Le 29 novembre 2022, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a publié une décision très attendue sur dix demandes qui contestaient la constitutionnalité de la Loi de 2019 visant à préserver la viabilité du secteur public pour les générations futures (la « Loi 124 » ou la « Loi »). Cette décision accueille les contestations constitutionnelles et déclare la Loi nulle et sans effet.
Présentée en juin 2019, la Loi 124 impose un plafond d’augmentation annuelle de 1 % des salaires et de la rémunération à de nombreux travailleurs du secteur parapublic pendant une période de modération de trois ans. Dans Ontario English Catholic Teachers Assoc. v. His Majesty, un certain nombre d’organisations syndicales ont contesté la constitutionnalité de la Loi, soutenant qu’elle limitait la liberté d’association, la liberté de parole et les droits à l’égalité en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») de leurs membres. Pour sa part, le gouvernement ontarien a rejeté l’idée que la Loi 124 portait atteinte à quelque droit que ce soit prévu par la Charte. Il a pris la position que même si c’était le cas, la Loi était justifiée par l’article 1 de la Charte comme une limite raisonnable dont la justification se démontre dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Considérant la preuve qui lui a été présentée, le juge Markus Koehnen a conclu que la Loi 124 ne portait pas atteinte à la liberté de parole ou aux droits à l’égalité des demandeurs, mais qu’elle enfreignait bien leur droit à la liberté d’association en vertu de l’article 2(d) de la Charte. Il a expliqué que le droit à la liberté d’association comprend une protection constitutionnelle du droit à un véritable processus de négociation collective et du droit de grève. Il a conclu que non seulement la Loi 124 interférait de nombreuses manières avec la négociation collective, mais aussi que ces effets préjudiciables constituaient une interférence importante au droit à la liberté d’association.
De plus, le juge Koehnen a conclu que l’article 1 de la Charte ne justifiait pas la Loi 124. Il a expliqué que toute justification en vertu de l’article 1 nécessiterait que le gouvernement de l’Ontario établisse un objectif important et pressant, un lien rationnel entre les moyens et l’objectif, une interférence minimale avec le droit prévu par la Charte, et que l’avantage de la Loi 124 l’emporte sur le préjudice. Concernant le premier volet du test, le juge a conclu que le gouvernement provincial n’avait pas démontré que les circonstances économiques à l’origine de la Loi étaient suffisamment graves pour justifier l’atteinte au droit à la liberté d’association, et ce même si la gestion viable des ressources publiques peut constituer un objectif important et pressant. Bien qu’il ait conclu que le premier volet du test n’avait pas été démontré, le juge Koehnen a également évalué les trois autres volets, relevant des préoccupations supplémentaires pour chacun d’entre eux.
En conclusion, le juge Koehnen a déterminé que la Loi 124 était contraire à l’article 2(d) de la Charte et qu’elle n’était pas justifiée par l’article 1 de la Charte. Par conséquent, il a déclaré la Loi dans son ensemble comme étant nulle et sans effet. L’examen de tout recours découlant du fait que la Loi 124 est en vigueur depuis juin 2019 a cependant été reporté à une audience ultérieure.
À notre avis
Cette décision pourrait avoir des conséquences considérables pour les employeurs qui ont négocié, ou qui négocient actuellement, des conventions collectives en vertu de la Loi 124. Néanmoins, le procureur général Doug Downey a déjà fait part de son intention de faire appel de cette décision au nom du gouvernement de l’Ontario. Nous continuerons donc à suivre l’évolution de ce litige et nous tiendrons nos lecteurs au fait de tout développement futur.
Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Céline Delorme au 613-940-2763 ou Sébastien Huard au 613-940-2744.