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Le fait d’agir dans l’intérêt de la compagnie n’offre aucune protection contre la responsabilité personnelle

Une décision récente de la Cour d’appel de l’Ontario devrait retenir l’attention des gestionnaires qui envisagent un recrutement agressif pour inciter des employés doués a quitter leurs concurrents. Dans l’affaire ADGA Systems International Ltd. v. Valcom Ltd. (12 janvier 1999), la Cour a jugé que dans les cas ou il est possible de faire la preuve des dommages subis par une autre compagnie a la suite d’un recrutement, employés et administrateurs de la compagnie coupable pourraient etre tenus civilement responsables a titre individuel.

ADGA avait un important contrat avec les Services correctionnels du Canada pour l’aide technique et l’entretien des systemes de sécurité. Lorsqu’est arrivé le moment de renouveler le contrat, au moment ou l’appel d’offres était lancé, une des conditions de l’appel prévoyait que la partie soumissionnaire fournisse les noms et les qualifications de 25 techniciens d’expérience dans son personnel. ADGA a allégué que sa concurrente, Valcom, avait convaincu le personnel technique d’ADGA de lui permettre d’utiliser leurs noms dans sa soumission, en vue de travailler pour Valcom si la soumission de cette derniere était retenue et de convaincre d’autres employés de faire de meme. Résultat : les deux compagnies ont donné les memes noms d’employés dans leurs soumissions respectives, et c’est Valcom qui l’a emporté.

ADGA a poursuivi Valcom, l’administrateur unique de Valcom et deux de ses cadres supérieurs pour dommages-intérets, pour avoir incité a la violation d’une obligation fiduciaire. Valcom a présenté une motion en rejet sommaire de l’action contre les trois défendeurs, pour le motif qu’il n’y avait pas de cause réelle contre eux en leur capacité personnelle. La motion a été refusée par le juge a l’audience de motions, mais accordée lors de l’appel aupres de la Cour divisionnaire. Celle-ci a jugé qu’il n’y avait pas de cause d’action contre les trois défendeurs, puisque la preuve montrait qu’ils avaient rempli leurs fonctions d’employés dans l’intéret de Valcom, et non pas dans leur propre intéret.

La Cour d’appel a rejeté ce raisonnement, et refusé la motion de rejet sommaire de l’action contre les personnes en cause. La Cour a jugé que la Cour divisionnaire avait fait erreur en affirmant que la loi mettait a l’abri des poursuites toute conduite par les dirigeants et employés qui visait les intérets de la compagnie.

Selon la regle générale, a déclaré la Cour, chacun est responsable de sa propre conduite. Pour des raisons de politique, toutefois, la loi permet une exception pour les dirigeants et employés qui, dans le cadre de leurs occupations commerciales, causent une rupture de contrat entre leur propre compagnie et une autre. Cependant lorsque les représentants d’une compagnie commettent une action délictuelle qui cause du tort a autrui, meme si cette action est faite dans l’intéret de la compagnie, ils peuvent etre tenus civilement responsables des dommages-intérets, meme si la compagnie peut aussi l’etre :

[TRADUCTION] « La nette tendance jurisprudentielle au Canada est simplement a l’effet que … les dirigeants, administrateurs et employés d’entreprises sont responsables de leur conduite délictuelle meme si cette conduite était exécutée de bonne foi dans le meilleur intéret de la compagnie. »