La Cour d’appel de l’Ontario se prononce sur les modifications apportées unilatéralement par l’employeur au contrat d’emploi – un préavis raisonnable pourrait être insuffisant

La décision récemment rendue par la Cour d’appel dans Wronko c. Western Inventory Services Ltd. (29 avril 2008) donne aux employeurs des indications précieuses pour les cas ou ils envisagent la possibilité d’apporter des modifications aux conditions fondamentales de leurs contrats d’emploi. En l’espece, meme si l’employeur a donné un préavis de deux ans de la modification future au contrat d’emploi, le fait que l’employé l’ait rejetée a maintes reprises exigeait de l’employeur qu’il prenne des mesures supplémentaires pour la mettre en ouvre, ce que l’employeur n’a pas fait. En définitive, sa tentative de modifier unilatéralement le contrat d’emploi a entraîné une action pour congédiement injustifié qui a été accueillie.

L’employé a été embauché a sa sortie de l’université. Il a travaillé pendant 13 ans avant d’etre promu vice-président de Western Inventory Services en février 2000. Son contrat d’emploi contenait une disposition d’indemnité de cessation d’emploi prévoyant le versement par l’employeur de l’équivalent de deux années de salaire. En juin 2002, l’employeur a remis a l’employé un nouveau contrat contenant une disposition d’indemnité de cessation d’emploi qui prévoyait un préavis de trois semaines par année de service, jusqu’a concurrence de 30 semaines. L’employé a remarqué la modification relative a son droit a une indemnité de cessation d’emploi et a refusé de signer le nouveau contrat.

En septembre 2002, l’employeur a informé l’employé qu’il lui donnait un préavis de deux ans de la mise en ouvre de la modification prévue a la disposition sur l’indemnité de cessation d’emploi. Par conséquent, en cas de cessation d’emploi, l’employé devait recevoir un préavis pouvant aller jusqu’a 30 semaines ou le versement d’une indemnité tenant lieu de préavis.
L’employé a continué de refuser la modification et, en septembre 2004 – deux ans et quatre jours apres avoir reçu un préavis de la modification unilatérale – l’employé s’est vu une fois de plus demander de signer le nouveau contrat contenant la disposition prévoyant l’indemnité de cessation d’emploi restreinte. On a dit a l’employé que « si tu ne veux pas accepter les nouvelles conditions d’emploi prévues, il n’y a pas de travail pour toi ».

L’employé a considéré qu’il était congédié et a demandé de recevoir l’indemnité de cessation d’emploi correspondant a deux ans de salaire. Apres refus de l’employeur, l’employé a intenté une action pour congédiement injustifié. En premiere instance, l’action de l’employé a été rejetée au motif qu’il avait reçu un préavis de deux ans de la modification et que meme s’il n’avait pas l’intention de démissionner, c’est quand meme lui qui avait mis fin a la relation d’emploi.

LA COUR D’APPEL

La Cour d’appel a énoncé les trois options dont dispose l’employé lorsque l’employeur apporte une modification unilatérale a une condition fondamentale du contrat d’emploi :

  • l’employé peut accepter la modification et l’emploi se poursuit selon les conditions modifiées;
  • l’employé peut refuser la modification et intenter une poursuite en dommages-intérets si l’employeur estime que la relation est assujettie a la nouvelle condition (cela constitue un congédiement déguisé);
  • l’employé peut clairement refuser la nouvelle condition, auquel cas, pour mettre en ouvre la modification, l’employeur doit congédier l’employé en lui fournissant le préavis approprié et lui offrir de le réembaucher selon les nouvelles conditions.

La Cour d’appel a déclaré que la simple poursuite de la relation d’emploi n’équivaut pas a l’acceptation par l’employé d’une modification unilatérale au contrat d’emploi. L’employé peut toujours insister pour que l’employeur se conforme aux conditions initiales du contrat. De telles situations relevent de la troisieme catégorie susmentionnée. Dans de tels cas, pour apporter la modification, l’employeur doit résilier le contrat de l’employé et lui offrir de le réembaucher selon les nouvelles conditions.

La Cour d’appel a conclu que Wronko a clairement rejeté la modification apportée par l’employeur a l’indemnité de cessation d’emploi. A la lumiere de ce fait, l’employeur pouvait soit accepter le refus (et accepter qu’il n’y aurait aucun nouveau contrat), soit informer l’employé que le refus d’accepter le nouveau contrat entraînerait son congédiement (avec préavis) et qu’il lui offrirait de le réembaucher selon les nouvelles conditions.

L’employeur n’a pas avisé l’employé qu’il voulait considérer le refus du nouveau contrat comme un motif de congédiement. En raison de ce défaut, la Cour a jugé que l’employeur avait accepté que les conditions du contrat initial demeurent en vigueur. Selon la Cour d’appel, c’est l’employeur qui a mis fin a la relation d’emploi. Cela constituait un congédiement injustifié qu a entraîné l’application de la disposition d’indemnité de cessation d’emploi figurant dans le contrat initial.

La Cour a accordé a l’employé des dommages-intérets d’un montant correspondant a l’indemnité de cessation d’emploi équivalant a deux années de salaire a laquelle il avait droit selon les conditions initiales du contrat d’emploi : 286 000 $. La Cour a aussi accordé a l’employé les dépens d’indemnisation substantielle, que la Cour d’appel a fixés a 50 000 $ en premiere instance et a 50 000 $ en appel.

A notre avis

La décision est conforme au principe selon lequel les employeurs peuvent apporter des modifications unilatérales aux contrats d’emploi s’ils donnent un préavis raisonnable de ces modifications. Malgré cela, lorsqu’un employé refuse clairement d’accepter les modifications, l’insistance de l’employeur en ce sens peut etre considérée comme un congédiement déguisé (soit le rejet par l’employeur du contrat d’emploi, permettant a l’employé de considérer que le contrat a été résilié sans motif valable). Afin d’éviter le risque d’etre condamné a des dommages-intérets tenant lieu de préavis, l’employeur doit aviser ses employés que le refus d’accepter les nouvelles conditions entraînera le congédiement avec préavis et ensuite leur offrir de les réembaucher selon les nouvelles conditions.

Western Inventory Services Ltd. a déposé une requete en pourvoi aupres de la Cour supreme du Canada. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de la suite des événements.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette au 613-940-2733

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