Les normes minimales du Code canadien du travail (« Code ») pour les salaires, les heures de travail et les autres conditions de travail générales ont été établies dans les années 60, à une époque où l’emploi typique (c.‑à‑d. l’emploi à temps plein avec des salaires et des avantages sociaux décents) était la norme. De façon générale, ces normes sont demeurées les mêmes malgré l’augmentation considérable de l’emploi atypique depuis les années 1970. L’emploi atypique comprend le travail temporaire et à temps partiel, généralement sans avantages sociaux, et se caractérise par le faible revenu, l’instabilité et la précarité. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral (Emploi et Développement social Canada) a mené des consultations pendant une période de dix mois auprès d’un large éventail d’intervenants pour discuter de la façon de moderniser le Code afin qu’il corresponde davantage à cette réalité et aux défis auxquels font face les employés.
Les consultations ont mis l’accent sur les sujets suivants :
- améliorer l’accès aux congés et aux vacances annuelles ;
- mieux soutenir l’équilibre entre travail et vie privée ;
- mieux protéger les employés qui occupent des emplois atypiques ;
- actualiser les dispositions relatives à la cessation d’emploi ;
- de bons salaires et des avantages sociaux.
En ce qui concerne l’amélioration de l’accès aux congés et aux vacances annuelles, le principal sujet de discussion concernait la période pendant laquelle un travailleur doit être employé avant de pouvoir bénéficier des divers congés et vacances prévus par la loi, et la question de savoir s’il faut ajuster cette période et comment. Même si les divers intervenants s’entendaient sur les avantages physiques et psychologiques associés aux congés et aux vacances, des organisations d’employeurs ont souligné que ces congés et vacances étaient coûteux et que l’accès devrait être fondé sur la loyauté durable de l’employé.
Les discussions au sujet de l’équilibre entre travail et vie privée ont porté sur les congés personnels payés, la question de savoir si les employés devraient avoir des pauses, le nombre d’heures pendant lesquelles les employés ne devraient pas travailler chaque jour et la question de savoir si les employés devraient bénéficier du « droit de déconnexion » (c.‑à‑d. le droit de ne pas devoir vérifier les courriels professionnels ou y répondre hors des heures de travail). Le droit de déconnexion fait l’objet de discussions depuis que la France a consacré ce droit dans sa législation en 2016. La justification du droit de déconnexion a généralement trait aux craintes concernant les heures supplémentaires non rémunérées et l’épuisement professionnel.
Comme on pouvait s’y attendre, les opinions des organisations d’employeurs et des organisations de travailleurs divergeaient sur la question. Le rapport a souligné que les organisations d’employeurs avaient clairement indiqué que l’attribution des fonctions constitue un droit fondamental de la direction, et qu’il s’agit d’un principe bien établi des relations de travail. Ces organisations ont ajouté que le milieu de travail avait évolué et que de nombreux employés n’effectuaient plus la journée de travail traditionnelle de neuf heures à cinq heures. Le rapport a déclaré ce qui suit :
Bien que 93 % des répondants ont dit que les employés devraient avoir le droit de refuser de répondre aux communications professionnelles en dehors des heures de travail, de solides arguments ont été avancés pour montrer que toute tentative visant à inscrire ce droit dans la législation dépasserait les bornes.
Le rapport de consultations est demeuré flou sur la question de savoir si le droit de déconnexion ferait l’objet d’une réglementation future, déclarant simplement que : « Compte tenu de ce que nous avons entendu, des enjeux comme le droit de déconnexion […] pourraient justifier un examen plus poussé ».
En ce qui concerne les protections accordées aux travailleurs qui occupent un emploi atypique, les consultations ont porté sur la disparité de salaire entre les travailleurs à temps plein et les travailleurs temporaires, occasionnels, saisonniers ou à temps partiel effectuant le même travail, la classification erronée d’employés comme travailleurs autonomes ou entrepreneurs indépendants, l’octroi de nouveaux contrats et la voix des travailleurs. Même si aucun engagement n’a été pris, le rapport a mentionné les notions consistant à rendre obligatoire la rémunération égale nonobstant le statut d’emploi (c.‑à‑d. temporaire, à temps partiel ou à temps plein) et à traiter la classification erronée comme une infraction, avec une présomption de « statut d’employé ».
Est également incertain ce que le gouvernement pourrait faire pour actualiser les dispositions du Code relatives au congédiement. Les organisations de travailleurs ont recommandé l’augmentation de l’exigence de préavis de cessation d’emploi en remplaçant la norme actuelle d’un préavis de cessation d’emploi de deux semaines pour tout employé comptant au moins trois mois de service continu auprès du même employeur par un « préavis raisonnable » en fonction de la durée totale du service. Les organisations de travailleurs ont aussi recommandé l’augmentation de l’indemnité de cessation d’emploi, pour la faire passer de deux jours de salaire par année complète de service à une semaine par année de service. Pour le préavis de cessation d’emploi et l’indemnité de cessation d’emploi, les groupes de travailleurs ont recommandé que la durée totale du service comprenne les périodes de service récurrentes auprès du même employeur.
Les organisations d’employeurs ont semblé mettre l’accent sur les dispositions du Code relatives au licenciement collectif et estimaient que la période de 16 semaines était trop longue. Le rapport souligne qu’on a suggéré d’éliminer l’exigence de période de préavis de 16 semaines, mais au moins une organisation de travailleurs a affirmé que cette période était appropriée puisque la période d’ajustement peut être plus difficile en ce qui concerne les mises à pied collectives. On a aussi recommandé l’introduction de l’exigence que l’employé licencié soit informé de ses droits par écrit.
Les organisations de travailleurs et les organisations d’employeurs ne s’entendaient pas sur l’ajustement à apporter aux exigences d’admissibilité au régime de congédiement injustifié. Les organisations d’employeurs ont souligné que dans les lieux de travail de plus en plus complexes, il faut beaucoup de temps pour former un employé avant que son aptitude puisse être évaluée. Selon ces dernières, la période de carence de 12 mois devrait être prolongée, un employeur suggérant entre deux et cinq ans.
Les organisations de travailleurs ont souligné que la période de carence de 12 mois prive de toute protection contre le congédiement injustifié les employés dont la durée de service est plus courte en raison du coût prohibitif d’une action pour congédiement injustifié. Ces organisations ont suggéré de réduire la période à trois mois.
Cette divergence d’opinions entre les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs s’est aussi reflétée dans l’analyse du rapport sur les salaires et les avantages sociaux. Figurent parmi les politiques brièvement analysées dans le rapport un salaire minimum fédéral et une banque d’avantages sociaux fédérale pour les entrepreneurs indépendants. Le gouvernement s’est relativement peu avancé sur ces politiques, se contentant de déclarer qu’elles pourraient justifier un examen plus poussé.
On peut consulter le rapport intégral sur les consultations sur le site suivant : https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/services/normes-travail/rapports/modernisation-normes-federales.html
À notre avis
Le rapport déclare que la partie III du Code s’applique à environ 904 000 employés et à plus de 18 000 employeurs. Par conséquent, toute modification aura un effet important pour une partie considérable de la main-d’œuvre du Canada et les employeurs de réglementation fédérale. À ce stade, il est difficile de déterminer ce que pourrait comprendre la législation future. Toutefois, le gouvernement s’est engagé à établir un régime de normes du travail moderne et vigoureux. Les employeurs de réglementation fédérale doivent savoir que des changements s’annoncent. Nous continuerons de tenir les lecteurs d’Au point informés de toute nouveauté.
Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Céline Delorme au 613‑940‑2763.