De fausses allégations lors du congédiement donnent lieu à des dommages-intérêts importants

En règle générale, les tribunaux accordent en dommages-intérêts pour violation d’un contrat d’emploi un montant suffisant pour tenir lieu d’avis raisonnable de congédiement. Jusqu’à tout récemment on ne dépassait pas, à cet égard, le plafond officieux de 24 mois.

De plus en plus, toutefois, les tribunaux canadiens tiennent compte, dans la détermination du montant des dommages-intérêts, d’un facteur propre aux contrats d’emploi : la manière dont on a mis fin à l’emploi. Dans certains cas, lorsque la manière dont l’employé a été congédié a donné lieu à des sentiments d’angoisse ou a créé des obstacles à l’obtention d’un autre emploi, les tribunaux ont accordé des dommages-intérêts beaucoup plus élevés que le montant qui aurait suffi à compenser l’absence d’avis.

Au cours des derniers mois, les cours d’appel de trois provinces ont rendu des décisions accordant des dommages-intérêts substantiellement majorés à cause de la manière dont le renvoi avait été effectué.

Dans l’arrêt Hughes v. Gemini Food Corp. (7 février 1997), la Cour d’appel de l’Ontario a maintenu un jugement accordant des dommages-intérêts généraux de 778 590 dollars, plus 75 000 dollars pour dommages-intérêts majorés pour ce que le juge de première instance avait qualifié [TRADUCTION] « une forme d’humiliation publique » infligée au demandeur.

Hughes était président et directeur-général d’une importante société de distribution de pommes de terre appartenant au gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard. Il a été congédié, prétendument pour conflit d’intérêts et incurie dans ses fonctions de président. La lettre de congédiement qui, de l’aveu même de l’employeur au cours du procès, contenait nombre de renseignements inexacts, avait été déposée à la législature de l’Île-du-Prince-Édouard.

La Cour a jugé que les faits justifiaient l’octroi de dommages-intérêts qui sont conçus pour compenser des dommages intangibles, tels l’angoisse et l’humiliation. Selon le tribunal, l’employeur avait sciemment fourni au bureau du Premier ministre de fausses raisons pour le congédiement; il aurait dû prévoir que ces renseignements erronés seraient rendus publics.

Dans l’arrêt Donovan v. New Brunswick Publishing Co. (18 décembre 1996), la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a majoré les dommages-intérêts accordés au demandeur. Le tribunal de première instance avait accordé un montant équivalent à 18 mois de salaire; en Cour d’appel, ce montant est passé à 28 mois de salaire. Donovan avait été congédié après 36 ans de service pour les motifs qu’il avait été insolent à l’endroit d’un client et qu’il s’était mis en situation de conflit d’intérêts. Le juge de première instance a jugé que l’incident de conduite insolente ne justifiait pas le congédiement et qu’il n’y avait pas de preuve que Donovan était en situation de conflit d’intérêts. Bien que la Cour d’appel ne l’ait pas mentionné, certains commentateurs estiment qu’elle a adopté la solution inhabituelle de majorer les dommages-intérêts du fait de la fausse allégation de conflit portée contre Donovan.

Quelque quatre mois après le dépassement de la limite de 24 mois au Nouveau-Brunswick, la Cour d’appel de Colombie-Britannique, dans l’arrêt Deildal v. Tod Mountain Development Ltd (10 avril 1997), a maintenu un jugement en dommages-intérêts pour un montant équivalent à 33 mois de salaire. Deildal avait été congédié, puis informé par la suite que le congédiement était dû au fait qu’il avait détourné une somme de 750 000 dollars. L’allégation de vol avait été répétée quelque quatre mois plus tard lors d’une assemblée des actionnaires. En plus d’accorder un montant équivalent à 15 mois de salaire pour tenir lieu d’avis, le juge de première instance a accordé 50 000 dollars pour calomnie et 25 000 dollars en dommages-intérêts majorés. Deux juges de la Cour d’appel ont maintenu les dommages-intérêts accordés par le juge de première instance, chacun pour des motifs différents. Le juge Braidwood a fait la distinction entre les conséquences des modalités de cessation d’emploi sur les chances du demandeur de trouver un autre emploi et celles qu’elles auraient sur son état psychique. Les premières donnaient lieu à des dommages-intérêts pour violation du contrat d’emploi, et devaient se calculer selon la méthode fondée sur l’avis raisonnable, tenant compte de la nécessité d’une notification prolongée, puisque des allégations de vol constituent un obstacle notoire à l’obtention d’un nouveau poste. Les secondes étaient justiciables de dommages-intérêts pour l’angoisse occasionnée par la fausse accusation de vol, un délit civil donnant ouverture à un droit d’action.

Pour le juge Finch, au contraire, les dommages-intérêts dûs au surcroît de difficulté à trouver un autre emploi et ceux visant à compenser l’angoisse étaient tous deux des dommages-intérêts majorés résultant du congédiement; ils pouvaient faire l’objet d’une demande en justice, même si les faits qui les avaient déclenchés ne constituaient pas une cause d’action indépendante.

Le désaccord entre les juges Finch et Braidwood reflète la controverse sur la question de savoir si les dommages-intérêts majorés pour angoisse doivent résulter de ce que la Cour suprême du Canada a qualifié un « méfait donnant lui-même ouverture à un droit d’action » dans l’arrêt Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia, ou si ces dommages-intérêts peuvent être accordés pour la violation du contrat. La Cour suprême, dans une décision attendue plus tard cette année, devrait revoir son jugement dans l’affaire Vorvis. Il est à souhaiter que cette nouvelle décision contribuera à dissiper la confusion qui entoure la nature des dommages-intérêts majorés dans les affaires de congédiement abusif. (Pour des renseignements plus récents, voir « Équitablement, raisonnablement et décemment » : la Cour suprême juge que les employeurs doivent traiter avec bonne foi les employés qu’ils congédient » sous la rubrique « Publications ».)

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

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