Récemment, les dispositions de congédiement contenues dans les contrats d’emploi ont fait l’objet d’un examen plus approfondi par les tribunaux. Par conséquent, il y a un nombre croissant de décisions qui décrivent les conditions sous lesquelles ces dispositions peuvent involontairement contrevenir les lois sur les normes d’emploi applicables. Après la décision Waksdale, le résultat dans de tels cas est habituellement que l’ensemble de la clause de résiliation est inexécutoire – au détriment de l’employeur.
L’une des décisions les plus récentes à ce sujet est Ghazvini et al. v. Canadian Imperial Bank of Commerce . Bien que la décision ne soit pas nécessairement révolutionnaire, elle est néanmoins remarquable en raison de son application de la décision Waksdale dans le contexte d’une clause de résiliation citant le Code canadien du travail (ou « Code »).
Contexte
Ghazvini et Mme Rose (collectivement les « demandeurs ») étaient employés à titre de conseillers en placement mobiles à la Banque Canadienne Impériale de Commerce (« CIBC »). À la suite d’une restructuration qui a mené à leur licenciement, les demandeurs ont poursuivi la CIBC pour congédiement injustifié, en affirmant que la clause de congédiement dans leur contrat d’emploi était inexécutoire.
Cessation d’emploi
Par CIBC pour un motif valable – CIBC peut mettre fin à votre emploi à tout moment sans préavis, ou verser une indemnité tenant lieu de préavis, pour un motif valable. Le motif valable comprend, sans s’y limiter, la malhonnêteté, la fraude, l’abus de confiance, le défaut d’exercer vos fonctions de façon satisfaisante, une violation du Code, le défaut d’obtenir ou de tenir à jour les RLA requis, le défaut de terminer le processus de présélection préalable à l’emploi à la satisfaction de la CIBC, le fait de fournir des renseignements faux, trompeurs ou inexacts pendant le processus d’embauche, l’infraction à toute autre condition de votre emploi et tout acte ou omission reconnus comme motif valable en vertu des lois applicables. Si votre emploi prend fin pour un motif valable, vous n’aurez droit à aucun avis de cessation d’emploi, à aucune indemnité de départ ni à aucun autre dommage-intérêt. (la « clause de congédiement pour motif valable »)
Par CIBC sans motif valable – CIBC peut mettre fin à votre emploi à tout moment, sans motif valable. Si votre emploi prend fin sans motif valable, vous recevrez un préavis de deux semaines ou une indemnité tenant lieu de préavis, ou une combinaison de ceux-ci, pour chaque année complète de service, à condition que vous signiez une renonciation totale et définitive dans une forme jugée satisfaisante par la CIBC (la « Renonciation »). La période totale de préavis ou d’indemnité tenant lieu de préavis, ou une combinaison des deux, ne doit pas être inférieure à trois semaines ou supérieure à dix-huit mois. L’indemnité tenant lieu de préavis peut être versée sous forme de montant forfaitaire ou au moyen de versements périodiques et peut faire l’objet de mesures d’atténuation, à la discrétion de la CIBC, conformément aux lois applicables.
Si vous ne signez pas la Renonciation ou si votre emploi prend fin dans les trois mois suivant le début de votre emploi, vous ne recevrez que vos droits minimaux en vertu des lois sur les normes d’emploi applicables et n’aurez droit à aucun autre avis de cessation d’emploi, indemnité tenant lieu de ce préavis, ou indemnité de départ. (la « clause de congédiement sans motif valable »)
Il convient de souligner que les parties n’ont pas contesté les éléments suivants :
- Le Code s’appliquait à la relation d’emploi des parties;
- La CIBC avait versé aux demandeurs les indemnités minimales auxquelles ils avaient droit en vertu du Code;
- Si la clause de congédiement contestée était inexécutoire, les demandeurs auraient droit à des dommages-intérêts tenant lieu d’un préavis raisonnable de congédiement en vertu de la common law.
Décision
Le tribunal a accepté l’argument des demandeurs selon lequel la clause de congédiement pour motif valable était inexécutoire. Plus précisément, la cour a conclu que la clause de congédiement pour motif valable contrevenait au Code parce qu’elle était ambiguë, en notant que la plupart des éléments énumérés étaient trop larges. Autrement dit, les éléments énumérés ne constituent pas nécessairement un motif valable en vertu du Code, selon le contexte et les circonstances entourant chaque cas. Par conséquent, la cour a conclu que la clause de congédiement pour motif valable violait les exigences minimales du Code et ne réfutait pas la présomption selon laquelle les demandeurs avaient droit à un préavis raisonnable de cessation d’emploi en vertu de la common law.
En considérant l’argument des demandeurs au sujet de la clause de congédiement sans motif valable, le tribunal a fait un survol de la jurisprudence qui examine les contrats d’emploi prévoyant un congédiement « en tout temps », y compris la décision Dufault et, plus récemment, les décisions Baker, Jones, Li et Chan. La cour a souligné que, comparativement à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi de l’Ontario (ou « LNE ») (qui interdit un licenciement après un congé ou en tant que représailles, comme il en a été question dans la décision Dufault), le Code offre une protection encore plus grande contre un licenciement « en tout temps » en raison de son régime relatif au congédiement injuste. La LNE fonctionne de concert avec le droit d’un employeur de mettre fin à l’emploi d’un employé en moyennant un préavis en établissant des obligations minimales de préavis et d’indemnité de départ, tandis que le Code remplace ce droit par la création d’un cadre législatif de licenciement. Par conséquent, la cour a noté que [traduction] « [d]ire qu’un employé dont l’emploi est assujetti au [Code] peut être congédié “en tout temps” est encore plus trompeur en vertu du [Code] que ce ne l’est en vertu de la LNE » (para 76). Néanmoins, la cour a finalement refusé de se prononcer sur la question du caractère exécutoire de la clause de congédiement sans motif valable, après avoir conclu que la clause de congédiement pour motif valable était inexécutoire et que, par conséquent, l’intégralité de la clause de congédiement était invalide.
Bien que le contrat d’emploi dans l’espèce contenait également une clause de sauvegarde standard, la cour a refusé de l’appliquer à la clause de congédiement autrement inexécutoire. La cour a réitéré que ces dispositions visent à rendre une clause de congédiement compatible avec des modifications futures des lois sur les normes d’emploi applicables et qu’elles ne doivent pas être invoquées afin de remédier une clause péremptoire qui va directement à l’encontre de la loi existante.
En fin de compte, le tribunal a accordé une indemnité de cessation d’emploi de sept (7) mois à M. Ghazvini et une indemnité de cessation d’emploi de douze (12) mois à Mme Rose. Les dommages-intérêts tenant lieu de préavis des demandeurs comprenaient également une indemnité pour leur prime annuelle de 2022, ainsi que le salaire, les commissions et les avantages sociaux qu’ils auraient gagnés et/ou reçus pendant la période de préavis déterminée par la cour, moins les paiements déjà versés par la CIBC lors de leur licenciement.
À notre avis
Jusqu’à ce jour, il n’était pas certain que la décision Waksdale – qui correspond à la proposition selon laquelle une disposition de congédiement sans motif valable autrement conforme à la loi peut être rendue inexécutoire par une disposition de congédiement pour motif valable illégale – ne s’appliquait qu’en Ontario. Il en est ainsi parce que la LNE de l’Ontario fait référence à la norme statutaire d’« acte d’inconduite délibérée », ce qui représente un seuil plus élevé, alors que les lois sur les normes d’emploi de tous les autres territoires canadiens font référence à la norme du « motif valable ».
Toutefois, cette décision renforce le principe selon lequel, lorsqu’une loi utilise un terme comme « motif valable », ce sera aux tribunaux et non aux parties contractantes de décider ce qui constitue un motif valable. Il s’ensuit que toute clause de congédiement qui vise à définir « motif valable » en énumérant des exemples de ce que celui-ci comprend, risque que la clause viole la loi sur les normes d’emploi applicable, invalidant ainsi la disposition de congédiement dans son intégralité. De plus, bien que la cour n’ait pas fait de commentaires précis sur la question du libellé « en tout temps », le commentaire fournit souligne le risque futur que les tribunaux, en particulier ceux de l’Ontario, soient susceptibles de s’appuyer sur le raisonnement qui se trouve dans la jurisprudence de compétence provinciale lorsqu’il s’agit de trancher sur la question de la conformité d’une clause de congédiement au Code. Les employeurs qui sont préoccupés par ces risques devraient examiner attentivement leurs modèles de contrat d’emploi actuels avec un conseiller juridique et apporter les modifications appropriées avant qu’un différend ne survienne.
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Samara Belitzky au 613-404-4285 ou avec Sophie Kassel au 613-410-6115.