Une amende de six cent mille dollars est imposée à un employeur qui plaide coupable à une accusation de fraude contre la CSPAAT

Lorsque la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) a récemment adopté une politique de « tolérance zéro » a l’égard de la fraude, nombre d’observateurs s’attendaient a ce que ses efforts de vigilance visent surtout les demandes frauduleuses présentées par les travailleurs. Il semble toutefois que les écarts des employeurs constituent une cible plus attrayante, peut-etre parce qu’ils sont par leur nature meme plus faciles a découvrir et parce que les employeurs, contrairement aux travailleurs blessés, ont de l’argent. De plus en plus, les enqueteurs de la CSPAAT découvrent des infractions délibérées, ou innocentes, commises par les employeurs.

Puisque l’amende maximale qu’un particulier paie au régime d’assurance est de 25 000 dollars, tandis que le maximum pour les entreprises est de 100 000 dollars, les employeurs offrent certainement un meilleur potentiel pour renflouer, a court terme, les coffres du régime. En outre, lorsqu’une entreprise commet une infraction, les administrateurs ou dirigeants qui ont sciemment autorisé ou permis l’infraction ou donné leur assentiment sont également coupables de l’infraction, peu importe si l’entreprise a été poursuivie ou trouvée coupable. En plus d’une amende personnelle de 25 000 dollars, ces personnes sont passibles d’une peine d’emprisonnement de six mois.

Si quelqu’un doute du danger que représentent ces enquetes, il suffit de considérer le plaidoyer de culpabilité devant un tribunal de Windsor, message clair donné aux employeurs régis par la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail : il incombe a l’employeur de connaître ses obligations en vertu de la Loi, et de les respecter. Le plaidoyer de culpabilité a donné lieu a une amende de 600 000 dollars, la plus importante amende jamais imposée a un employeur ontarien pour avoir faussement représenté ou avoir omis de déclarer un accident de travail a la CSPAAT.

L’amende a été imposée apres que l’employeur, Canadian Salt Company Limited, et la Direction des enquetes spéciales de la Commission ont signé, le 26 mars 1999, un exposé conjoint des faits. L’exposé présente non seulement les faits particuliers de l’affaire, mais également le contexte législatif et administratif dans lequel s’inscrivent les transgressions de l’employeur.

« PIERRE ANGULAIRE » ET « NRETI »

L’exposé conjoint des faits réitere l’obligation pour l’employeur de présenter le Rapport de l’Employeur des maladies ou blessures, la Formule 7, qu’il décrit comme la [TRADUCTION] « pierre angulaire » du systeme de la CSPAAT. Vu l’importance de la procédure, le fait de ne pas présenter des renseignements exacts aura un effet [TRADUCTION] « néfaste » sur l’ensemble du processus. La Formule 7 doit etre remise dans les trois jours qui suivent une maladie ou une blessure au travail, si « l’accident nécessite des soins de santé ou empeche le travailleur de toucher son plein salaire ».

L’exposé décrit également le fonctionnement du Nouveau régime expérimental de tarification par incidence (NRETI), le systeme qui sert a établir les cotisations de l’employeur. L’exposé permet de comprendre que le NRETI, qui établit les cotisations pour différents groupes industriels en fonction des couts de réclamations encourus par les employeurs individuellement, pénalise les employeurs dont les réclamations dépassent la moyenne du groupe, et offre des ristournes aux employeurs dont les couts de réclamations sont en deça de la moyenne. Le NRETI incite donc les employeurs a prendre des mesures positives pour réduire les couts de réclamations de leurs employés grâce a des programmes de sécurité et de prévention, et fournit une aide pour permettre aux travailleurs blessés de revenir rapidement au travail, en toute sécurité.

« FAUSSE ET TROMPEUSE »

Malheureusement, comme le montre l’affaire Canadian Salt, le NRETI incite également les employeurs a minimiser les accidents de travail et les couts qu’ils entraînent. En l’occurrence, l’employeur a minimisé l’importance des blessures subies par six travailleurs. Un seul exemple suffira pour illustrer cela.

Satish Shonek était réparateur d’appareils mécaniques; les extrémités de deux de ses doigts ont été amputées alors qu’il travaillait a l’entretien d’une machine. On l’a amené a l’hôpital, ou il est demeuré pendant quatre jours. Le lendemain de l’accident, l’employeur a déposé une Formule 7, que l’exposé conjoint décrit comme étant [TRADUCTION] « fausse et trompeuse », une infraction aux termes de la Loi.

Malgré le fait qu’il était au courant de l’hospitalisation et de l’état de santé de M. Shonek, l’employeur a décrit la blessure comme étant simplement [TRADUCTION] « l’endommagement de deux doigts ». De plus, l’employeur n’a pas indiqué que M. Shonek était absent le lendemain de l’accident, ni précisé le dernier jour travaillé ni la date de son retour au travail. L’employeur a aussi indiqué qu’on donnerait a M. Shonek des tâches modifiées, et qu’il n’avait perdu aucun salaire a cause de l’accident. A partir de ces renseignements, on a placé la réclamation de M. Shonek dans la catégorie « Aucun temps perdu », qui donne droit aux remboursements pour soins de santé mais a aucun autre service ou prestation.

Quelle ne fut pas la surprise du bureau régional de la Commission de recevoir une facture pour quatre jours d’hospitalisation pour M. Shonek, en raison d’un accident de travail. Les choses n’ont fait qu’empirer lorsque le Directeur du personnel a tenté d’expliquer cette tournure des événements en alléguant que M. Shonek avait été hospitalisé pour un probleme d’angine non lié au travail. Personne n’a parlé de la chirurgie effectuée pour réparer les extrémités digitales de M. Shonek.

On a imposé a Canadian Salt une amende de 90 000 dollars pour cette fausse déclaration, 65 000 dollars pour chacune des déclarations déposées pour cinq autres travailleurs, et 65 000 dollars pour ne pas avoir avisé la Commission d’un accident de travail, également une infraction en vertu de la Loi. La compagnie a également du payer une majoration de 20 pour cent, soit 96 000 dollars, et 24 000 dollars pour les dépens de la Commission.

LEÇONS A TIRER

Cette affaire, bien qu’il s’agisse d’un cas de déclarations fausses ou carrément absentes, offre néanmoins une leçon a l’employeur qui tient a respecter les regles du jeu. Parce que le NRETI incite a tenir au minimum le nombre de réclamations, meme un employeur honnete peut etre tenté d’éviter de déclarer ce qu’il croit etre un cas douteux.

Cependant, comme l’indique l’exposé conjoint, seule la Commission est habilitée a décider si une blessure ou une maladie sont de nature professionnelle. En outre, les employeurs risquent fort d’etre coincés soit, comme dans l’affaire Canadian Salt, lorsqu’un professionnel de la santé dépose un rapport ou présente une facture a la Commission, soit lorsqu’un travailleur présente une réclamation en son propre nom. Il est toujours possible aussi qu’un employé mécontent, ancien ou actuel, prenne contact avec la Commission pour l’informer du refus de l’employeur de présenter une réclamation.

S’il est pris, l’employeur devra payer une amende minimum de 250 dollars comme pénalité pour dépôt tardif, et si la Commission soupçonne une série de transgressions, il peut s’attendre a recevoir la visite d’une escouade d’anciens agents de la GRC qui travaillent a la Direction des enquetes spéciales. Ces enqueteurs ont le pouvoir d’examiner les dossiers, de prendre le contrôle des bureaux et de fermer certaines parties de l’usine pour obtenir des renseignements.

Il n’y a qu’une seule conclusion a tirer de cela. Si l’employeur a le moindre doute quant a l’origine de la blessure ou de la maladie de l’employé, il vaut mieux pécher par prudence et présenter la Formule 7. Si on soupçonne que la blessure est falsifiée ou frauduleuse, il sera peut-etre nécessaire de procéder a la tenue d’une enquete a l’interne. A la suite de cette enquete, s’il subsiste des doutes quant a la nature de la blessure, il convient de l’indiquer sur la formule et de joindre une lettre d’explications. De meme, il ne faut pas hésiter a s’opposer a l’acceptation d’une réclamation ou a la continuation des prestations si l’authenticité de la réclamation est en cause. Il faut formuler l’opposition par écrit, dans les six mois de la décision de la Commission.

AUTRES INFRACTIONS

Les autres infractions qui mettent en jeu les intérets des employeurs sont, notamment :

  • le défaut de signaler un changement important dans la situation en rapport avec les obligations de l’employeur en vertu de la Loi, dans les dix jours du changement, par exemple le retour de l’employé a son travail régulier, ou a un travail modifié;
  • le défaut de s’inscrire aupres de la Commission dans les dix jours de la date ou l’on devient employeur aux termes de l’Annexe 1 ou de l’Annexe 2 et le défaut de fournir a la Commission des renseignements au sujet du montant total des salaires ou les autres renseignements relatifs a l’inscription exigés par la Commission;
  • le défaut d’informer la Commission lorsqu’on cesse d’etre employeur aux termes de l’Annexe 1 ou de l’Annexe 2, ou de fournir, au sujet des paiements dus et du montant total des salaires, les renseignements qui sont alors exigés;
  • le défaut d’un employeur aux termes de l’Annexe 1 de fournir des rapports annuels justes ou les autres déclarations qu’exige la Commission;
  • l’entrave a une enquete autorisée par la Commission;
  • le prélevement du cout des primes de la CSPAAT sur le salaire des employés.

Notre point de vue

La Commission a nommé un procureur spécialement chargé de poursuivre les violations de la Loi. Les employeurs ont donc tout intéret a se familiariser avec les obligations que la Loi leur impose et a éviter la tentation de taire les accidents de travail. La principale obligation est celle de présenter la Formule 7 correctement remplie dans les trois jours qui suivent la date ou l’on a appris la survenance d’un accident nécessitant des soins médicaux ou entraînant une perte de salaire. Si l’employeur continue a payer un salaire a un employé qui ne travaille pas a cause d’une blessure, la Commission considérera que ce salaire constitue une avance qui doit etre signalée sur la formule.

Les employeurs devraient aussi etre au courant des changements prévus a la politique de la Commission sur ce qui constitue un accident a déclaration obligatoire. Si ces changements sont approuvés au printemps 2000, la nouvelle regle exigera que les employeurs déclarent toute situation ou un travailleur effectue un « travail modifié » pendant une semaine ou plus, meme lorsqu’aucune intervention médicale n’est nécessaire. Cette nouvelle regle pourrait compliquer l’obligation de déclarer les réclamations, et entraîner plus d’erreurs de la part des employeurs, et plus d’amendes a payer a la Commission.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec David Law au (613) 563-7660, poste 273.

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