Une décision récente de la Cour supérieure de justice de l’Ontario fournit un autre exemple du nombre croissant de façons dont une disposition de cessation d’emploi dans un contrat de travail peut contrevenir par inadvertance à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE » ou la « Loi »), le résultat final étant l’inapplicabilité de l’ensemble de la disposition. Les employeurs seraient bien avisés d’examiner immédiatement leurs contrats de travail avec un conseiller juridique afin de s’assurer que tout changement au contrat qui pourrait être nécessaire à la lumière de cette décision puisse être mis en œuvre rapidement et adéquatement.
Faits
Dans Dufault c. The Corporation of the Township of Ignace (2024 ONSC 1029), la demanderesse a d’abord été embauchée par le canton d’Ignace (le « Canton ») à la fin de 2021. Au début de 2022, la demanderesse a obtenu un nouveau poste au sein du Canton à titre de Coordonnatrice de la mobilisation des jeunes et, en novembre de la même année, elle a signé une entente à durée déterminée précisant que son emploi dans ce rôle se poursuivrait jusqu’au 31 décembre 2024.
Le 26 janvier 2023, le Canton a mis fin à l’emploi de la demanderesse sans motif valable. Au moment de la cessation de son emploi, la demanderesse touchait un salaire de base de 75 000 $ par année, ainsi que divers avantages sociaux, dont une assurance-vie, une assurance contre les maladies graves, une assurance en cas de décès ou de mutilation par accident, une assurance-maladie complémentaire, une assurance dentaire, des prestations d’invalidité de longue durée et une pension.
Afin de mettre fin à l’emploi de la demanderesse, le Canton s’est fondé sur l’article 4.0 de l’entente à durée déterminée, qui contenait une disposition de cessation d’emploi « avec motif valable » (paragraphe 4.01) et une disposition de cessation d’emploi « sans motif valable » (paragraphe 4.02). Plus précisément, l’article 4.0 était ainsi libellé (notre traduction de l’original):
4.01 Le canton peut résilier la présente entente et mettre fin à l’emploi de l’employé à tout moment et sans préavis ni indemnité tenant lieu de préavis pour un motif valable. Si la présente entente et l’emploi de l’employé prennent fin pour un motif valable, aucun autre paiement de quelque nature que ce soit, notamment des dommages-intérêts, n’est payable à l’employé, sauf disposition contraire expresse des présentes, et les obligations du canton en vertu de la présente entente cessent à ce moment-là. Aux fins de la présente entente, le terme « valable » comprend notamment :
- lorsque l’employé ne fournit pas les services précisés précédemment sans l’approbation écrite du Conseil municipal, ce défaut est considéré comme un motif valable et la présente entente et l’emploi de l’employé prennent fin immédiatement;
- dans le cas d’actes de négligence ou de désobéissance volontaire de la part de l’employé qui ne sont pas tolérés par le canton ou qui causent des blessures ou des dommages au canton, ces actes sont considérés comme des motifs valables et la présente entente et l’emploi de l’employé prennent fin immédiatement, sans autre avis.
4.02 Le Canton peut, à sa seule discrétion et sans motif valable, mettre fin à la présente entente et à l’emploi de l’employé en vertu de celle-ci à tout moment après avoir donné à l’employé un préavis écrit de la manière suivante :
- le Canton continuera de verser le salaire de base de l’employé pour une période de deux (2) semaines par année complète de service, jusqu’à concurrence de quatre (4) mois ou de la période prévue par la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, selon le plus élevé de ces deux montants. Ce paiement tenant lieu de préavis est versé à compter de la date de la cessation d’emploi, sous forme de versements aux deux semaines le jour normal de la paie ou d’un montant forfaitaire à la discrétion du Canton, sous réserve en tout temps des dispositions de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi.
- à l’exception des prestations d’invalidité de courte et de longue durée, le Canton maintiendra les avantages sociaux de l’employé pendant toute la période de préavis au cours de laquelle le Canton continue de payer le salaire de l’employé. Le Canton maintiendra les prestations d’invalidité de courte et de longue durée de l’employé pendant la période prescrite par la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et paiera tous les autres avantages sociaux ou paiements accumulés requis par cette Loi.
- tous les paiements prévus en vertu du présent paragraphe seront assujettis à toutes les déductions requises en vertu des politiques et des règlements administratifs du canton.
- […]
Conformément au paragraphe 4.02, le Canton a versé à la demanderesse une indemnité de cessation d’emploi de deux semaines, ce qui représente un paiement brut total de 2 884,61 $. Il a également maintenu les avantages sociaux de la demanderesse – à l’exception de sa pension – pour une période de deux semaines.
En réponse, la demanderesse a intenté une poursuite judiciaire contre le Canton pour violation de contrat et a par la suite présenté une motion en jugement sommaire dans l’affaire. La demanderesse a soutenu que les dispositions de cessation d’emploi en question étaient contraires à la LNE et qu’elles étaient donc inapplicables. Par conséquent, elle a demandé des dommages-intérêts équivalant à 101 semaines de salaire de base et d’avantages sociaux, moins les montants déjà payés, représentant la période restante en vertu de l’entente à durée déterminée.
Décision
Au départ, la Cour a été chargée de décider si l’article 4.0 de l’entente à durée déterminée était exécutoire. En appliquant la norme plus stricte de conformité à la LNE exigée par la jurisprudence plus récente de la Cour d’appel, la Cour a ultimement tranché en faveur de la demanderesse en concluant que les dispositions de cessation d’emploi en question, tel qu’elles étaient rédigées, contrevenaient à la LNE de trois façons distinctes.
Les premiers et deuxièmes motifs qui appuyaient la décision de la Cour d’invalider la disposition de cessation d’emploi n’étaient pas nouveaux et avaient déjà été établis dans des décisions antérieures, notamment par la Cour d’appel de l’Ontario. Cependant, la troisième conclusion est nouvelle et les motifs correspondants du juge ne se retrouvent pas dans des décisions antérieures.
Premièrement, la Cour a fait remarquer que ni la LNE ni les règlements adoptés en vertu de celle-ci ne mentionnent la possibilité d’un congédiement « avec motif valable ». Le Règlement de l’Ontario 288/01 (licenciement et cessation d’emploi) pris en vertu de la LNE mentionne simplement que les employés qui sont « coupables d’un acte d’inconduite délibérée, d’indiscipline ou de négligence volontaire dans l’exercice de leurs fonctions qui n’est pas frivole et que l’employeur n’a pas toléré » n’ont pas droit à un préavis de licenciement ou à une indemnité de licenciement. Par conséquent, de l’avis de la Cour, le paragraphe 4.01 – qui fait explicitement référence à la cessation d’emploi « avec motif valable » – sous-entendait une approche de common law à l’égard du congédiement injustifié en accordant au Canton le droit de retenir l’indemnité de licenciement et l’indemnité de départ dans le cas d’une cessation d’emploi « avec motif valable » dans des circonstances où la LNE ne permettrait pas nécessairement au Canton de le faire. Bien que le Canton ait tenté de faire valoir que les motifs de cessation d’emploi « avec motif valable » énumérés dans le contrat équivalaient essentiellement aux motifs de cessation d’emploi précisés dans le Règlement de l’Ontario 288/01, la Cour n’était pas d’accord. Elle a plutôt conclu que le Canton avait apparemment amalgamé les motifs de cessation d’emploi en vertu de la LNE avec une norme de common law qui n’existe nulle part dans la Loi ou dans ses règlements.
Deuxièmement, la Cour a conclu que, bien que le paragraphe 4.02 exigeait le paiement du salaire de base de l’employé pendant la période de préavis, les expressions « salaire de base » et « salaire normal » n’ont pas le même sens. En utilisant l’expression « salaire de base », au lieu d’un terme plus général, comme « salaire normal », la clause ne garantissait pas que toutes les indemnités de cessation d’emploi minimales de l’employé seraient fournies pendant la période de préavis prévue par la loi, ce qui, comme la Cour l’a fait remarquer, pourrait comprendre une rémunération plus importante que le salaire de base. Par conséquent, la Cour a conclu que le Canton avait enfreint l’article 60 (Exigences à respecter pendant le délai de préavis) de la LNE. La Cour a également contesté le fait que le paragraphe donnait au canton l’option de verser à l’employé une indemnité de cessation d’emploi en versements bimensuels, ce qui, selon la Cour, contrevenait à l’article 61 (Indemnité tenant lieu de préavis) de la Loi.
Troisièmement, et plus particulièrement, la Cour a accepté l’argument de la demanderesse selon lequel le paragraphe 4.02 violait la LNE en en permettant au Canton de mettre fin à l’emploi de l’employé « à sa seule discrétion » et « à tout moment ». En soulignant que la LNE interdit expressément le licenciement d’une personne après un congé protégé (article 53 – Réintégration) ou en guise de représailles pour avoir tenté d’exercer un droit en vertu de la Loi (article 74 – Interdiction d’exercer de représailles), le tribunal a confirmé que le droit de l’employeur de congédier un employé n’est pas absolu. Dans cette optique, la Cour a convenu qu’une disposition de cessation d’emploi qui permettait à l’employeur de licencier « à tout moment » contrevenait à la LNE, et cet élément est devenu l’un des nombreux motifs sur lesquels la Cour s’est appuyée pour invalider la disposition de cessation d’emploi dans le contrat de l’employé dans cette affaire.
En l’absence d’une disposition exécutoire prévoyant la résiliation anticipée de l’entente à durée déterminée, le tribunal a conclu que la demanderesse avait le droit de recevoir un paiement pour le solde restant de son contrat. Par conséquent, elle a touché des dommages-intérêts totalisant 157 071,57 $. C’était plus de 150 000 $ de plus que ce que l’employeur lui avait versé au départ.
À notre avis
Dans cette affaire, bien que l’employeur se soit appuyé précisément sur le paragraphe 4.02 du contrat pour mettre fin à l’emploi de la demanderesse, la Cour a examiné les dispositions « avec motif valable » et « sans motif valable » de l’article 4.0 et a conclu que chacune contrevenait séparément à la LNE. Comme l’a clairement établi la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Waksdale c. Swegon North America Inc., l’invalidité d’une disposition « avec motif valable » dans un contrat peut avoir une incidence sur l’applicabilité d’une disposition « sans motif valable » dans ce même contrat, puisque les contrats de travail – y compris en particulier leurs dispositions de licenciement – doivent être interprétés dans leur ensemble et non pas à la pièce. Par conséquent, les employeurs devraient s’assurer que tous les aspects de leurs dispositions en matière de cessation d’emploi sont valides et exécutoires en vertu de la loi en vigueur, peu importe le motif pour lequel ils s’attendent à mettre fin à l’emploi d’une personne.
Toutefois, le plus important à retenir de cette décision est le nouveau motif invoqué par le juge pour conclure qu’une disposition de cessation d’emploi qui permet le congédiement « à tout moment » contrevient à la LNE. Compte tenu du résultat dans cette affaire, les employeurs devraient s’assurer que tout libellé potentiellement problématique actuellement dans leurs dispositions relatives au congédiement (c.-à-d. qui pourrait indûment élargir la portée du droit de l’employeur de congédier) soit examiné et révisé au besoin.
Pour obtenir de plus amples renseignements ou de l’aide pour réviser vos contrats d’emploi, veuillez communiquer avec Sarah Lapointe au 613‑276-4288 ou Marie Bordeleau au 613-404-5875.