu de différend entre les parties quant au fait que la question soulevait une question sérieuse à juger.
  2. Il n’y a pas eu de différend entre les parties quant au fait que les membres du syndicat pourraient subir un préjudice irréparable si la mesure injonctive n’était pas accordée.
  3. La prépondérance des inconvénients a favorisé l’octroi de l’injonction en attendant la décision finale sur la question par un arbitre. Il n’y avait pas de préjudice potentiel pour les foyers de soins de longue durée qui l’emporterait sur le préjudice irréparable qui pourrait être causé à la vie des infirmières et infirmiers et de leurs patients. La prépondérance des inconvénients favorise donc les mesures qui donnent priorité à la santé et à la sécurité du personnel médical et de leurs patients.

En ce qui concerne la troisième partie du test, les avocats des foyers de soins de longue durée ont fait valoir que le concept de préjudice irréparable ne pouvait pas être considéré indépendamment des besoins des autres travailleurs de la santé, ainsi que de ceux du grand public, et qu’il devait donc être pris en compte dans l’analyse de la prépondérance des inconvénients. Cependant, le juge Morgan a rejeté l’argument selon lequel la position du syndicat ne prenait en compte que les intérêts des travailleurs de la santé.

La Cour a décidé que les infirmières et les infirmiers travaillant dans les foyers de soins de longue durée concernés ne doivent pas être empêchés d’évaluer et de déterminer quels sont les EPI ou autres mesures appropriées et nécessaires dans les circonstances. Les infirmières et les infirmiers qui déterminent que les masques N95 ou d’autres EPI sont nécessaires sur la base de leur jugement professionnel, en tenant compte de la situation immédiate ainsi que des considérations pertinentes à plus long et plus court terme, doivent recevoir les mesures demandées, même si l’employeur n’est pas en accord avec leur évaluation.

 

À notre avis

La décision de la Cour dans cette affaire est probablement inquiétante pour ceux qui gèrent des foyers de soins de longue durée au milieu d’une pénurie mondiale d’EPI. En particulier, cette décision semble indiquer que les tribunaux vont interpréter les directives de santé publique comme transférant le contrôle de l’attribution des EPI pendant la pandémie aux employés, sans transférer la responsabilité des employeurs en ce qui concerne leurs obligations en matière de santé et de sécurité. Il reste à voir si la décision fera l’objet d’un appel par l’un des foyers de soins de longue durée concernés, ou si elle sera suivie dans d’autres cas similaires.

 

Pour plus d’informations ou des conseils sur vos droits et obligations en tant qu’employeur lorsque vous traitez de la COVID-19 ou de problèmes similaires, veuillez contacter André Champagne au 613-940-2735Sébastien Huard au 613-940-2744Mélissa Lacroix au 613-940-2741.

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