Les lecteurs d’AU POINT se rappelleront que les tribunaux canadiens ont tendance a considérer de plus pres les contrats de travail que d’autres ententes commerciales (voir « Le contrat de travail modele » sous la rubrique « Publications »). Parce qu’ils sont conscients du fait que plus souvent qu’autrement, l’employeur a plus de pouvoir de négociation et d’expertise que l’employé, les tribunaux sont susceptibles de refuser d’appliquer les conditions d’un contrat de travail qui semblent déraisonnables ou inéquitables dans le cadre d’une relation d’emploi.
Cela étant dit, les conditions meme mesquines d’un contrat seront jugées exécutoires s’il n’y a pas de raison impérieuse de juger contrairement. C’est ce que l’on constate dans la récente décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire Mesgarlou v. 3XS Enterprises Inc. (9 septembre 2002).
Dans cette affaire, l’employé était un directeur des ventes pour une franchise qui vendait des abonnements a un club qui offrait a ses membres des rabais sur les produits ménagers. L’employé a été engagé en mai 2000 pour améliorer les ventes d’abonnements. Ayant bien réussi a cet égard, il s’est senti justifié de négocier, en aout 2000, une augmentation de salaire. Grâce a l’augmentation obtenue, le demandeur a gagné un peu plus de 86 000 $ en salaire et primes au cours de son année d’emploi.
Au printemps de 2001, l’employeur a décidé qu’il ne pouvait plus se permettre la rémunération versée a l’employé, qui a donc été congédié, sans motif, en mai 2001.
Minimum légal ou préavis raisonnable en vertu de la common law
Le tribunal devait décider, au proces intenté pour congédiement injustifié par l’employé, si celui-ci avait droit au préavis raisonnable en vertu de la common law, ou au préavis que prévoyait son contrat de travail, dont la clause pertinente se lisait comme suit :
» [TRADUCTION] 9. Apres les trois (3) premiers mois d’emploi, l’une ou l’autre partie doit donner avis conformément a la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario avant de mettre fin a la présente convention de travail ».
Si la disposition était appliquée, cela signifiait que l’employé aurait droit a un préavis d’une semaine, soit le minimum légal prévu par la Loi sur les normes d’emploi pour les employés avec sa durée de service. Souhaitant éviter un tel résultat, l’employé a soutenu que la disposition en cause était trop vague pour écarter la présomption qu’il avait droit a un préavis raisonnable, citant a l’appui l’arret de la Cour d’appel, Ceccol v. Ontario Gymnastic Federation (voir « La Cour d’appel confirme la décision qu’un employé ‘nommé pour une période déterminée’ ne l’est pas » sous la rubrique « Publications »).
« Un homme d’affaires compétent et averti »
Le tribunal ne lui a pas donné raison, et a jugé que la clause 9 du contrat de travail était « [TRADUCTION] une disposition suffisamment claire et précise pour réfuter la présomption en common law qu’il faut un préavis raisonnable pour mettre fin a la relation d’emploi ». Par conséquent, l’employé n’avait droit qu’au préavis minimum prévu par la loi. Peut-etre n’avait-il pas fait bien attention aux clauses du contrat, mais le tribunal a fait remarquer qu’on ne pouvait pas le considérer comme un novice a ses premieres armes :
« [TRADUCTION] Il a visiblement demandé des conseils professionnels pour ce qui est de son impôt sur le revenu et il est, d’apres son témoignage, un hommes d’affaires compétent et averti, habitué a défendre ses propres intérets. On ne peut pas dire non plus qu’il se trouvait dans une position vulnérable dans ses négociations avec [son employeur], ce qui est manifeste dans sa négociation d’une augmentation aussi substantielle de ses primes a la productivité. A mon avis, [l’employé] ne s’inquiétait pas particulierement ni de la cessation d’emploi ni des périodes de préavis ».
Le tribunal a donc jugé que l’employé n’avait droit qu’a une semaine de salaire en guise de préavis. Le tribunal a ajouté que s’il avait jugé que l’employé avait droit a un préavis raisonnable en vertu des regles de la common law, ce préavis aurait été de trois mois.
Notre point de vue
Il convient de souligner que dans l’arret Ceccol, sur lequel s’appuyait l’employé, la Cour d’appel de l’Ontario avait exprimé certaines réserves tout en rejetant l’argument de l’employeur que le contrat de travail ne prévoyait que le préavis minimum aux termes de la loi. Dans cette affaire, les parties avaient convenu dans le contrat « [TRADUCTION] de se conformer a la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario et ses reglements quant modalités de préavis en cas de cessation d’emploi » – libellé qui ne s’écarte pas sensiblement du libellé en l’espece.
Et la Cour supérieure en l’espece et la Cour d’appel dans l’arret Ceccol disent fonder leur décision sur le libellé du contrat, mais il est possible que les faits dans les deux affaires aient contribué a la différence de résultats. Dans l’affaire Ceccol, l’employée avait quelque 15 ans de service, et l’employeur avait tenté de mettre fin a son emploi sans aucun préavis, en invoquant le fait qu’elle avait été employée en vertu d’une série de contrats annuels. Ici, il s’agissait d’un employé fort bien rémunéré dont l’emploi ne durait que depuis un an, en vertu d’un contrat de travail a durée indéterminée qui, selon le tribunal, n’était pas aussi complexe que le contrat en cause dans l’affaire Ceccol.
Pour avoir une idée d’une autre affaire ou la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que le contrat de travail n’était pas suffisamment clair pour réfuter la présomption du droit au préavis raisonnable en vertu des regles de la common law, voir « Le manuel des politiques de l’employeur n’écarte pas le droit de l’employé a un préavis raisonnable, selon la Cour d’appel » sous la rubrique « Publications ».
Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.