On recommande moins de participation gouvernementale et plus de flexibilité dans le système de santé et sécurité en Ontario

Le gouvernement provincial a rendu public le 6 février 1997 un document de travail dans le cadre de l’examen qu’il mène sur la Loi sur la santé et sécurité au travail, profitant de l’occasion pour déclarer son intention de rendre les lieux de travail en Ontario parmi les plus sécuritaires du monde. L’examen vise plus particulièrement à renforcer le système de responsabilité interne (SRI), afin que les employeurs et les employés assument la principale responsabilité en matière de santé et sécurité, à rendre plus flexible l’application de la Loi, à éliminer la paperasserie administrative et le double emploi avec d’autres lois et à rendre la Loi plus facile à comprendre.

Le document indique que le rôle du ministère du Travail a été redéfini pour mettre davantage l’accent sur l’établissement, la communication et la mise en vigueur de normes convenant aux lieux de travail. Toutefois, toujours selon ce document, la Loi continue de trop insister sur la participation gouvernementale, n’accorde pas suffisamment d’importance aux parties en présence en milieu de travail et leur offre peu d’incitation à améliorer les mesures de santé et sécurité au travail.

EXIGENCES FLEXIBLES EN MATIÈRE DE SANTÉ ET SÉCURITÉ

Le gouvernement croit que certaines parties de la Loi sont trop rigides et directives, ce qui fait obstacle à son respect. En effet, la Loi laisse fort peu de marge discrétionnaire, même si de meilleurs résultats pourraient être accomplis autrement. Le document donne comme exemples les dispositions concernant les représentants des travailleurs, les comités mixtes de santé et de sécurité (CMSS) et les refus de travailler. Le gouvernement voudrait fonder la Loi davantage sur le rendement, en donnant des objectifs à atteindre plutôt que des procédures à suivre.

Le document propose comme autre moyen de rendre la Loi moins directive de récompenser les lieux de travail où le bilan de la santé et la sécurité est positif en réduisant l’intervention gouvernementale dans divers aspects de leur gestion de la santé et de la sécurité, par exemple, la structure et le fonctionnement des CMSS. Les lieux de travail où le bilan est « exceptionnel » pourraient aussi être récompensés financièrement, notamment par un remboursement accru des primes d’indemnisation des travailleurs.

LES DEVOIRS DES PARTIES EN MILIEU DE TRAVAIL ET LES CMSS

Selon le document, les devoirs des parties en présence en milieu de travail, tels qu’établis dans la Loi actuelle, sont peut-être trop rigides. Il pourrait être nécessaire de les réviser vu les changements dans le mode d’organisation du travail, par exemple, l’exécution du travail par des équipes autonomes ou l’assignation de fonctions de gestion ou de supervision aux travailleurs. Puisque le ministère du Travail entend réduire son rôle en matière de santé et de sécurité, le document aborde également l’extension des obligations prévues par la Loi aux tierces parties chargées d’offrir des services de santé et de sécurité en milieu de travail.

Tout en déclarant que le Ministère s’engage à maintenir le principe des CMSS dans le système de santé et sécurité au travail, le document avance l’idée que leur structure, leur fonction et leur rôle sont définis de façon trop rigide. Il présente comme exemples de cette rigidité la composition du comité, l’exigence d’une rencontre au moins tous les trois mois et l’inspection mensuelle du lieu de travail.

En vertu de la Loi actuelle, les CMSS sont obligatoires dans les lieux de travail où se trouvent 20 employés ou plus qui sont « régulièrement employés ». Le document souligne la confusion que suscite le traitement des personnes qui travaillent pour des agences de placement. Puisque ces personnes ont deux employeurs — l’agence qui les paie et l’employeur chez qui elles travaillent — il est difficile de déterminer où elles se trouvent « régulièrement employées » aux fins des CMSS.

DROITS DES TRAVAILLEURS

La Loi accorde aux travailleurs quatre droits : le droit de connaître les dangers potentiels, le droit de participer à l’identification et à la résolution des problèmes de santé et de sécurité, le droit de refuser des conditions de travail dangereuses et le droit des membres des CMSS agréés de mettre un terme au travail dans des conditions dangereuses. Le document émet des doutes quant à l’efficacité du SRI, pour ce qui des droits de connaître et de participer : dans la situation actuelle, on insiste, en effet, sur l’exercice de ces droits par les CMSS et les représentants des travailleurs, plutôt que par les travailleurs eux-mêmes, pris individuellement.

Le document fait état des inquiétudes des employeurs en ce qui concerne le droit controversé de refuser de travailler dans des conditions dangereuses, à l’effet que ce droit fait l’objet d’abus pour régler des problèmes qui n’ont rien à voir avec la santé et la sécurité. En outre, les employeurs remettent en question le critère subjectif prévu par la Loi, selon lequel il suffit que l’employé ait « raison de croire » qu’il existe des conditions dangereuses pour déclencher une enquête de premier palier. Les employeurs s’opposent également, règle générale, à la politique du Ministère relative au « travailleur susceptible », en vertu de laquelle on considère la dangerosité d’une situation pour un travailleur ayant une sensibilité particulière à certaines conditions, plutôt que de considérer les besoins du travailleur moyen. (Pour la suite des événements, voir « La Commission de la révision des formalités administratives prône des changements majeurs aux lois ontariennes sur l’emploi » sur la rubrique « Publications »).

Les employés sont d’avis, quant à eux, que dans certains cas, les refus de travailler surviennent lorsque la direction ne tient pas compte de manière satisfaisante des plaintes en matière de santé et de sécurité, surtout celles ayant trait aux problèmes ergonomiques et à l’exposition aux produits chimiques dangereux. Les employés, de façon générale, seraient également favorables à un élargissement de la catégorie des dangers en milieu de travail qui justifient un refus de travailler par rapport à ce qui est déjà prévu dans la Loi.

Le droit unilatéral du membre agréé de mettre un terme au travail dangereux n’a pas encore été exercé. Le document présente les objections du patronat selon qui ce droit est inutile, vu le droit de refuser de travailler, et représente une appropriation des pouvoirs de la gestion. Les employés veulent qu’on garde cette mesure, comme dernier recours lorsque le SRI ne fonctionne plus.

APPLICATION ET PORTÉE DE LA LOI

Le document soulève plusieurs questions au sujet de l’application de la Loi – comment devrait-elle être appliquée, et à qui ? On parle notamment du travail à domicile, dont la Loi traite de façon assez incohérente, selon le document. La Loi peut s’appliquer au travail à domicile, pourvu que le travail ne soit pas exécuté par le propriétaire ni par l’occupant, ou par un employé du propriétaire ou de l’occupant. Par conséquent, les confectionneurs de vêtements à domicile ne sont pas couverts, mais les préposés aux personnes handicapées qui offrent des soins à domicile le sont. Le document demande si la Loi devrait s’étendre à d’autres catégories de travailleurs à domicile.

Le document traite également de l’interaction entre la Loi et le Code des droits de la personnes; la Loi devrait-elle inclure des dispositions qui tiennent compte des croyances religieuses des employés, pour permettre par exemple le port du turban plutôt que du casque de sécurité ? À l’heure actuelle, la Loi ne permet aucune exemption aux règlements de santé et de sécurité, quelle que soit la catégorie de travailleur.

Le document demande également si le harcèlement sexuel devrait être considéré comme relevant de la santé et de la sécurité au travail. La question a déjà été soulevée à deux reprises devant la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO). Dans l’affaire Musty c. Meridian Magnesium Products Ltd., bien que la Commission ait conclu qu’il était possible de soutenir que le harcèlement sexuel était couvert par la Loi, elle a refusé de traiter la plainte, préférant renvoyer l’affaire à la Commission des droits de la personne. La CRTO s’est toutefois déclarée compétente pour entendre une autre affaire de harcèlement sexuel, Au c. Lyndhurst Hospital (voir « Le harcèlement sexuel : un risque pour la santé et la sécurité ? » sous la rubrique « Publications », « La Commission des relations de travail de l’Ontario peut juger une plainte inédite de harcèlement sexuel » sous la rubrique « Nouveautés », et « Affaire Au : Rejet de la plainte alléguant un risque pour la santé » sous la rubrique « Publications »).

SANCTIONS

Le document demande si les dispositions d’appel ne devraient pas être modifiées, car certains jugent trop bref le délai de 14 jours pour en appeler d’une ordonnance d’un inspecteur auprès d’un arbitre, cette période étant trop courte pour évaluer les répercussions de l’ordonnance. Soulignant l’augmentation du nombre d’appels ces dernières années, et l’arriéré de travail qui en résulte, le document signale une tendance à interjeter appel non seulement d’ordonnances d’inspecteurs ou de décisions, mais également de mesures telles que les politiques du Ministère. Par conséquent, le document envisage la possibilité de restreindre les appels aux seules ordonnances et décisions.

On se demande si les sanctions prévues par la Loi, soit, pour le particulier, l’amende maximale de 25 000$ ou une peine de 12 mois d’emprisonnement, et pour l’entreprise, l’amende maximale de 500 000$, ne sont pas des obstacles à faire affaires en Ontario. On propose de réduire les peines maximales et de les ajuster de différentes façons, par exemple, en augmentant les amendes pour les récidivistes, en imposant des peines plus sévères lorsque l’infraction entraîne la mort ou des blessures graves, et en établissant des amendes fixes pour chaque jour que continue l’infraction.

Le document fait état de plusieurs possibilités pour modifier les dispositions qui protègent les employés contre les représailles s’ils soulèvent des problèmes de santé et de sécurité, notamment les
suivantes : permettre aux inspecteurs de décider s’il y a eu ou non représailles, exiger des employés syndiqués qu’ils utilisent la procédure de grief pour porter plainte plutôt que de s’adresser à la CRTO, éliminer le fardeau de la preuve pour l’employeur et interdire les représailles non seulement aux employeurs mais également aux employés et aux syndicats.

NOTRE POINT DE VUE

On retrouve souvent dans les initiatives du gouvernement l’idée de l’auto-suffisance et de la flexibilité dans la législation du travail. Si bon nombre de personnes sont favorables à cette tendance vers une transformation nécessaire d’un système trop autoritaire et trop fondé sur les antagonismes, d’autres y voient un affaiblissement des règles et un désintéressement du gouvernement dans la santé et la sécurité des travailleurs.

L’examen de la Loi s’inscrit dans le cadre de la refonte générale qu’entend mener le gouvernement du système d’indemnisation des accidents de travail. Les lecteurs d’AU POINT se rappelleront qu’en vertu de la nouvelle Loi sur la sécurité et l’assurance des travailleurs, nombre de questions relatives à la santé et à la sécurité au travail relèveront désormais de la Commission des accidents de travail, maintenant rebaptisée Commission de la sécurité et de l’assurance des travailleurs. (Pour consulter des articles antérieurs sur ce sujet, voir « La nouvelle loi sur les accidents du travail met l’accent sur un prompt retour au travail » sous la rubrique « Nouveautés » et « Le rapport Jackson sur la CAT : ciblage du passif non capitalisé » sous la rubrique « Publications ». Pour des renseignements plus récents, voir « On annonce de nouvelles modifications à la Loi sur les accidents du travail«  sous la rubrique « Publications ».) Le gouvernement entend élargir le mandat de la Commission afin d’y inclure la prévention des blessures au travail et la promotion de la santé et de la sécurité.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

Related Articles

La CSPAAT impose désormais un délai de 3 jours ouvrables pour la déclaration initiale d’un accident par les employeurs

Le 29 septembre 2023, la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (« CSPAAT ») a…

Le gouvernement de l’Ontario propose d’importantes modifications à diverses lois dans le secteur de l’éducation

En avril, le gouvernement de l’Ontario a déposé le projet de loi 98, Loi de 2023 sur l’amélioration des écoles et…

La Cour supérieure de justice de l’Ontario déclare la Loi 124 nulle et sans effet

Le 29 novembre 2022, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a publié une décision très attendue sur dix demandes…