Les lecteurs d’Au Point se souviendront que le 31 mai 2017, avant le dépôt du projet de loi 148, nous avons souligné les principales modifications proposées par le gouvernement de l’Ontario à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi et à la Loi de 1995 sur les relations de travail dans un article intitulé « Le gouvernement de l’Ontario propose des modifications importantes aux lois en matière d’emploi et de relations de travail ». Le lendemain, soit le 1er juin 2017, le projet de loi 148, la Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois, a été déposé à la législature et renvoyé au Comité permanent des finances et des affaires économiques.
Après l’aperçu que nos avocats ont donné des modifications proposées par le projet de loi 148 et de leurs répercussions sur les employeurs lors de notre petit-déjeuner causerie du 28 juin 2017, nous pensons qu’il s’agit du moment opportun pour présenter un sommaire plus détaillé des modifications législatives proposées.
Un représentant de notre cabinet a assisté aux séances publiques tenues par le Comité permanent des finances et des affaires économiques à Ottawa le 12 juillet 2017. Des présentations des représentants des employeurs et des petites entreprises, on retient que les modifications proposées par le projet de loi sont trop nombreuses et trop rapides. Les questions posées par les membres du Comité ne permettaient pas de déterminer si, et dans quelle mesure, des modifications au projet de loi sont possibles. À noter cependant que le Comité accepte également les observations écrites qui doivent être soumises au greffier du Comité au plus tard le 21 juillet 2017 à 17 h 30. Nous suivrons de près l’étude du projet de loi par le Comité et nous tiendrons nos lecteurs informés de tout développement important.
Faits saillants et incidences du projet de loi 148
Modifications à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi
Augmentations des taux de salaire minimum
Suivant l’augmentation périodique des taux de salaire minimum en octobre 2017, tous les taux de salaire minimum augmenteraient le 1er janvier 2018 de même que le 1er janvier 2019. Par suite de ces augmentations, les taux de salaire minimum augmenteront de près du tiers au cours des 18 prochains mois.
Le taux de salaire minimum général augmentera de la façon suivante :
- 11,60 $/heure le 1eroctobre 2017
- 14 $/heure le 1erjanvier 2018
- 15 $/heure le 1erjanvier 2019
Les taux de salaire minimum particuliers pour les serveurs de boissons alcoolisées, les étudiants de moins de 18 ans, les travailleurs à domicile et les guides de chasse et pêche augmenteront également les 1er janvier 2018 et 2019, dans les mêmes proportions que le taux de salaire minimum général. Le 1er janvier 2018, ces taux seront les suivants :
- Étudiants de moins de 18 ans – 13,15 $/heure
- Serveurs de boissons alcoolisées – 12,20 $/heure
- Guides de chasse et de pêche – 70 $ pour moins de cinq heures consécutives et 140 $ pour plus de cinq heures
- Travailleurs à domicile – 15,40 $/heure
Après le 1er janvier 2019, les augmentations annuelles des taux de salaire minimum seront basées sur le taux d’inflation.
Ces augmentations sont considérables et devraient avoir des effets importants, particulièrement pour les petites entreprises. En sus d’une augmentation considérable des salaires de base, ces modifications auront un effet majeur sur les coûts d’heures supplémentaires. L’impact de l’augmentation du taux de salaire minimum et l’augmentation proportionnelle des autres salaires qui en découlera probablement étaient des thèmes récurrents lors des séances publiques tenues par le Comité permanent à Ottawa.
Salaire égal, peu importe le statut d’emploi
À compter du 1er avril 2018, les employeurs seront tenus de verser aux employés le même taux salarial pour le même travail, peu importe leur statut d’emploi (c.-à-d. employés à temps plein, à temps partiel, occasionnels, temporaires ou saisonniers). Les employeurs ne pourront pas verser des taux différents en fonction du statut d’emploi, mais il y aura des exceptions permettant les différences de salaire fondées sur :
- un système d’ancienneté (par exemple, en vertu d’une convention collective) ;
- un système de rendement ou de mérite ;
- un système établissant la rémunération en fonction de la quantité ou de la qualité de production
- d’autres facteurs (mais pas le sexe ou le statut d’emploi).
Pour garantir que les employeurs se conforment à cette nouvelle obligation, les employés pourront solliciter une révision de leur taux salarial. En réponse à cette demande, les employeurs seront tenus de rajuster le salaire des employés ou leur expliquer par écrit pourquoi un tel rajustement n’est pas justifié. Les employeurs ne peuvent pas réduire le taux salarial des autres employés pour se conformer à cette obligation, et il est interdit aux syndicats (et à d’autres organisations) de faire en sorte ou de tenter de faire en sorte que l’employeur y contrevienne.
Si une convention collective en vigueur le 1er avril 2018 renferme des dispositions incompatibles avec cette obligation, ces dispositions auront préséance jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention collective ou du renouvellement de la convention collective. Toutefois, les différences salariales fondées sur l’ancienneté ou d’autres facteurs que le statut d’emploi ne sont pas incompatibles avec ces nouvelles dispositions et demeureront permises.
En réponse à cette modification proposée, les employeurs qui n’ont pas déjà en place des échelles ou des grilles de salaire fondées sur l’ancienneté, le rendement ou les qualifications jugeront peut-être utile d’envisager de mettre en œuvre un tel système avant le 1er avril 2018, date à laquelle ces modifications doivent entrer en vigueur.
Salaire égal pour les employés des agences de placement temporaire (APT)
Les agences de placement temporaire devront verser à leurs employés (« employés ponctuels ») le même taux salarial que les employés permanents de leur client lorsque :
- ils effectuent essentiellement le même genre de travail dans le même établissement ;
- leur rendement nécessite essentiellement les mêmes compétences, efforts et responsabilités ;
- leur travail est effectué dans des conditions similaires.
Cette exigence ne s’appliquera pas lorsque les différences dans les taux salariaux sont fondées sur d’autres facteurs que le sexe ou le statut d’emploi.
Tout comme pour l’exigence de salaire égal nonobstant le statut d’emploi, les clients des APT ne pourront pas réduire le taux salarial versé à leurs employés afin d’aider les APT à respecter cette exigence, et un syndicat (ou une autre organisation) ne sera pas autorisé à faire en sorte ou à tenter de faire en sorte qu’une APT contrevienne à cette disposition.
Les employés ponctuels pourront poser des questions au sujet de leur taux salarial ou du taux salarial d’un employé du client, sans représailles. Tout comme pour les employés qui croient ne pas être rémunérés équitablement en fonction de leur statut d’emploi, les employés ponctuels auront le droit de demander la révision de leur taux salarial. En réaction à une telle demande, l’APT sera tenue de rajuster leur taux salarial ou de leur fournir une réponse écrite expliquant les raisons pour lesquelles elle refuse de le faire.
Si une convention collective en vigueur le 1er avril 2018 permet les différences de salaire entre les employés d’un client et les employés ponctuels, cette convention collective a préséance jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention collective ou du renouvellement de la convention collective.
Cette exigence sera très lourde pour les agences de placement temporaire, qui ignorent généralement les renseignements relatifs aux salaires versés par leurs clients à leurs propres employés. On peut s’attendre à ce que ces modifications aient un effet considérable sur les coûts des agences de placement temporaire. Les APT jugeront utile de commencer à penser à l’incidence de ces modifications sur le prix de leurs contrats et à prendre les mesures possibles à l’avance pour se préparer à ces modifications.
Augmentation du droit aux vacances et de la rémunération de vacances
Le 1er janvier 2018, les employés qui comptent moins de cinq (5) ans de service auprès de leur employeur continueront d’avoir droit à deux (2) semaines de vacances après chaque année de référence. Toutefois, à compter de cette date, les employés comptant cinq (5) ans de service ou plus auront droit à trois (3) semaines de vacances après chaque année de référence. Cette augmentation du droit aux vacances pour les employés comptant au moins cinq (5) ans de service entrera en vigueur pour l’année de référence qui se termine à compter du 31 décembre 2017. Les employeurs ne seront pas tenus d’offrir à leurs employés des jours de vacances additionnels pour une année de référence ayant pris fin avant cette date.
Les employés qui atteignent cinq (5) ans de service ou plus et acquièrent le droit à la semaine de vacances additionnelle en vertu de cette disposition auront aussi le droit de recevoir 6 % du salaire, à l’exclusion de la rémunération de vacances, qu’ils ont touché pendant la période pour laquelle des vacances sont accordées, à titre de rémunération de vacances.
Rémunération pour les jours fériés
Plusieurs changements importants à la rémunération pour les jours fériés entreront en vigueur le 1er janvier 2018.
La formule de calcul de la rémunération pour les jours fériés à laquelle un employé a droit sera simplifiée. À compter du 1er janvier 2018, la rémunération pour les jours fériés d’un employé doit être calculée de la façon suivante :
Rémunération pour les jours fériés = total des salaires habituels touchés lors de la période de paye précédant immédiatement le jour férié / nombre de jours travaillés pendant cette période de paye
En vertu de cette nouvelle formule, si un employé a travaillé pendant quatre quarts et a gagné 600 $ à titre de salaire habituel lors de la période de paye (2 semaines) précédant immédiatement le jour férié, sa rémunération pour les jours fériés serait de 150 $ (600 $/4 jours). En vertu de la formule actuelle, et supposant que ce même employé a travaillé huit (8) quarts de travail et gagné 1 200 $ au cours des quatre semaines précédant la semaine du jour férié, la rémunération pour les jours fériés de cet employé serait de 62,40 $ (1 200 $ + 48 $ de paye de vacances/20 jours).
Lorsqu’un employé est en congé ou en vacances pendant la période de paye précédant le jour férié, sa rémunération pour le jour férié doit être calculée en fonction de la période de paye précédant le début de ces vacances ou congés. Pour les employés qui n’étaient pas employés pendant la période de paye précédant le jour férié, leur rémunération pour le jour férié doit être calculée en fonction du nombre de jours pendant lesquels ils ont travaillé et des salaires habituels qu’ils ont touchés pendant la période de paye qui inclut le jour férié.
Les employés qui doivent travailler lors de jours fériés auront le droit de recevoir : (i) la rémunération pour les jours fériés, plus (ii) une rémunération majorée pour les heures travaillées. Les modifications proposées retireraient à l’employeur la possibilité de donner aux employés qui doivent travailler lors d’un jour férié un jour de congé en remplacement de ce jour férié.
Il y aura également de nouvelles règles de substitution dans les cas où un jour férié tombe le jour de congé d’un employé, et que l’employé ne travaille pas, ou au moment où l’employé est en vacances. Les nouvelles dispositions exigent que le jour de remplacement donné à l’employé soit le premier jour de travail après le jour férié ou le dernier jour de travail le précédant. En vertu des règles actuelles, un jour de remplacement doit être prévu dans les trois (3) mois suivant le jour férié, ou dans les douze (12) mois suivant le jour férié si l’employé et l’employeur en conviennent par écrit. L’employeur et l’employé pourront toujours convenir que l’employé recevra plutôt une rémunération pour le jour férié (auquel cas aucun jour de remplacement ne doit être donné).
L’obligation de payer la rémunération pour les jours fériés augmentera les coûts des employeurs de manière importante puisque les employés qui ne travaillent pas à temps plein auront droit à une hausse importante de leur rémunération pour les jours fériés.
Modifications aux règles sur la planification des horaires
Les modifications suivantes aux règles sur la planification des horaires en vertu de la Loi sur les normes d’emploi sont proposées dans le projet de loi 148 et entreraient en vigueur le 1er janvier 2019 :
- Demande de changement d’horaire ou de lieu de travail – Après avoir été employé pendant trois (3) mois, l’employé aura le droit de demander un changement d’horaire ou de lieu de travail. L’employeur doit discuter de la demande avec l’employé et l’informer de sa décision dans un délai raisonnable tout en lui indiquant les raisons pour lesquelles la demande est refusée, le cas échéant.
- Règle des trois heures – Les employés qui travaillent régulièrement plus de trois (3) heures par jour, qui se présentent au travail, mais qui se font offrir moins de trois (3) heures de travail auront le droit d’être rémunérés pour trois (3) heures à leur taux salarial habituel (les exceptions actuelles continueront de s’appliquer).
- Droit de refuser d’effectuer des quarts de travail ou de se présenter sur appel avec moins de 96 heures de préavis* – Les employés pourront refuser sans représailles d’effectuer un quart de travail ou d’être mis sur appel si leur employeur le leur demande sur préavis de moins de 96 heures (4 jours).
- Annulation d’un quart de travail dans un délai de 48 heures avant son début* – Les employés devront être rémunérés pour trois (3) heures à leur taux salarial habituel si leur quart de travail prévu à l’horaire ou leur période d’appel est annulé dans un délai de 48 heures avant son début.
- Rémunération minimale pour être sur appel* – Les employés qui sont sur appel et qui ne sont pas appelés à travailler ou qui sont appelés à travailler pour moins de trois (3) heures devront être rémunérés pour trois (3) heures à leur taux salarial habituel (pour chaque période d’appel de 24 heures).
Pour les trois dernières de ces modifications (indiquées par un *), si une convention collective en vigueur le 1er janvier 2019 (date d’entrée en vigueur de ces modifications) renferme des dispositions incompatibles avec la loi, la convention collective a préséance.
Nous prévoyons que ces modifications auront un effet particulièrement important (c.-à-d. le coût) sur les employeurs dans les secteurs du commerce du détail, du tourisme d’accueil et des services, qui comptent en grande mesure sur un effectif souple et qui doivent vraiment pouvoir s’adapter aux changements de charge de travail (c.-à-d. périodes de pointe et périodes creuses) qui ne peuvent pas toujours être connus à l’avance. En réponse à ces changements, nous prévoyons que les employeurs auront recours à un groupe plus important d’employés occasionnels, étant donné le droit de refuser un quart de travail offert avec moins de 96 heures de préavis. Les employeurs qui sont présentement en négociations avec leurs employés syndiqués devraient considérer négocier des dispositions sur la disponibilité des employés occasionnels dans leurs conventions collectives.
Congés
Le projet de loi 148 comprend les modifications proposées suivantes aux dispositions de la Loi sur les normes d’emploi (« LNE ») relatives aux congés qui entreraient en vigueur le 1er janvier 2018 :
- Congé d’urgence personnelle – en vertu du paragraphe 50 de la LNE, seuls les employés dont l’employeur emploie 50 employés ou plus ont droit au congé d’urgence personnelle. Dix (10) jours de congé d’urgence personnelle (CUP) seront accordés à tous les employés, y compris aux employés d’employeurs qui comptent moins de 50 employés. Les deux (2) premiers jours de CUP doivent maintenant être rémunérés, tandis que les huit (8) autres jours seront sans solde. La liste des raisons pour lesquelles un CUP peut être pris sera allongée de manière à englober la violence familiale, la violence sexuelle ou la menace de l’un ou l’autre. Les employeurs pourront demander une preuve « raisonnable dans les circonstances » qui confirme qu’un employé a droit à un CUP, mais ne pourront pas exiger d’un employé qu’il leur fournisse un certificat médical confirmant ce droit.
- Congé familial pour raisons médicales – en vertu du paragraphe 49.1 de la LNE, les employés ont présentement le droit à huit (8) semaines de congé sans solde pour s’occuper d’un membre de leur famille lorsqu’un praticien de la santé qualifié atteste qu’il risque de décéder au cours de 26 semaines suivantes. En vertu des modifications proposées, les employés auront droit à 27 semaines de congé sans solde dans une période de 52 semaines pour fournir soins et soutien à un membre de la famille qui risque de décéder dans les 52 semaines suivantes, et le congé pourra être prolongé de 27 semaines si le membre de la famille ne décède pas.
- Congé sans solde en cas de décès d’un enfant – en vertu du paragraphe 49.5 de la LNE, les employés qui comptent au moins six (6) mois de service ont présentement le droit de prendre jusqu’à 104 semaines de congé sans solde si l’enfant de l’employé (ce qui inclut un enfant de l’employé ou de son conjoint, un enfant en famille d’accueil ou un enfant sous tutelle âgé de moins de 18 ans) décède et qu’il est probable que le décès soit d’origine criminelle. En vertu des modifications proposées, les employés qui comptent au moins six (6) mois de service auront droit à une période unique de congé sans solde pouvant aller jusqu’à 104 semaines si leur enfant décède, peu importe les circonstances.
- Congé sans solde en cas de disparition d’un enfant dans des circonstances criminelles – en vertu du paragraphe 49.5 de la LNE, les employés qui comptent au moins six (6) mois de service ont présentement le droit de prendre jusqu’à 52 semaines de congé sans solde si l’enfant de l’employé (défini de la même façon que précédemment) disparaît et qu’il est probable que la disparition soit d’origine criminelle. En vertu des modifications proposées, ces employés auront droit à une période unique de congé sans solde pouvant aller jusqu’à 104 semaines.
Les modifications les plus importantes pour les employeurs seront certainement celles qui portent sur le congé d’urgence personnelle. L’obligation de payer tous les employés, peu importe la durée de leur service auprès de l’employeur, pour les deux (2) premiers jours de congé sera coûteuse. De plus, l’impossibilité pour les employeurs de demander un certificat médical pour ces deux (2) jours rémunérés ouvrira vraisemblablement la porte aux abus de la part de certains employés. Nous prévoyons des contestations judiciaires sur la question de savoir si les employeurs peuvent demander un certificat médical aux employés lorsqu’ils leur donnent un congé de maladie rémunéré (s’agit-il d’un « droit ou avantage supérieur » ?) et sur la façon dont ces modifications pourraient toucher le programme de gestion de l’assiduité d’un employeur.
Autres modifications à souligner
- Classification erronée des employés en tant qu’entrepreneurs indépendants – Les employeurs seront passibles de sanctions, notamment de poursuites, de divulgation publique d’une condamnation et de sanctions pécuniaires, pour avoir classifié erronément des employés en tant qu’entrepreneurs indépendants. En cas de différend, il incombera à l’employeur de prouver que la personne est vraiment un entrepreneur indépendant.
- Droit des employés ponctuels à un préavis de cessation – Les APT devront donner à leurs employés ponctuels un préavis d’une semaine (ou une indemnité tenant lieu de préavis) lorsqu’une affectation qui devait durer plus de trois (3) mois prend fin plus tôt.
- Rémunération des heures supplémentaires – Lorsqu’un employé occupe plus d’un poste auprès d’un employeur, l’employeur sera tenu de le rémunérer pour les heures supplémentaires au taux du poste qu’il occupait pendant la période d’heures supplémentaires.
Modifications à la Loi de 1995 sur les relations de travail
Demande de listes d’employés
Dans les milieux de travail où aucun syndicat n’a encore été accrédité, un syndicat qui peut démontrer qu’il a l’appui de 20 % des employés de l’unité de négociation proposée pourra solliciter auprès de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) une ordonnance enjoignant à l’employeur de fournir au syndicat la liste des employés, y compris leurs nom, numéro de téléphone et adresse électronique personnelle. En vertu du projet de loi 148, la divulgation de renseignements sur les employés est réputée conforme à la législation applicable sur le respect de la vie privée. Le fait que les syndicats pourront solliciter ces renseignements auprès de l’employeur signifie que les employeurs apprendront l’existence d’une campagne d’accréditation syndicale plus tôt qu’en vertu du processus actuel.
En réponse à une telle demande, l’employeur pourra déposer un avis de désaccord visant l’unité de négociation proposée ou le nombre d’employés que renferme cette unité. L’employeur saura combien d’employés appuient le syndicat, mais ne connaîtra pas l’identité de ces employés. S’il dépose ensuite une demande d’accréditation, le syndicat devra utiliser la même unité de négociation, à quelques exceptions près. À ce sujet, les employeurs voudront contester la description de l’unité de négociation dès le début, au moment où le syndicat sollicite la liste d’employés.
La CRTO pourra trancher une telle demande sans audience ni consultation.
Accréditation syndicale
La possibilité d’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion sera introduite pour les secteurs suivants : (i) le secteur des agences de placement temporaire ; (ii) le secteur des services de gestion d’immeubles ; (iii) les secteurs des soins à domicile et des services communautaires.
L’accréditation syndicale corrective sera obligatoire lorsque la CRTO estime qu’un employeur s’est livré à une pratique de travail déloyale qui a eu un effet sur le soutien accordé au syndicat.
Le syndicat devra joindre les cartes d’adhésion à sa demande d’accréditation. À la réception de cette demande, l’employeur disposera d’un délai de deux (2) jours pour répondre et fournir le nom de tous les employés visés par l’unité de négociation proposée au syndicat. La demande du syndicat sera rejetée si celui-ci a l’appui de moins de 40 % des membres de l’unité de négociation proposée. Si le syndicat peut démontrer qu’il a l’appui d’entre 40 et 55 % des employés visés par l’unité, la tenue d’un vote sera ordonnée. Si le syndicat produit la preuve d’adhésion de plus de 55 % des employés visés par l’unité à la date de la demande, il sera accrédité.
En vertu des dispositions proposées par le projet de loi 148, la CRTO aura le pouvoir de tenir des votes à l’extérieur du lieu de travail, y compris par voie électronique et par téléphone. La CRTO aura également la possibilité d’autoriser un agent des relations de travail (ART) à donner des directives relativement au processus de vote et aux dispositions des votes afin de garantir la neutralité de ce processus.
Médiation et arbitrage des premières conventions collectives
Le projet de loi 148 ferait en sorte qu’il serait beaucoup plus facile de recourir à l’arbitrage d’une première convention collective et ajouterait au processus un fort élément de médiation. La CRTO sera tenue de se pencher d’abord sur les demandes de médiation-arbitrage d’une première convention collective avant d’examiner les demandes de substitution de syndicat et de révocation d’accréditation.
En vertu des modifications proposées à la LRT, une partie pourra déposer une demande d’arbitrage 20 jours après la nomination d’un médiateur, nonobstant l’évolution du processus de médiation. Le demandeur sera tenu de produire une liste des questions en litige et sa position sur ces questions avec sa demande. La CRTO aura le pouvoir de rejeter la demande, d’ordonner d’autres séances de médiation ou d’ordonner un processus d’arbitrage de différends. Lorsque la CRTO ordonne la médiation-arbitrage, il ne peut y avoir de grève ou de lockout.
Droits du successeur
Les droits du successeur s’appliqueraient à la remise en adjudication des contrats de service aux bâtiments, notamment :
- les services alimentaires
- les services au bâtiment/de nettoyage
- les services de sécurité
Le gouvernement aura aussi le pouvoir d’appliquer, par règlement, cette notion élargie de droits du successeur à la remise en adjudication d’autres services contractuels financés par les fonds publics.
Examen et regroupement des unités de négociation
La CRTO aurait le pouvoir de modifier la structure des unités de négociation existantes pour un même employeur lorsqu’elle estime que ces unités ne sont plus appropriées aux fins de la négociation collective. La CRTO pourrait également regrouper des unités de négociation nouvellement accréditées avec d’autres unités de négociation existantes pour un même employeur lorsque ces unités sont représentées par le même agent de négociation.
Pour les unités de négociation nouvellement accréditées, la CRTO sera tenue de déterminer si le regroupement :
- contribue à l’efficacité de la négociation collective ;
- contribue à l’évolution de la négociation collective dans le secteur.
La CRTO pourra aussi tenir compte des autres facteurs qu’elle juge pertinents.
La CRTO sera autorisée à examiner les structures des unités de négociation lorsque les critères suivants sont respectés :
- un employeur ou un syndicat représentant les employés visés par l’unité dépose une demande sollicitant un examen ;
- la CRTO estime que les unités de négociation ne sont plus appropriées.
Droits et procédures de retour au travail à la suite d’une grève ou d’un lockout
Le projet de loi 148 éliminerait la limite de six (6) mois au droit de l’employé de retourner au travail après le début d’une grève légale. En vertu des modifications proposées, il n’y aura plus de limite au droit de retourner au travail à la suite d’une grève ou d’un lockout. Les employeurs devront réintégrer un employé à la conclusion d’une grève légale ou d’un lockout (sous réserve de certaines conditions), obligation qui sera exécutoire au moyen d’un arbitrage de grief.
Protection contre les congédiements sans motif valable
Les employés seront protégés contre les mesures disciplinaires et les congédiements sans motif valable pendant les deux périodes suivantes :
- la période entre l’accréditation et la conclusion d’une première convention collective ;
- la période entre la date où les employés peuvent légalement faire la grève ou l’employeur peut légalement décréter un lockout, et la date d’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective.
Que faire pour se préparer ?
En supposant que le projet de loi passera à l’automne avec seulement des modifications mineures à la suite du processus de révision par le Comité permanent, nous suggérons à tous les employeurs de revoir leurs politiques, contrats d’emploi et, le cas échéant, conventions collectives actuels pour déterminer s’ils sont conformes aux nouvelles règles et obligations. Les employeurs voudront prendre les mesures nécessaires dès maintenant pour mettre en place des contrats, politiques et conventions collectives qui soient conformes aux nouvelles dispositions législatives lorsque celles-ci entreront en vigueur.
Si vous voulez davantage d’information, veuillez communiquer avec Sébastien Huard au 613‑940‑2744.