Le gouvernement de l’Ontario présente le projet de loi 47, Loi de 2018 pour un Ontario ouvert aux affaires, abrogeant une grande partie du projet de loi 148 favorable aux travailleurs

Le 23 octobre 2018, le gouvernement de l’Ontario a présenté le projet de loi 47, Loi de 2018 pour un Ontario ouvert aux affaires. S’il est adopté, le projet de loi 47 modifiera la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE ») et la Loi de 1995 sur les relations de travail (la « LRT ») afin d’abroger bon nombre des changements mis en œuvre par l’ancien gouvernement libéral par l’entremise du projet de loi 148, Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois. Les lecteurs d’Au Point se souviendront des aspects les plus importants du projet de loi 148, qui a reçu la sanction royale en novembre 2017 et qui prévoyait une augmentation importante du salaire minimum ainsi que des règles de salaire égal pour un travail égal en vertu de la LNE. Le projet de loi 148 facilitait également l’accès à la médiation-arbitrage d’une première convention collective, ainsi que l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion en vertu de la LRT (voir « Mise à jour sur le projet de loi 148, Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois » et « Projet de loi 148 – La Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois »).

Modifications proposées à la LNE

 

Salaire minimum

Aux termes du projet de loi 148 de l’an dernier (et du dernier gouvernement), le salaire minimum devait augmenter de nouveau, passant de 14 $ à 15 $ l’heure, le 1er janvier 2019. Il devait ensuite être rajusté annuellement en fonction de l’indice des prix à la consommation (l’« IPC »). Le projet de loi 47 déposé récemment gèlerait le salaire minimum à 14 $ et reporterait tout rajustement de l’IPC jusqu’en octobre 2020. Le projet de loi abrogerait également les dispositions prévoyant l’examen obligatoire du salaire minimum par le ministre, actuellement prévu pour 2024 et tous les cinq ans par la suite.

 

Congé d’urgence personnelle

Le projet de loi 47 abrogerait également les dispositions relatives au congé d’urgence personnelle qui ont été élargies par le projet de loi 148. Ces dispositions donnaient à l’employé le droit de prendre un maximum de dix (10) jours de congé d’urgence personnelle et obligeaient les employeurs à payer les deux (2) premiers jours. Le projet de loi 47 supprimerait complètement le régime de congé d’urgence personnelle et le remplacerait par les congés non payés suivants :

  • Congé de maladie : jusqu’à trois (3) jours par année civile en cas de maladie, de blessure ou d’urgence médicale personnelle.
  • Congé pour obligations familiales : jusqu’à trois (3) jours par année civile pour la maladie, la blessure, l’urgence médicale ou toute autre affaire urgente d’un membre de la famille prescrit. La liste des membres de la famille est la même que celle qui existe actuellement pour les congés d’urgence personnelle.
  • Congé de deuil : jusqu’à deux (2) jours par année civile pour le décès de membres de la famille prescrits. La liste des membres de la famille est la même que celle qui existe actuellement pour les congés d’urgence personnelle.

Un employé devra être employé pendant au moins deux (2) semaines consécutives pour avoir droit aux congés proposés. Pour chacun de ces congés, le projet de loi 47 permettrait à un employeur d’exiger d’un employé qu’il fournisse une preuve raisonnable, dans les circonstances, que l’employé a droit au congé, y compris un certificat médical d’un professionnel de la santé compétent. En vertu du projet de loi 148, par contre, il est interdit aux employeurs de demander un certificat médical pour justifier un congé d’urgence personnelle.

Le projet de loi 47 prévoit également que, lorsqu’un employé prend un congé payé ou non payé en vertu d’un contrat de travail dans des circonstances pour lesquelles les nouveaux congés peuvent être pris, il sera réputé avoir pris le congé applicable en vertu de la LNE.

 

Salaire égal pour un travail égal

Le projet de loi 47 modifierait également le régime de « salaire égal pour un travail égal » du projet de loi 148 en vertu de la LNE, lequel est entré en vigueur le 1er avril 2018. En vertu du projet de loi 148, il était interdit aux employeurs de différencier la rémunération des employés en fonction de leur situation d’emploi (c.-à-d. à temps plein, à temps partiel, occasionnel, temporaire ou saisonnier). Le projet de loi 47 supprimerait la restriction relative à la situation d’emploi, tout en laissant en place les dispositions initiales sur le salaire égal pour un travail égal en fonction du sexe.

Le projet de loi 47 abrogerait également les dispositions qui obligent les agences de placement temporaire (« APT ») à verser à leurs employés le même taux de rémunération que les employés permanents du client de l’APT lorsqu’ils effectuent essentiellement le même genre de travail dans le même établissement.

 

Rémunération des jours fériés

Le projet de loi 148 a introduit une nouvelle formule de calcul du salaire pour jour férié qui a pris effet le 1er janvier 2018 ; cette nouvelle formule a eu pour effet d’entraîner d’importantes inégalités entre les employés à temps plein et certains employés occasionnels ou à temps partiel et a sans doute découragé les employeurs de faire travailler des employés à temps partiel dans les semaines précédant le jour férié. Les lecteurs d’Au Point se rappelleront que l’ancien gouvernement a déposé un règlement pour revenir à l’ancienne formule de calcul du salaire pour jour férié à compter du 1er juillet 2018. Le projet de loi 47 rétablirait la formule de calcul au prorata en vigueur avant le projet de loi 148, qui se lit comme suit :

[…] la somme du salaire normal gagné et de l’indemnité de vacances payables à l’employé au cours des quatre semaines de travail précédant la semaine de travail dans laquelle tombe le jour férié, divisée par 20.

 

Mauvaise classification des employés

Le projet de loi 148 interdisait expressément de traiter les employés comme s’ils étaient des entrepreneurs indépendants ou comme s’ils n’étaient pas autrement des employés, et imposait à l’employeur le fardeau de prouver qu’une personne n’était pas un employé. Le projet de loi 47 abrogerait toutefois le fardeau de la preuve de l’employeur dans les cas présumés de classification erronée des employés à titre d’entrepreneurs indépendants.

 

Horaire de travail

Le projet de loi 47 abrogerait également la plupart des changements relatifs aux horaires du projet de loi 148 qui seraient entrés en vigueur le 1er janvier 2019, notamment :

  • le droit d’un employé (après au moins trois mois de service) de demander un changement d’horaire ou de lieu de travail, ainsi que les obligations correspondantes de l’employeur de discuter du changement avec l’employé, de rendre une décision dans un délai raisonnable et de motiver son refus ;
  • les dispositions relatives à la « rémunération minimale de l’employé sur appel », qui obligent essentiellement l’employeur à verser à l’employé un salaire correspondant à trois (3) heures de travail lorsqu’il est sur appel et qu’il est disponible pour travailler, mais qu’il n’est pas appelé à travailler, ou lorsqu’il est appelé à travailler mais qu’il travaille moins de trois (3) heures ;
  • le droit d’un employé de refuser un quart de travail ou d’être placé sur appel, sans conséquence, si son employeur lui demande de travailler avec moins de 96 heures de préavis ;
  • les dispositions relatives à la « rémunération minimale en cas d’annulation du quart de travail », qui obligent essentiellement l’employeur à verser à l’employé un salaire correspondant à trois (3) heures de travail en cas d’annulation d’un quart de travail prévu à l’horaire ou d’une période de travail sur appel moins de 48 heures avant son début ;
  • l’obligation de l’employeur de tenir des dossiers sur tous les éléments ci-dessus.

 

Règle des trois heures

Le projet de loi 47 conserverait la « règle des trois heures », qui a été modifiée par le projet de loi 148 et qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2019. Le projet de loi 147 a pour effet de déplacer, dans une section nouvellement créée de la LNE, la règle de trois heures, qui prévoit qu’un employé doit être payé un minimum de trois (3) heures de salaire normal lorsque l’employé travaille régulièrement plus de trois (3) heures et qu’il se présente au travail, mais y effectue moins de trois (3) heures de travail. La règle des trois heures continuerait de ne pas s’appliquer si un employeur était incapable de fournir du travail à l’employé en raison d’un incendie, de la foudre, d’une panne de courant, d’un orage ou de toute autre cause indépendante de sa volonté qui entraîne l’interruption de travail.

 

Modifications en vertu du projet de loi 148 non touchées par le projet de loi 47

Quelques dispositions du projet de loi 148 ne seront pas abrogées ou autrement modifiées par le projet de loi 47, notamment les modifications apportées au droit à des vacances (c.-à-d. trois (3) semaines de vacances et indemnité de vacances de 6 % après au moins cinq (5) ans de service), et les dispositions prévoyant des congés payés pour violence conjugale ou sexuelle. D’autres congés modifiés par le projet de loi 148 qui demeurent inchangés par le projet de loi 47 incluent le congé de maternité, le congé parental prolongé, le congé en cas de maladie grave, le congé familial pour raison médicale, le congé en cas de décès d’un enfant et le congé en cas de disparition d’un enfant dans des circonstances criminelles.

 

Modifications proposées à la LRT

Le projet de loi 47 propose aussi d’abroger bon nombre des modifications apportées par le projet de loi 148 à la LRT.

 

Listes d’employés

Le projet de loi 47 abrogerait la capacité d’un syndicat de demander à la Commission des relations de travail de l’Ontario (la « Commission ») une ordonnance enjoignant à un employeur de fournir une liste d’employés. En vertu du projet de loi 148, un syndicat pourrait faire cette demande, pourvu qu’il puisse démontrer qu’il a l’appui d’au moins 20 % des employés de l’unité de négociation proposée. Le projet de loi 47 supprimerait ce droit et exigerait que toute demande présentée à la Commission à la date d’entrée en vigueur du projet de loi 47 soit immédiatement annulée. Le projet de loi 47 prévoit également que toute liste d’employés obtenue dans le cadre du processus de demande doit être détruite le jour de l’entrée en vigueur du projet de loi 47.

 

Accréditation corrective

Le régime d’accréditation corrective obligatoire prévu dans le projet de loi 148 serait également abrogé par le projet de loi 47. Le régime prévu dans le projet de loi 148 obligeait la Commission à accréditer un syndicat si elle concluait qu’un employeur avait contrevenu à la LRT et que, par conséquent, un scrutin de représentation n’a pas reflété les vrais désirs des employés, ou que le syndicat n’a pu démontrer une adhésion syndicale d’au moins 40 %. Le projet de loi 47 rétablirait le régime précédent, selon lequel l’accréditation n’était pas obligatoire, et la Commission avait le pouvoir discrétionnaire d’ordonner un autre vote.

 

Fusion des unités de négociation

Le projet de loi 47 enlèverait également à la Commission le pouvoir d’examiner et de fusionner les unités de négociation nouvellement accréditées avec d’autres unités de négociation existantes sous un seul employeur. Toutefois, la Commission aurait toujours le pouvoir de revoir la structure des unités de négociation existantes si elle était convaincue que les unités de négociation ne conviennent plus à la négociation collective.

 

Médiation de la première convention collective et médiation-arbitrage

Si le projet de loi 47 devenait loi, l’accès à la médiation et à l’arbitrage dans le cadre d’une première convention collective reviendrait au régime qui existait avant le projet de loi 148. Comme les lecteurs d’Au Point s’en souviendront, le projet de loi 148 a ajouté un volet de médiation intensive au processus et facilitait l’accès à la médiation-arbitrage. Ce régime serait abrogé et remplacé par le régime précédent, en vertu duquel la Commission pourrait ordonner la tenue de l’arbitrage de la première convention collective lorsqu’elle est d’avis que la négociation collective a échoué pour les raisons suivantes, comme le précise la loi : a) le refus de l’employeur de reconnaître le pouvoir de négociation du syndicat ; b) l’aspect intransigeant de la position adoptée sans motif raisonnable ; c) le défaut de faire des efforts rapides et raisonnables en vue de conclure une convention collective ; d) tout autre motif que la Commission estime pertinent.

 

Accréditation par carte

Une autre modification du projet de loi 148 qui serait abrogée par le projet de loi 47 est l’option de l’accréditation par carte pour a) l’industrie des agences de placement temporaire ; b) l’industrie des services de gestion d’immeubles ; c) l’industrie des soins à domicile et des services communautaires. Les travailleurs de ces industries auraient de nouveau le droit de voter à bulletin secret, comme c’était le cas avant l’adoption du projet de loi 148.

 

Autres modifications proposées à la LRT

Le projet de loi 47 modifie également les droits de retour au travail et les droits du successeur des syndicats. Le projet de loi 148 supprimait la limite de six (6) mois imposée au droit d’un employé de retourner au travail après le début d’une grève légale ou d’un lock-out. Le projet de loi 47 rétablirait la période de six (6) mois. Bien que l’extension des droits du successeur à la remise en adjudication des contrats de services de gestion d’immeubles (c.‑à‑d. les contrats pour les services de restauration, les services de bâtiment et d’entretien, et les services de sécurité) demeurerait, le projet de loi 47 abrogerait, par règlement, l’extension des droits du successeur à la remise en adjudication des contrats de service financés par l’État, comme les soins à domicile.

S’il était adopté, le projet de loi 47 rétablirait également les amendes maximales qui existaient auparavant en vertu de la LRT, ce qui se traduirait par une réduction de l’exposition maximale aux amendes pour les contraventions à la LRT de 5 000 $ à 2 000 $ pour les particuliers et de 100 000 $ à 25 000 $ pour les organisations.

 

Modifications en vertu du projet de loi 148 non touchées par le projet de loi 47

Serait maintenue la modification du projet de loi 148 visant à protéger les employés contre toute mesure disciplinaire ou tout congédiement sans motif valable pendant les deux périodes suivantes :

  • la période entre l’accréditation et la conclusion d’une première convention collective ;
  • la période entre la date à laquelle les employés sont en position de grève légale ou de lock-out et la date d’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective.

 

À notre avis

En supposant que le projet de loi 47 devienne loi avec seulement des modifications mineures, bon nombre des dispositions les plus lourdes du projet de loi 148 seront bientôt abrogées. Les modifications proposées à la LNE doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2019 ou le jour où le projet de loi 47 reçoit la sanction royale, selon la première des deux dates. Les modifications proposées à la LRT doivent entrer en vigueur lorsque le projet de loi 47 recevra la sanction royale. Les employeurs pourraient trouver utile de revoir leurs politiques, leurs contrats de travail et leurs conventions collectives, le cas échéant, en vue de les réviser à la lumière des exigences moins rigoureuses prévues dans le projet de loi 47.

 

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Sébastien Huard au 613‑940‑2744 et André Champagne au 613‑940‑2735

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