Une arbitre confirme le congédiement d’un ambulancier paramédical pour malhonnêteté

Dans Cornwall (City) v Canadian Union of Public Employees, Local 5734, 2022 CanLII 29360, J.D. Sharp, un associé du cabinet Emond Harnden, a défendu avec succès la Ville de Cornwall relativement à un grief déposé par un ambulancier paramédical que la Ville avait congédié en raison de son manque de franchise au sujet de divers aspects du transport d’un patient présentant des lésions traumatiques.

Les soins aux patients qui sont fournis par les ambulanciers paramédicaux sont régis par les Basic Life Support Patient Care Standards [normes sur les soins immédiats en réanimation], établies par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée. Ces normes comprennent, entre autres, la Field Trauma Triage Standard [norme de triage des cas de traumatisme sur le terrain] (la « Norme »), qui indique dans quelles circonstances un patient doit être transporté vers un hôpital local et dans quelles circonstances il y a lieu de l’acheminer directement vers un centre de traumatologie. La Norme comporte deux éléments : l’état médical du patient et le temps de transport estimé vers l’hôpital. Si l’état du patient remplit les critères médicaux et que le temps de transport estimé pour se rendre au centre de traumatologie est inférieur à 60 minutes (tel que la Norme est appliquée à la ville de Cornwall), la Norme exige que le patient soit transporté au centre de traumatologie.

En l’espèce, le plaignant et son partenaire ont été appelés à porter secours à un piéton qui avait été heurté par un véhicule et avait subi des lésions traumatiques. L’ambulance s’est rendue au campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa (le centre de traumatologie) plutôt qu’à l’Hôpital communautaire de Cornwall (l’hôpital local). En route vers Ottawa, le plaignant a communiqué avec l’hôpital principal, l’établissement médical qui fournit des directives et des autorisations aux ambulanciers paramédicaux relativement aux actes médicaux qu’ils accomplissent dans l’exercice de leurs fonctions. Il a demandé au médecin la permission d’amener le patient à Ottawa, même s’il avait initialement estimé qu’il leur faudrait de 70 à 80 minutes pour s’y rendre en raison de mauvaises conditions météorologiques. Le médecin a indiqué que, selon la Norme, le patient devait être transporté à Cornwall puisque le temps de transport estimé vers Ottawa était supérieur à 60 minutes.

Au cours de cette conversation téléphonique, il est devenu évident pour le médecin que le plaignant cherchait à obtenir la permission de se rendre à Ottawa et que l’ambulance était déjà en route vers Ottawa. Lors de cette même conversation, le plaignant a modifié les temps de transport estimés, augmentant le temps qu’il faudrait à l’ambulance pour retourner à Cornwall et réduisant le temps qu’il lui faudrait pour arriver à Ottawa. Vers la fin de l’appel, lorsque le plaignant a de nouveau demandé la permission de se rendre directement à Ottawa, le médecin a dit : [traduction] « Eh bien, je crois que vous avez déjà pris vous-même cette décision, alors ce ne sera pas ma décision, mais si vous êtes déjà en route, allez-y. »

Le médecin a déposé une plainte à la Ville à la suite de l’appel. La Ville a fait enquête et a découvert diverses anomalies concernant les actes médicaux accomplis par le plaignant et la documentation relative au transport du patient. La Ville a mis fin à l’emploi du plaignant au motif que celui-ci s’était conduit de façon malhonnête.

L’arbitre Parmar a conclu que la Norme ne permettait pas à l’ambulancier paramédical d’exercer son propre jugement professionnel quant à l’endroit où le patient devait être transporté. En appelant l’hôpital pour demander la permission de ne pas respecter la Norme, le plaignant a contrevenu à la Norme. En insistant auprès du médecin pour qu’il l’autorise à se rendre directement au centre de traumatologie, le plaignant a également manqué à son obligation professionnelle de suivre les directives du médecin de l’hôpital principal.

L’arbitre a également déterminé qu’après avoir appris que le médecin avait déposé une plainte et que la Ville faisait enquête, le plaignant a donné une version des faits très différente de son récit initial. Il a affirmé qu’il n’arrivait pas à entendre ce que le médecin lui disait en raison de problèmes de réception, mais cette affirmation a été démentie par l’enregistrement de l’appel. Aux yeux de l’arbitre, c’était la malhonnêteté du plaignant à cet égard qui était la plus préoccupante. Celle-ci a souligné que [traduction] « le plaignant a l’obligation professionnelle de rendre compte avec honnêteté et précision des actes qu’il a posés dans le cadre de la prise en charge du patient ».

L’arbitre a également conclu que le plaignant avait délibérément consigné des lectures de certains signes vitaux alors qu’en réalité, il n’avait pas pris ces signes vitaux. Elle a souligné que [traduction] « indépendamment de la question de savoir si ces agissements auraient pu avoir une incidence importante sur les soins cliniques, dans le contexte des soins de santé, où la documentation est la principale méthode utilisée pour communiquer l’état d’un patient et où les normes de pratique applicables insistent fortement sur l’importance et l’obligation de fournir des renseignements exacts, lorsqu’une personne consigne délibérément des renseignements qu’elle sait être inexacts, elle commet une faute grave. » Le plaignant n’a pas agi par inadvertance lorsqu’il a consigné une lecture précise alors qu’il n’avait pas pris cette lecture, il s’agissait de [traduction] « un acte intentionnel laissant entendre qu’une lecture précise avait été prise et qu’un résultat précis avait été constaté, alors que le plaignant savait que cette lecture n’avait pas été prise ».

L’arbitre a également conclu que [traduction] « les réactions du plaignant témoignent d’un manque de compréhension troublant de son obligation professionnelle de communiquer et de consigner avec exactitude les renseignements concernant les patients. Le plaignant est à l’aise de fonder ses comportements sur son appréciation personnelle de ce qui est important et des renseignements qui doivent être communiqués et à qui. Les normes professionnelles auxquelles il est tenu de se conformer ne lui permettent pas de se comporter ainsi. »

La Ville a fait valoir que l’inconduite du plaignant pendant l’appel à l’hôpital constituait un motif de congédiement ou, subsidiairement, que l’ensemble de l’inconduite liée à cet appel d’ambulance justifiait son congédiement. L’arbitre a souscrit à ces deux arguments. Elle a conclu que [traduction] « il n’y a pas lieu d’appliquer des mesures disciplinaires progressives lorsque l’inconduite porte atteinte à l’intégrité même de la relation d’emploi et rend impossible toute tentative de réparation ». Si le plaignant avait été honnête quant au fait qu’il n’a pas respecté la Norme, il aurait peut-être été possible que la relation d’emploi se poursuive, sachant que le plaignant a agi dans l’intérêt supérieur du patient lorsqu’il a entrepris de le transporter à Ottawa. Mais le fait que le plaignant ait tenté de dissimuler son inconduite initiale quant au non-respect de la Norme constituait une inconduite plus grave.

L’arbitre Parmar a souligné que [traduction] « l’honnêteté est un élément fondamental de la relation d’emploi, à tel point qu’un manque d’honnêteté peut, en soi, constituer un motif de congédiement. Qui plus est, on attend des professionnels de la santé qu’ils s’acquittent de leurs obligations professionnelles d’intégrité et de compétence avec le plus grand des sérieux. Et, cela s’applique bien sûr aux ambulanciers paramédicaux […] » Elle a ajouté que l’honnêteté [traduction] « est particulièrement importante dans le cas des professionnels de la santé, car ceux-ci ont la responsabilité d’exercer leur pouvoir discrétionnaire d’une façon qui est conforme aux normes professionnelles tout en travaillant de façon autonome. Les employeurs de professionnels de la santé peuvent, à bon droit, exiger un tel niveau de confiance envers leurs employés, car celui-ci est essentiel pour assurer la confiance du public envers l’employeur. »

L’arbitre a conclu à l’absence de circonstances atténuantes. Le plaignant était en service depuis peu (deux ans). Bien qu’il ait agi dans l’intérêt supérieur du patient, rien ne pouvait justifier sa malhonnêteté ultérieure, qui [traduction] « n’a pu être motivée que par des intérêts personnels ». La conduite du plaignant n’était pas le résultat d’une erreur de jugement momentanée, ce dernier n’ayant d’ailleurs pas reconnu son inconduite à l’audience. Le fait que le plaignant n’ait pas reconnu avoir eu un comportement répréhensible a fait dire à l’arbitre qu’il lui était [traduction] « tout simplement impossible de conclure qu’un comportement similaire ne se reproduira pas à l’avenir. »

Le grief a été rejeté.

Quelles sont les implications de cette décision pour les employeurs municipaux?

Cette décision souligne l’importance de l’honnêteté dans la relation d’emploi. Lorsque la malhonnêteté porte atteinte à l’intégrité même de la relation d’emploi, le congédiement peut être justifié. La décision reconnaît également que les professionnels de la santé sont soumis à une norme plus élevée lorsqu’il s’agit pour eux de s’acquitter de leurs [traduction] « obligations professionnelles d’intégrité et de compétence ».

La question de savoir si une conduite malhonnête peut justifier un congédiement dépendra des circonstances particulières de chaque cas. Par conséquent, les employeurs qui envisagent de congédier un employé pour malhonnêteté sont invités à obtenir un avis juridique avant d’agir afin de bien comprendre les risques associés à un tel congédiement.

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