Un tribunal de l’Alberta juge que le syndrome de fatigue chronique est une maladie physique

Le syndrome de fatigue chronique (SFC), maladie caractérisée notamment par une fatigue débilitante, des douleurs musculaires, des pertes de mémoire, un défaut de concentration et la dépression, suscite des controverses depuis un certain temps déja. Bien que l’Organisation mondiale de la santé et le U.S. Center for Disease Control considerent ce syndrome un trouble organique, d’autres y voient un trouble psychologique. Un tribunal de l’Alberta s’est maintenant rangé du côté de ceux qui soutiennent que le SFC est une maladie physique et non psychologique. La décision Baillie v. Crown Life Insurance Co. (2 mars 1998) semble etre la premiere décision judiciaire en la matiere au Canada.

Sharon Baillie avait gravi les échelons de Crown Life pour arriver au poste de directrice des opérations informatiques, avec quelque 35 personnes sous sa supervision. Elle était considérée une employée diligente, un atout pour la compagnie; par ailleurs, dans ses loisirs, elle était également fort active, s’adonnant a divers sports et se tenant en forme grâce a un programme d’exercice. En septembre 1989, elle s’embarque pour une croisiere dans les Caraibes.

Pendant ses vacances, Mme Baillie contracte ce qu’elle croit etre un empoisonnement aux fruits de mer. Elle devient malade, et on diagnostique quelque temps plus tard une giardiase. Elle souffre de maux de tete, d’épuisement et de troubles de mémoire. Son assiduité au travail s’en ressent, et son médecin s’efforce de contrôler sa déchéance physique. En mai 1990, il en arrive a la conclusion que Mme Baillie n’est plus en mesure d’exécuter les fonctions de son poste, incapacité qu’il attribue au stress.

DIAGNOSTIC DE SFC, REFUS DE LA RÉCLAMATION D’ILT

Mme Baillie déménage alors a Vancouver, ou elle consulte d’autres médecins. Au printemps de 1991, son nouveau médecin diagnostique chez elle un cas grave et prolongé de SFC. A l’automne 1991, elle entame des démarches pour réclamer des prestations en vertu du régime d’invalidité a long terme de Crown Life. La compagnie refuse de verser les prestations.

En cour, Crown Life invoque entre autres motifs de refus le fait que sa police exclut les troubles psycho-névrotiques ou fonctionnels, qu’on distingue des maladies organiques, pour lesquelles on verserait des prestations. Il s’agit donc de déterminer si le SFC est une maladie physique ou psychologique.

TÉMOINS EXPERTS

Vu la nature du litige, le témoignage des médecins-experts joue un rôle crucial. Crown Life ne présente qu’un expert, un psychiatre qui a examiné Mme Baillie pendant trois heures. Selon lui, et il admet qu’il a formé cet avis avant meme de rencontrer Mme Baillie, le SFC n’existe pas, mais constitue plutôt une « étiquette commode » qu’on applique a certains symptômes psychosomatiques qui se développent en situation de stress. Il conclut de sa rencontre avec Mme Baillie qu’elle souffre d’un « trouble de conversion », c’est-a-dire qu’elle somatise ses difficultés a composer avec le stress.

Parmi les experts appelés a témoigner par Mme Baillie se trouve un psychiatre qui utilise des techniques EEG de cartographie cérébrale qui lui ont permis de constater des anormalités dans le lobe frontal de l’hémisphere gauche chez les personnes qui ont un diagnostic de SFC. La littérature neurologique situe dans cette région du cerveau l’origine probable de la maladie. Il témoigne que les résultats des tests administrés a Mme Baillie indiquent qu’elle souffre du SFC.

Le juge accepte la preuve présentée par les experts de Mme Baillie. Il note que le témoin de Crown Life a diagnostiqué Mme Baillie en fonction d’une idée préconçue de ce que serait le diagnostic. Le juge critique la qualité de son témoignage expert, et exprime l’opinion que cet expert est [TRADUCTION] « en train de bâtir sa carriere sur l’idée que le SFC n’existe pas et que les personnes qui prétendent en etre atteintes souffrent en fait de troubles psychiatriques ».

PLAIGNANTE CRÉDIBLE, MALADIE ORGANIQUE

Avant de conclure que Mme Baillie souffre effectivement d’une maladie organique qui lui donne droit aux prestations en vertu de la police, le tribunal rejette les attaques de Crown Life contre sa crédibilité. La compagnie avait signalé qu’entre septembre 1990 et mai 1991, Mme Baillie recevait des prestations d’assurance-chômage, et qu’elle informait régulierement la CAC qu’elle était prete, disposée et apte a travailler. Selon la compagnie, le fait qu’elle mentait a la CAC signifiait que le tribunal ne pouvait lui faire confiance. Le tribunal a signifié son désaccord, faisant remarquer qu’a l’époque, Mme Baillie n’avait pas encore accepté qu’elle était physiquement handicapée :

[TRADUCTION] « A l’époque ou Mme Baillie recevait les prestations d’assurance-chômage, elle ne connaissait pas encore son diagnostic de SFC, elle pensait se rétablir et…elle n’était pas prete a accepter qu’elle ne pouvait occuper un poste a temps complet. … Elle s’attendait pleinement a se remettre de ses problemes et ce n’est qu’en mai 1991 que son monde s’est écroulé a cet égard. »

Notre point de vue

Cette question va probablement continuer de donner lieu a beaucoup d’incertitude, car meme les assureurs qui versent des prestations a certaines personnes qui souffrent du SFC ont tendance a les surveiller de pres. Les choses en resteront sans doute la jusqu’a ce qu’on identifie, s’il existe, le virus qui cause cette maladie.

Le 25 mai, Crown Life a entamé des procédures d’appel de la décision. Nous vous tiendrons au courant de la situation.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette au (613) 563-7660, poste 227.

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