Un arbitre juge raisonnable la politique de tests de surveillance de la COVID-19 dans les maisons de retraite

Compte tenu de la nouveauté de la COVID-19, les employeurs de divers secteurs continuent de faire face à la difficulté de mettre en œuvre des politiques et des procédures en matière de santé et de sécurité qui sont à la fois appropriées et raisonnables pour prévenir la transmission du virus dans leur milieu de travail. Lorsque ces politiques et procédures sont contestées par les syndicats, la jurisprudence arbitrale devrait fournir aux employeurs des directives sur ce qui sera jugé approprié et raisonnable dans diverses circonstances. En particulier, une décision récente de l’arbitre Dana Randall aborde la question dans le contexte d’une politique de tests de surveillance de la COVID-19 mise en œuvre dans une maison de soins infirmiers.

Dans Caressant Care Nursing & Retirement Homes et Christian Labour Association of Canada (9 décembre 2020), le syndicat a déposé un grief collectif au nom de ses membres travaillant à la maison de soins infirmiers et de retraite Caressant Care Nursing and Retirement Home à Woodstock (« CCRH Woodstock »). CCRH Woodstock est un établissement à but lucratif qui offre des logements locatifs avec des soins et des services aux résidents qui ont besoin d’un soutien minimal à modéré. Bien que CCRH soit une maison de retraite réglementée par l’Office de réglementation des maisons de retraite en vertu de la Loi de 2010 sur les maisons de retraite, cet établissement particulier est physiquement rattaché à une maison de soins infirmiers réglementée en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée. De plus, le personnel de la maison de retraite offre des services de buanderie aux résidents de la maison de soins infirmiers. Par conséquent, le CCRH est en fait assujetti à certaines directives émises en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé, y compris la Directive n3 à l’intention des foyers de soins de longue durée en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée.

Dans le cas de CCRH Woodstock, le syndicat a contesté le caractère raisonnable d’une politique imposée unilatéralement par l’employeur qui exigeait que tout le personnel de l’établissement se soumette à des tests de dépistage de la COVID-19 par prélèvement nasal toutes les deux (2) semaines. En bref, la politique a adopté les recommandations du gouvernement provincial sur les tests de surveillance de la COVID-19 et les a rendues obligatoires. Les employés qui refusaient le test étaient tenus de revêtir un EPI complet pour l’ensemble de leur quart de travail, ou bien ne pouvaient travailler jusqu’à ce qu’ils choisissent de participer au programme de tests de surveillance de la COVID-19. De plus, la politique contenait une disposition d’accommodement indiquant que ses exigences pouvaient être examinées au cas par cas, au besoin. Il est à noter que tous les employés de CCRH Woodstock étaient payés pour une (1) heure de travail et que leurs frais de stationnement étaient pris en charge chaque fois qu’ils participaient à un test de dépistage de la COVID-19 conformément à la politique.

Bien que les employés de CCRH Woodstock se soient d’abord conformés aux demandes de tests de dépistage réguliers de la COVID-19 de l’employeur, certains ont commencé à communiquer leur refus de continuer à le faire une fois la politique obligatoire mise en œuvre à la fin juin. Peu de temps après, le syndicat a déposé le grief alléguant que la politique constituait un exercice déraisonnable des droits de la direction en ce sens qu’elle constituait à la fois une intrusion dans la vie privée des membres et une atteinte à leur dignité sans justification suffisamment convaincante. En particulier, le syndicat a appuyé ses arguments en faisant référence au caractère prétendument envahissant et douloureux des tests par prélèvement nasal. Le syndicat était aussi d’avis que le programme de tests de surveillance de la COVID-19 n’accomplissait pas réellement ce qu’il prétendait accomplir compte tenu de ses lacunes alléguées – c’est-à-dire qu’il indiquait seulement si un employé était infecté par la COVID-19 au moment précis du test et qu’il n’était pas appliqué de manière cohérente à d’autres sur le lieu de travail, notamment les résidents. Le syndicat a en outre soutenu que la politique était excessive et inutile étant donné que l’employeur avait adopté toutes les autres stratégies d’atténuation recommandées, que les employés s’étaient jusqu’à présent conformés auxdites stratégies et, enfin, qu’il n’y avait pas encore eu d’éclosion de COVID-19 à CCRH Woodstock. Le syndicat a concédé que le test de surveillance de la COVID-19 serait approprié lorsqu’un employé présente des symptômes.

Pour sa part, l’employeur a fait valoir que le test de surveillance de la COVID-19 était un outil raisonnable et important, reconnu à la fois par des professionnels de la santé réputés ainsi que par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, pour contrôler et suivre les éclosions. À cette fin, l’employeur a expliqué qu’il avait mis en œuvre la politique de dépistage de la COVID-19 dans tous ses foyers de soins de longue durée et dans dix (10) de ses maisons de retraite, représentant un total d’environ 1900 employés syndiqués. Il a fait remarquer qu’aucun des nombreux autres syndicats représentant ces employés n’avait contesté le caractère raisonnable de la politique.

Étant donné que l’une des conséquences possibles du non-respect de la politique de tests de surveillance de la COVID-19 – soit l’interdiction de travailler – était de nature disciplinaire, l’arbitre Randall a déterminé que la politique devait être examinée à la lumière des critères énoncés dans KVP Co. Ltd. v. Lumber & Sawmill Workers’ Unions, local 2537 (1965) et adoptés par la Cour suprême du Canada dans Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée (2013). Plus précisément, la décision rendue dans l’arrêt KVP prévoit qu’une règle imposée unilatéralement par l’employeur sans l’assentiment du syndicat ne donnera lieu à des mesures disciplinaires que si :

  1. Elle est conforme à la convention collective,
  2. Elle est raisonnable,
  3. Elle est claire et sans équivoque,
  4. Elle a été portée à l’attention de l’employé touché avant que l’employeur ne tente d’y donner suite,
  5. Lorsque la règle est invoquée pour justifier le congédiement, l’employé a été avisé qu’une infraction à la règle pourrait entraîner un congédiement ;
  6. L’employeur a appliqué la règle de façon uniforme depuis son adoption.

L’arbitre Randall a conclu que, dans le cas de CCRH Woodstock, la politique était conforme à la convention collective en ce sens qu’elle constituait un exercice raisonnable des droits de la direction de l’employeur. Il a en outre conclu qu’il n’y avait aucun doute que la politique était claire et sans équivoque, qu’elle avait été portée à l’attention des employés touchés avant que l’employeur ne tente d’y donner suite et qu’elle avait été appliquée de façon uniforme depuis son adoption. Notant la présence d’une généreuse disposition d’accommodement, ainsi que le fait que la politique permettait aux employés d’être testés par des tiers en dehors des heures normales de travail tout en recevant une rémunération pour leur temps, l’arbitre Randall a finalement préféré la position de l’employeur. Il a fait remarquer que, bien que beaucoup reste à découvrir au sujet des symptômes, de la transmission et des effets à long terme de la COVID-19, les experts savent qu’elle est hautement infectieuse et souvent mortelle pour les personnes âgées, en particulier celles qui vivent dans des environnements confinés. Il a ajouté qu’il n’était pas d’accord avec l’opinion du syndicat selon laquelle le régime de tests de surveillance de la COVID-19 n’accomplissait pas réellement ce qu’il prétendait accomplir compte tenu de ses lacunes alléguées. Il a plutôt noté l’importance d’un résultat positif au test, car il mènerait vraisemblablement à l’identification, à l’isolement, au traçage des contacts et à l’ensemble des autres outils dont dispose l’employeur pour prévenir la transmission du virus.

Soupesant l’intrusion du test ([traduction]« un écouvillon dans le nez tous les quatorze jours ») par rapport au problème à régler ([traduction]« prévenir la propagation de la COVID dans la maison de retraite »), l’arbitre Randall a finalement jugé raisonnable la politique de l’employeur, malgré le fait qu’il n’y avait pas encore eu d’éclosion dans l’établissement. À son avis, attendre qu’une telle éclosion se produise avant que des tests obligatoires de surveillance de la COVID-19 puissent être mis en œuvre n’était tout simplement pas une option raisonnable, compte tenu des conséquences potentielles et même probables d’une éclosion dans la maison de retraite.

 

À notre avis

Dans l’affaire CCRH Woodstock, le syndicat a tenté d’établir des comparaisons avec la jurisprudence arbitrale traitant de la question de la surveillance de l’usage de substances intoxicantes sur le lieu de travail. Toutefois, l’arbitre Randall a explicitement rejeté la comparaison à la lumière de ce qu’il considérait être les grandes différences factuelles entre la COVID-19 et les substances intoxicantes (p. ex., les substances intoxicantes ne sont pas infectieuses pour les autres en milieu de travail ; contrairement à un test positif pour la COVID-19, la consommation de substances intoxicantes implique un comportement coupable). Nous commençons maintenant à voir émerger une jurisprudence arbitrale propre au contexte de la COVID-19 qui fournit un aperçu précieux de ce que les arbitres jugeront approprié et raisonnable dans divers secteurs et circonstances.

Pour de plus amples renseignements sur vos droits et obligations en tant qu’employeur aux prises avec la COVID-19 ou d’autres questions, veuillez communiquer avec André Champagne au 613-940-2735 ou Sébastien Huard au (613) 940-2744.

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