La Cour d’appel de l’Ontario se prononce sur l’équité salariale dans les catégories d’emplois à prédominance féminine – des comparaisons continues avec les milieux de travail masculins « de l’extérieur » sont requises

Une décision récente de la Cour d’appel de l’Ontario représente le dernier développement relativement à un enjeu de longue date sur la façon de maintenir l’équité salariale dans les milieux de travail à prédominance féminine. Dans l’arrêt Participating Nursing Homes v. Ontario (mars 2021) (en anglais seulement), le plus haut tribunal de l’Ontario a statué que le maintien de l’équité salariale dans les catégories d’emplois à prédominance féminine pour lesquelles il est impossible de faire une comparaison directe avec une catégorie d’emplois à prédominance masculine exige des comparaisons continues avec des catégories d’emplois à prédominance masculine « de l’extérieur ». Cette décision est très importante, car elle s’écarte du concept selon lequel les comparaisons avec des organisations de l’extérieur étaient nécessaires pour établir l’équité salariale, mais pas pour la maintenir.

Comme nombre de nos lecteurs le savent, la Loi sur l’équité salariale de l’Ontario (la « Loi ») est conçue pour remédier à la discrimination systémique fondée sur le sexe en matière de rémunération des employés. Pour ce faire, la Loi prévoit des mécanismes de comparaison entre les catégories d’emplois à prédominance féminine et masculine. Dans les milieux de travail à prédominance féminine, où l’on ne retrouve pas de catégories d’emplois à prédominance masculine qui permettraient une comparaison directe, la Loi établit une méthode de comparaison avec des organisations « de l’extérieur ». La méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur permet une comparaison entre la catégorie d’emplois à prédominance féminine qui revendique l’équité salariale et une catégorie d’emplois à prédominance féminine analogue d’un autre établissement où l’équité salariale a été atteinte grâce à l’utilisation d’une comparaison directe avec une catégorie d’emplois à prédominance masculine.

Cette méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur a été utilisée en 1995 lorsque l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario et l’Union internationale des employés de service (collectivement, les « syndicats ») ont négocié avec les exploitants de foyers de soins infirmiers (les « foyers de soins infirmiers participants – FSIP ») afin d’élaborer un plan d’équité salariale qui s’appliquerait aux professionnels de la santé travaillant dans le secteur des foyers de soins infirmiers de l’Ontario. L’employeur de l’extérieur était les foyers pour personnes âgées syndiqués municipaux de l’Ontario (les « foyers municipaux »). Les aides-soignants travaillant dans les foyers municipaux ont été désignés comme la catégorie d’emplois à prédominance féminine analogue. Ces travailleurs avaient déjà établi l’équité salariale en comparaison directe avec une catégorie d’emplois à prédominance masculine.

Grâce à la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur, une comparaison a été établie entre les professionnels de la santé représentés par les syndicats et les aides-soignants des foyers municipaux. En a résulté une entente entre les syndicats et les FSIP sur les augmentations salariales et un calendrier de mise en œuvre qui a finalement permis d’atteindre l’équité salariale en 2005. La question était alors de savoir comment maintenir l’équité salariale.

Les syndicats ont prétendu que les FSIP n’avaient pas maintenu l’équité salariale au cours des années suivant 2005. Cette position était fondée sur les écarts salariaux qui ont ressurgi entre les employés des FSIP et ceux des foyers municipaux qui effectuaient un travail comparable. Les syndicats étaient d’avis que la rémunération des employés des foyers municipaux était plus élevée en raison de leur accès continu à des comparaisons directes avec une catégorie d’emplois à prédominance masculine. Les syndicats ont présenté une demande au Tribunal de l’équité salariale (le « Tribunal ») alléguant que la Loi exige que l’équité salariale soit maintenue en utilisant la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur de façon continue.

Le Tribunal a convenu avec les syndicats que la Loi exige que les employeurs maintiennent l’équité salariale et que le maintien exige une surveillance continue des changements de la rémunération et de la valeur de la catégorie d’emplois. Toutefois, le Tribunal a rejeté la position des syndicats au sujet de l’utilisation continue de la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur. Le Tribunal a plutôt conclu que, dans le cas d’un régime fondé sur la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur, le maintien n’exige pas la surveillance des changements de la rémunération ou de la valeur dans l’établissement qui a servi à la comparaison. Selon le Tribunal, agir autrement irait à l’encontre du principe selon lequel chaque employeur est responsable de veiller à ce que ses propres pratiques de rémunération soient exemptes de discrimination fondée sur le sexe. Le Tribunal a ordonné aux parties de négocier un système de comparaison non sexiste (« SCNS ») qui tiendrait compte des augmentations de la valeur du travail des employés et qui ajusterait la rémunération en conséquence.

Les FSIP ont présenté à la Cour divisionnaire une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal. Bien que la Cour divisionnaire ait confirmé la plus grande partie de la décision du Tribunal, y compris l’ordonnance exigeant que les parties négocient un SCNS, elle était en désaccord avec la conclusion du Tribunal relative au maintien de l’équité salariale dans les régimes fondés sur la comparaison avec des organisations de l’extérieur. À ce sujet, la Cour divisionnaire a déclaré que la méthodologie utilisée pour maintenir l’équité salariale doit comprendre des mesures visant à s’assurer que [traduction] « les demandeurs qui ont atteint l’équité salariale au moyen de la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur continuent d’avoir accès à une comparaison avec une catégorie d’emplois à prédominance masculine… »

Les FSIP et le procureur général de l’Ontario ont interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de l’Ontario. Ils ont soutenu que la formule du Tribunal pour le maintien de l’équité salariale était déraisonnable, car elle [traduction] « obligera les FSIP à toujours fonder leur rémunération en matière d’équité salariale » sur un autre employeur.

La Cour d’appel n’était toutefois pas d’accord. Elle a conclu que l’objet de la Loi exige des comparaisons continues avec les hommes afin de maintenir l’équité salariale. S’il n’y a pas suffisamment d’hommes dans l’établissement pour permettre des comparaisons directes, la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur est utilisée. Le plus haut tribunal de l’Ontario a ordonné aux parties de se conformer aux procédures précisées par le Tribunal qui garantiraient que [traduction] « les défendeurs qui ont établi l’équité salariale au moyen de la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur continueront d’avoir accès à des comparaisons avec des catégories d’emplois à prédominance masculine pour maintenir l’équité salariale ».

 

À notre avis

Bien que la décision de la Cour d’appel ne soit peut-être pas définitive sur cette question, puisqu’il pourrait y avoir un appel devant la Cour suprême du Canada, elle reconnaît le fait que la discrimination fondée sur le sexe en matière de rémunération est systémique. Par conséquent, les iniquités salariales peuvent réapparaître de temps à autre. Peu importe le mécanisme utilisé pour maintenir l’équité salariale, la décision de la Cour d’appel signale clairement que les employeurs doivent être conscients de ce risque.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Mélissa Lacroix au 613-940-2741.

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