La Cour d’appel de l’Ontario confirme qu’un seul acte de harcèlement sexuel constitue un motif valable de congédiement, mais pas une inconduite délibérée en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi

Dans la décision Render v. ThyssenKrupp Elevator (Canada) Limited, 2022 ONCA 310 (« Render »), la Cour d’appel a confirmé qu’un seul incident de harcèlement sexuel en milieu de travail peut constituer un motif valable de congédiement. Toutefois, elle a conclu que la même conduite ne constituait pas une inconduite délibérée en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (« LNE »), ce qui signifie que l’employé avait droit à une indemnité de cessation d’emploi prévue par la loi. La décision sert donc de discussion informative sur la différence entre les deux normes juridiques.

L’affaire démontre également une évolution continue de l’approche judiciaire à l’égard du harcèlement sexuel en milieu de travail. Par le passé, les incidents de harcèlement sexuel en milieu de travail étaient considérés comme existant sur un spectre allant de moins graves à très graves à l’extrémité supérieure du spectre. Comme l’illustre l’affaire Render, la tendance judiciaire la plus récente consiste à considérer tous ces incidents, y compris les incidents isolés, comme graves.

En guise de contexte, M. Render était un gestionnaire comptant 30 années de service et un dossier d’emploi irréprochable sans incident disciplinaire. Le bureau de dix hommes et trois femmes a été décrit comme un [traduction] « environnement amical et enclin aux plaisanteries », où les employés s’adonnent notamment à des blagues et des commentaires inappropriés.

Huit jours après la mise en place d’une politique de « tolérance zéro » à l’égard du harcèlement et de la discrimination en milieu de travail, après un échange de propos qui semblaient être des plaisanteries typiques entre M. Render et une collègue de travail, M. Render a donné une tape sur les fesses de sa collègue. Après une enquête, M. Render a été congédié pour motif valable, de sorte qu’il n’a pas reçu d’indemnité de départ, de cessation d’emploi ou d’indemnités de congés.

M. Render a intenté une action pour congédiement injustifié. Le juge du procès a conclu que les actions de M. Render étaient une atteinte à la dignité et au respect de soi de sa collègue et qu’elles étaient donc inacceptables dans un milieu de travail moderne. Le juge a conclu que l’incident avait causé une rupture de la relation d’emploi qui justifiait le congédiement pour motif valable. M. Render a interjeté appel de la décision de congédiement injustifié, demandant également le droit à des indemnités de cessation d’emploi et de départ en vertu de la LNE, qui n’ont pas fait l’objet d’une discussion particulière au procès.

La Cour d’appel a indiqué que la considération appropriée dans les cas de congédiement pour motif valable pour inconduite est la proportionnalité, comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans l’affaire McKinley c. BC Tel (2001) (« McKinley »). Étant donné que le congédiement pour motif valable est sans préavis et sans indemnité tenant lieu de préavis, il est réservé aux cas où l’inconduite de l’employé est incompatible avec les conditions fondamentales de la relation d’emploi, de sorte que la relation ne peut pas être maintenue. La Cour a utilisé les étapes suivantes pour appliquer la norme McKinley :

1.    déterminer la nature et l’étendue de l’inconduite ;

2.    tenir compte des circonstances environnantes ;

3.    décider si le congédiement est justifié (c.-à-d. si le congédiement est une réponse proportionnelle).

La Cour d’appel a conclu que le juge du procès avait correctement appliqué le critère susmentionné et soupesé les facteurs pertinents. Le juge du procès a fait référence à la politique de l’employeur sur le harcèlement et la discrimination et a souligné que M. Render était un gestionnaire responsable de la mise en œuvre de la politique. Le juge du procès a tenu compte de la nature sexuelle du contact contesté et du fait que M. Render ne comprenait pas la gravité de sa conduite. Le juge du procès a également tenu compte des facteurs atténuants, y compris les longs antécédents professionnels sans tache de M. Render. La Cour d’appel a ensuite conclu qu’il n’y avait pas d’erreur dans l’approche ou l’analyse du juge du procès et que sa conclusion de congédiement pour motif valable avait droit à la déférence.

En examinant la question du droit au préavis et à l’indemnité de départ en vertu de la LNE, la Cour d’appel a noté que certains employés prescrits par règlement n’ont pas droit à l’indemnité de départ, notamment « les employés coupables d’un acte d’inconduite délibérée, d’indiscipline ou de négligence volontaire dans l’exercice de leurs fonctions qui n’est pas frivole et que l’employeur n’a pas toléré » (Règlement de l’Ontario 288/01 : Licenciement et cessation d’emploi).

L’employeur a soutenu que M. Render n’avait pas droit aux indemnités prévues par la LNE parce qu’il avait été congédié pour motif valable et qu’il était donc un employé visé par le règlement n’ayant pas droit au préavis de congédiement et à l’indemnité de départ ; la Cour d’appel n’était pas d’accord. La Cour a souligné la jurisprudence selon laquelle le critère de l’inconduite délibérée en vertu de la LNE est un critère plus élevé que celui du motif valable en common law. Une conduite imprudente, irréfléchie, insouciante ou involontaire ne suffirait pas à satisfaire le critère de l’inconduite délibérée. L’employeur devrait plutôt démontrer que « l’employé a délibérément adopté un comportement qu’il savait être une inconduite grave ».

La Cour a souligné que, bien que le juge du procès ait conclu que le contact n’était pas accidentel, il n’a pas conclu que la conduite avait été planifiée. Les conclusions du juge du procès concordaient plutôt avec le fait que la conduite de M. Render s’est déroulée dans le feu de l’action. De l’avis de la Cour d’appel, bien que la conduite de M. Render justifiait le congédiement pour motif valable, ce n’était pas le type de conduite dans les circonstances qui visait à le priver de ses droits en vertu de la LNE.

La Cour lui a donc accordé huit semaines d’indemnité de cessation d’emploi. Cependant, il n’y avait pas de preuve devant la Cour que l’employeur avait une masse salariale de 2,5 millions de dollars, comme l’exige l’article 64(1)b) de la LNE aux fins du droit à l’indemnité de départ, de sorte que la Cour d’appel n’a pas accordé d’indemnité de départ.

Quelles sont les implications de cette décision pour les employeurs municipaux?

L’affaire rappelle la différence entre un motif valable en common law et une inconduite délibérée en vertu de la LNE, cette dernière constituant un seuil plus élevé. Par conséquent, les employeurs municipaux qui envisagent le congédiement pour motif valable devraient obtenir des conseils juridiques pour comprendre comment la distinction peut avoir une incidence sur leur situation.

Cette décision montre également l’évolution du traitement judiciaire du harcèlement sexuel en milieu de travail. Il s’agit d’une déclaration claire selon laquelle un seul incident de harcèlement sexuel peut constituer un motif valable en common law. Elle sert également d’avertissement aux employeurs concernant les milieux de travail « trop familiers » avec une « atmosphère de travail inappropriée » qui « peut devenir incontrôlable » :

[traduction] Comme la Cour l’a dit dans l’affaire Bannister il y a près de 25 ans, c’est une atmosphère de travail qui ne peut plus être tolérée. Même si certains le considèrent comme bon enfant, ceux qui font l’objet de « blagues » personnelles ne le voient pas comme ça. Et quand les choses vont trop loin, comme c’est le cas ici, les conséquences juridiques peuvent être graves. Tout milieu de travail devrait être fondé sur le respect mutuel entre collègues. Ce respect mutuel établira naturellement les limites à ne pas dépasser.

Related Articles

Politique de vaccination contre la COVID‑19 prévoyant un congé non payé ou un congédiement pour non-conformité confirmée par l’arbitre comme raisonnable

Dans Revera Inc. (Brierwood Gardens et al.) v. Christian Labour Association of Canada, 2022 CanLII 28657, l’arbitre Christopher White a examiné un grief de principe…

L’Ontario réglemente la certification des pompiers

Le 14 avril 2022, le gouvernement de l’Ontario a déposé le Règl. de l’Ont. 343/22 : Certification des pompiers(le « Règlement ») en vertu de…