Le 7 juillet 2021, le gouvernement fédéral a annoncé que la Loi sur l’équité salariale (la « Loi ») entrera en vigueur le 31 août 2021.
Comme il en a été question dans un article Au Point précédent, la Loi vise à assurer une rémunération égale pour les hommes et les femmes qui accomplissent un travail de valeur égale dans le même établissement. L’équité salariale doit être atteinte au moyen d’augmentations de la rémunération versées lorsqu’un plan d’équité salariale démontre un écart de rémunération entre les catégories d’emploi à prédominance féminine et les catégories à prédominance masculine comparables.
L’employeur assujetti à la Loi est tenu d’élaborer et d’afficher un plan d’équité salariale dans les trois (3) ans suivant son entrée en vigueur, d’accorder les augmentations de la rémunération requises par le plan et par la suite, de faire sa mise à jour.
Les lecteurs du bulletin Au Point se rappelleront une discussion détaillée sur la publication du projet de règlement (le « projet de règlement ») pris en vertu de la Loi. La version définitive du Règlement sur l’équité salariale (le « Règlement ») est maintenant publiée. Une grande partie du Règlement demeure inchangée, mais des modifications ont été apportées à certaines des dispositions proposées en réponse aux préoccupations soulevées lors de la consultation. Ces modifications sont examinées en détail ci‑après.
Qu’est-ce qui a changé entre les exigences réglementaires proposées et la version définitive?
Affichage de l’avis dans les 60 jours
L’employeur (ou le groupe d’employeurs) qui est tenu de constituer un comité d’équité salariale, ou qui constitue volontairement un comité d’équité salariale, a l’obligation d’afficher un avis concernant ses obligations relatives au plan. Au lieu d’exiger que les employeurs le fassent « dès que possible », le Règlement précise maintenant que l’affichage doit se faire dans les 60 jours suivant la date à laquelle l’employeur ou le groupe d’employeurs est devenu assujetti à la Loi. Pour la plupart des employeurs concernés, le délai de 60 jours commencera à courir le 31 août 2021.
L’avis doit demeurer affiché, soit jusqu’à ce que l’employeur affiche la version définitive du plan d’équité salariale, jusqu’à ce qu’il soit tenu d’afficher un avis faisant état de ses obligations s’il quitte ou rejoint un groupe d’employeurs, ou jusqu’à ce qu’il soit tenu d’établir plus d’un plan d’équité salariale. Le dernier motif a été ajouté afin que l’employeur se retrouvant dans cette situation puisse retirer son avis initial et le remplacer par un nouvel avis énonçant ses nouvelles obligations.
De même, l’employeur tenu d’afficher un avis concernant l’établissement du plan d’équité salariale sans comité d’équité salariale doit maintenant le faire dans les 60 jours suivant la date à laquelle la commissaire à l’équité salariale autorise l’employeur à établir le plan sans comité, et non plus « dès que possible. »
Suppression des délais de présentation des avis et des demandes à la commissaire
Les délais proposés pour la présentation des avis et des demandes à la commissaire à l’équité salariale ont été éliminés du Règlement. Par exemple, le projet de règlement prévoyait l’obligation pour l’employeur ou le groupe d’employeurs ayant volontairement constitué un comité d’équité salariale d’en aviser la commissaire dans les 60 jours suivant l’affichage de son avis. Toutefois, lors des consultations, des préoccupations ont été soulevées selon lesquelles la période de 60 jours pourrait porter à confusion. Afin que le Règlement ne soit pas trop restrictif pour les employeurs qui ont volontairement constitué un comité d’équité salariale, le délai en a été supprimé.
De plus, le projet de règlement prévoyait que l’employeur qui souhaitait établir plus d’un plan d’équité salariale devait présenter sa demande à la commissaire dans les 12 mois suivant la date à laquelle l’employeur était devenu assujetti à la Loi.
Les parties prenantes représentant les employeurs ont souligné que le délai de 12 mois pour présenter une demande d’établissement de plus d’un plan était trop restrictif, alors que les parties prenantes représentant les employés ont signalé que ce délai était trop long et pouvait entraîner des retards. Toutefois, étant donné que l’employeur doit afficher ses plans dans les trois ans suivant la date à laquelle il est devenu assujetti à la Loi, peu importe la date à laquelle il présente sa demande d’établissement de plus d’un plan, et compte tenu des mesures de protection prévues par la Loi, le délai a été supprimé, offrant ainsi plus de souplesse aux employeurs qui ont un milieu de travail complexe où plus d’un plan est nécessaire.
Le projet de règlement prévoyait également une date limite à laquelle un employeur pouvait demander à la commissaire une prolongation de la période d’échelonnement du versement d’une augmentation de la rémunération, à savoir la veille de la date à laquelle l’employeur affichait un avis concernant les augmentations. Toutefois, cette date limite a été supprimée de la version définitive du Règlement afin que l’employeur ait la souplesse voulue pour en faire la demande quand sa situation financière l’exige. Il a été jugé que toute possibilité d’abus de la disposition est atténuée par le pouvoir discrétionnaire de la commissaire, en ce sens que l’employeur aurait à démontrer des difficultés financières extrêmes pour obtenir une approbation.
Clarification des méthodes de calcul, orientation à venir de la part de la commissaire
À la suite de commentaires selon lesquels la méthode de la droite égale décrite dans le projet de règlement était très complexe, sa description a été clarifiée. Le gouvernement fait remarquer que le fondement de la formule n’a pas changé, mais que celle‑ci a été exprimée de façon plus accessible. Le gouvernement a fait savoir que la commissaire fournira des documents d’orientation sur l’utilisation de la formule.
Il convient de souligner que, bien qu’aucune modification n’ait été apportée au libellé du Règlement entourant le processus applicable au croisement des droites de régression, le gouvernement a fait savoir que la commissaire fournira également des documents d’orientation au sujet de ce processus une fois que la Loi et le Règlement seront en vigueur.
« Clichés » annuels des renseignements sur le milieu de travail
Le projet de règlement exigeait que l’employeur recueille des renseignements sur le milieu de travail un jour civil précis (généralement le 31 mars ou le dernier jour de l’exercice fiscal, selon l’employeur) pour chaque année entre la date d’affichage du plan d’équité salariale et la date d’affichage d’un plan d’équité salariale actualisé.
L’obtention de ces renseignements avait pour objet d’aider l’employeur à cerner les changements susceptibles d’avoir une incidence sur l’équité salariale. L’employeur serait tenu d’utiliser ces renseignements pendant le processus de mise à jour du plan d’équité salariale.
Lors de la consultation, des préoccupations ont été soulevées selon lesquelles obtenir de tels renseignements un jour civil précis pourrait être un fardeau trop lourd pour l’employeur. Par exemple, une entreprise pourrait être fermée ce jour civil particulier d’une année donnée. Par conséquent, le libellé a été modifié de façon que l’employeur doive s’acquitter des obligations de collecte de renseignements à l’égard d’un jour civil précis de chaque année (en d’autres termes, il s’agit d’utiliser cette date comme marqueur pour déterminer les dates de début et de fin de la période d’un an pour laquelle les renseignements sont recueillis), mais pas nécessairement à cette date.
De plus, si les renseignements recueillis au moment de la prise d’un « cliché » visant une certaine date comprennent un taux de salaire qui, après cette date mais avant l’affichage de la version définitive du plan d’équité salariale actualisé, a été modifié rétroactivement à partir de cette date ou avant, l’employeur ou le comité d’équité salariale est tenu d’utiliser le taux de salaire rétroactif qui s’applique à cette date, et non le taux qui a été consigné dans le cliché, ou qui a été établi conformément aux dispositions sur la rémunération gelée (il en sera question de façon plus détaillée ci‑après).
Catégories d’emploi considérées comme ne faisant pas partie d’un groupe
Si, dans le plus récent plan d’équité salariale, l’employeur a considéré qu’un groupe de catégories d’emploi constitue une catégorie d’emploi à prédominance féminine, le Règlement comprend maintenant des critères plus clairs sur les situations dans lesquelles l’employeur ne peut pas continuer de considérer cette catégorie d’emploi comme un groupe, en fonction des renseignements recueillis dans les « clichés » annuels.
Pour la période au cours de laquelle les renseignements sont recueillis, et pour chaque période subséquente qui précède la date à laquelle la version définitive du plan d’équité salariale actualisé est affichée, l’employeur ne peut pas continuer de considérer un groupe de catégories d’emploi comme un groupe aux fins de la révision du maintien si les renseignements recueillis indiquent que l’un des faits suivants s’est produit :
- moins de 60 % des postes du groupe sont occupés par des femmes ;
- une catégorie d’emploi créée depuis l’affichage le plus récent du plan d’équité salariale a été ajoutée au groupe ;
- une catégorie d’emploi du groupe est fusionnée avec une autre catégorie d’emploi qui fait ou non partie du groupe.
Rémunération « gelée »
Le projet de règlement comprenait des dispositions interdisant la comparaison entre les taux de rémunération qui ont été « gelés » (assujettis à des gels prévus par certaines dispositions de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral ou du Code canadien du travail) et les taux de rémunération qui étaient « actifs ». La définition de rémunération « active » a maintenant été supprimée du Règlement, en raison de la confusion qu’elle suscitait quant à la possibilité que les employés non syndiqués soient inclus dans son application. Une précision a été ajoutée visant à confirmer que les taux de rémunération « non gelés » ne s’appliquent qu’aux postes occupés par des employés syndiqués.
De plus, le projet de règlement prévoyait deux méthodes possibles de comparaison de la rémunération entre les catégories d’emploi dont le taux de rémunération était gelé et celles dont le taux n’était pas gelé. L’une d’elles était la méthode de l’analyse historique (qui est expliquée parallèlement à la méthode du taux de rémunération administratif dans notre article Au Point précédent), laquelle exigeait de l’employeur ou du comité qu’il détermine l’année la plus récente où 50 % ou moins des catégories d’emploi à prédominance masculine et féminine représentant 50 % ou moins de la population couverte par le plan d’équité salariale étaient assujetties à un gel prévu par la loi, et qu’il utilise les taux de rémunération de cette année-là pour la comparaison de la rémunération.
Toutefois, lors des consultations, les parties prenantes représentant les employés, les groupes de défense des droits et les spécialistes en équité salariale craignaient que cette méthode n’empêche les milieux de travail de combler les lacunes actuelles en matière d’équité salariale parce qu’ils utilisaient les taux d’une année précédente. En outre, ils s’inquiétaient du fait que cette méthode pourrait donner lieu à des écarts dans la rémunération lorsque des catégories dont les taux de rémunération ont été calculés au moyen de la méthode d’analyse historique seraient comparées à des catégories d’emploi composées d’employés non syndiqués ayant des taux de rémunération à jour. La méthode d’analyse historique a donc été omise du Règlement, et la méthode du taux de rémunération administratif est utilisée par défaut.
Le comité d’équité salariale conserve la capacité d’utiliser une méthode différente de détermination du salaire qui réduit le plus possible les écarts de rémunération découlant uniquement de la rémunération gelée associée à une catégorie d’emploi.
Valeurs de travail prédéterminées
La Loi permet à l’employeur ou au comité d’équité salariale de décider que la valeur du travail accompli dans une catégorie d’emploi à prédominance féminine a déjà été établie par d’autres moyens, dans la mesure où cette méthode respecte les exigences de la Loi. Les parties prenantes se sont dites préoccupées par le fait que cette disposition pourrait faciliter la perpétuation de pratiques de rémunération discriminatoires.
Le gouvernement a fait remarquer que les critères législatifs de telles méthodes interdisent toute discrimination fondée sur le sexe et exigent que la méthode permette d’établir la valeur relative du travail accompli dans toutes les catégories d’emploi à prédominance féminine et dans toutes les catégories d’emploi à prédominance masculine choisies pour relever les écarts de rémunération.
Néanmoins, une disposition a été ajoutée au Règlement prévoyant que, si l’employeur ou le comité d’équité salariale décide que la valeur du travail a déjà été établie, le plan d’équité salariale doit comprendre une indication à cet effet. Cette information doit également être incluse dans la déclaration annuelle de l’employeur à la commissaire.
Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones
Le gouvernement a fait remarquer que la Loi n’inclura pas automatiquement les conseils de bande des Premières Nations comme employeurs. Ils seront exclus de l’application de la Loi à moins que le gouverneur en conseil ne précise, par décret, une date à laquelle la Loi s’appliquera à ces employeurs. Il y aura un processus de consultation distinct entre le Programme du travail et les partenaires autochtones.
Toutefois, les entreprises privées autochtones sous réglementation fédérale seront assujetties à la Loi lorsqu’elle entrera en vigueur. Le gouvernement a souligné que des intervenants représentant des entreprises autochtones sous réglementation fédérale ont participé tout au long du processus de consultation.
À notre avis
Les employeurs connaissent maintenant la date précise à laquelle le délai de trois ans commence à courir. Les exigences législatives et réglementaires sont nombreuses et détaillées, et les employeurs doivent se familiariser avec leurs obligations.
Le 16 septembre 2021, Raquel Chisholm, associée chez Emond Harnden qui se spécialise dans les questions d’équité salariale, a animé un webinaire sur l’équité salariale en compagnie de Sandra Haydon, conseillère en équité salariale. Nous invitons les employeurs qui souhaitent obtenir des conseils concernant leurs obligations et les mesures qu’ils devraient prendre maintenant pour se conformer aux exigences à visionner le webinaire ICI (en anglais seulement) pour en savoir plus.
Nous signalons également que le site Web de la Commission canadienne des droits de la personne comporte une section sur l’équité salariale qui contient des ressources pouvant être utiles aux employeurs.
Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Mélissa Lacroix au 613-940-2741 ou Carole Piette au 613-940-2733.