Le congé spécial en raison d’une maladie infectieuse de la LNE n’empêche pas un employé d’intenter une action pour congédiement implicite

Dans la première action civile publiée examinant l’intersection entre les dispositions de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE) relatives au Congé spécial : situation d’urgence déclarée et situation d’urgence liée à une maladie infectieuse (« Congé spécial lié à la COVID-19 ») et le congédiement implicite en common law, un juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a statué que le droit d’intenter une action pour congédiement implicite en common law est toujours possible, même si l’employé a été techniquement placé en congé au titre des dispositions de la LNE liées à la COVID‑19, ayant été adoptées après le début de la pandémie.

Les lecteurs d’Au Point se souviendront qu’en mai 2020, le gouvernement de l’Ontario a adopté le Règl. de l’Ont. 228/20, Congé spécial en raison d’une maladie infectieuse (le « Règlement CSRMI ») en vertu de la LNE, qui prévoit divers motifs donnant droit au Congé spécial lié à la COVID-19. En lien avec l’application du Congé spécial lié à la COVID-19, le libellé du paragraphe 7(1) du Règlement CSRMI prévoit ce qui suit :

7. (1) Les situations suivantes ne constituent pas un congédiement implicite si elles surviennent pendant la période de la COVID‑19 :

  1. La réduction ou l’élimination temporaire des heures de travail de l’employé par l’employeur pour des motifs liés à la maladie infectieuse désignée.
  2. La réduction temporaire du salaire de l’employé par l’employeur pour des motifs liés à la maladie infectieuse désignée.

La portée de la formulation susmentionnée était en cause dans la récente affaire Coutinho v. Ocular Health Centre Ltd. (avril 2021). Plus précisément, la Cour a été appelée à décider si la référence du Règlement CSRMI au « congédiement implicite » englobait le congédiement implicite au titre de la LNE et en common law, ou si elle se limitait à la LNE.

En guise de contexte, le 1er mai 2020, l’employeur de Mme Coutinho ne l’a pas autorisée à travailler (puisque les serrures avaient été changées) et l’employeur lui a d’abord dit qu’elle serait toujours payée. Le 29 mai 2020, elle a reçu un avis écrit de son employeur l’informant qu’elle était licenciée sans solde de son poste de gestionnaire de bureau après six ans de service à Ocular Health Centre Ltd. Elle a entamé une poursuite au civil au début de juin 2020, dans laquelle elle affirmait qu’il s’agissait d’un congédiement implicite et demandait des dommages‑intérêts et des montants statutaires totalisant 200 000 $.

Dans sa défense, l’employeur a soulevé que, à la suite d’une consolidation de deux de ses emplacements, il était temporairement incapable de garder Mme Coutinho à son emploi en raison de l’incidence de la COVID‑19. L’employeur s’est fondé sur l’article 7 du Règlement CSRMI et a soutenu que l’élimination temporaire des tâches et des heures de travail de Mme Coutinho ne constituait pas un congédiement implicite. L’employeur a également fait valoir que, à titre subsidiaire, il avait un motif de mettre fin à l’emploi en raison d’une prétendue inconduite liée aux rapports sur les heures des employés faits par Mme Coutinho. Toutefois, c’est principalement en se fondant sur le Règlement CSRMI que l’employeur a demandé un jugement sommaire pour rejeter l’allégation de Mme Coutinho selon laquelle il s’agissait d’un congédiement implicite.

Bien qu’il y ait eu un certain débat entre les parties sur la question de savoir si Mme Coutinho a effectivement été licenciée en raison de la COVID‑19, la Cour a conclu qu’il n’était pas nécessaire de trancher ce point. La Cour a plutôt conclu que le Règlement CSRMI n’avait pas d’incidence sur le droit de l’employée d’intenter une poursuite au civil contre son employeur pour congédiement implicite en common law.

Cette conclusion reposait sur deux facteurs. Le premier facteur était le libellé de la LNE elle‑même, en tant que loi habilitante du Règlement CSRMI. Le paragraphe 8(1) de la LNE énonce (dans la partie pertinente) que « la présente loi ne porte pas atteinte aux recours civils dont dispose un employé contre son employeur ». La Cour a souligné que l’interprétation d’un règlement doit être éclairée par les contraintes énoncées dans la loi habilitante de ce règlement et a donc conclu que la portée de l’article 7 du Règlement CSRMI doit être considérée à la lumière de l’article 8 de la LNE.

Le deuxième facteur était l’interprétation du règlement CSRMI proposée par le ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences de l’Ontario (le ministère), qui est responsable de l’application de la LNE. La publication du ministère intitulée « Votre guide de la Loi sur les normes d’emploi : modifications temporaires aux règles de la LNE » traite du règlement CSRMI dans le contexte du congédiement implicite et affirme que, bien que le Règlement CSRMI établisse qu’il n’y a pas de congédiement implicite en vertu de la LNE lorsqu’un employé est licencié temporairement pour des raisons liées à la COVID‑19, le Règlement CSRMI n’a aucune incidence sur ce qui constitue un congédiement implicite en vertu de la common law.

La Cour a ensuite examiné un deuxième argument soulevé par l’employeur, à savoir qu’il ne s’agissait pas d’un congédiement implicite parce que Mme Coutinho n’avait pas demandé quand elle serait rappelée au travail. La Cour a rejeté cet argument, soulignant que l’employeur n’avait pas fourni de précédent établissant la proposition selon laquelle, à la suite de l’imposition unilatérale d’un licenciement, l’employé est tenu de poser de telles questions avant d’intenter une action pour congédiement implicite. La Cour a conclu que l’avis écrit donné par Ocular à Mme Coutinho le 29 mai 2020, selon lequel elle était licenciée sans solde, constituait un congédiement implicite et que le Règlement CSRMI n’interdisait pas à Mme Coutinho d’intenter une poursuite civile contre son employeur en common law.

Bien que la Cour ait tranché en faveur de Mme Coutinho et conclu qu’il s’agissait effectivement d’un congédiement implicite, nonobstant le Règlement CSRMI, elle a accordé des droits statutaires (au titre de la LNE) à une indemnité de cessation d’emploi d’un montant de 6 103,85 $. Mme Coutinho avait obtenu un emploi peu après le licenciement et, par conséquent, avait presque entièrement atténué ses dommages‑intérêts en common law. La Cour a renvoyé au procès la seule question en suspens qui ne pouvait être tranchée par jugement sommaire, à savoir si l’employeur avait autrement un motif valable de mettre fin à l’emploi de Mme Coutinho, de sorte qu’il était libéré de son obligation de payer les montants de cessation d’emploi.

 

À notre avis

Cette décision est importante compte tenu de la durée de la pandémie de COVID‑19 et de ses sérieuses répercussions sur un grand nombre de milieux de travail. Cela dit, nous croyons que les faits de cette affaire peuvent se distinguer d’autres circonstances. Certains éléments de la décision dans Coutinho v. Ocular Health Centre Ltd. portent à croire que les motifs invoqués par l’employeur pour placer Mme Coutinho en congé en mai 2020 n’étaient peut‑être pas liés à la pandémie ou à un règlement gouvernemental associé à la pandémie mais, malheureusement, ce n’est pas une question que le juge a analysée en détail dans cette affaire. Dans cette optique, nous croyons qu’il reste encore beaucoup à dire sur les répercussions de cette situation pandémique extraordinaire et sans précédent sur le congédiement implicite en vertu de la common law. Nous informerons nos lecteurs des nouveautés importantes en la matière.

Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Sophie Gagnier au 613-940-2756, ou Mélissa Lacroix au 613-940-2741.

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