L’arbitre maintient le congédiement de l’enseignant qui avait envoyé des courriels sexuellement explicites à ses élèves

Dans une affaire récente, un arbitre a maintenu le congédiement d’un enseignant dans une école secondaire catholique, qui avait avoué avoir envoyé 11 courriels sexuellement explicites à deux élèves de sexe masculin, âgés de 15 et 17 ans. Les courriels ont été montrés à d’autres élèves, y compris à un garçon de 13 ans. Le congédiement a été maintenu, même si le plaignant avait 12 ans de service et un dossier impeccable.

La question à trancher dans l’affaire Catholic District School Board of Eastern Ontario v. Ontario English Catholic Teachers’ Association (8 janvier 2004) était de savoir si le congédiement constituait la sanction appropriée. Le syndicat a concédé qu’une mesure disciplinaire quelconque était justifiée, puisque le plaignant avait avoué avoir envoyé des images sexuellement graphiques de femmes nues aux deux élèves sur une période de cinq mois. Le brevet d’enseignement du plaignant avait été suspendu pendant sept mois par l’Ordre des enseignantes et des enseignants. Aucune accusation n’avait été portée, parce que les images ne constituaient pas de la pornographie infantile et ne pouvaient être considérées obscènes aux termes du Code criminel.

PREUVE PSYCHIATRIQUE

Deux psychiatres ont témoigné que le plaignant ne manifestait aucun symptôme de déviance sexuelle qui nécessiterait un traitement, et l’un d’eux a émis l’opinion que le plaignant était peu susceptible de récidiver. Toutefois, à l’audience, on a indiqué que les rapports des psychiatres se fondaient sur des renseignements fournis par le plaignant selon lesquels il n’avait envoyé qu’un courriel qui avait été reçu par deux élèves. Les psychiatres ont convenu que les tests subis par le plaignant dépendaient fortement de l’honnêteté de la personne qui y répondait et que les résultats n’avaient donc qu’une fiabilité limitée.

EXPLICATION DU PLAIGNANT

Le plaignant a dit regretter d’avoir envoyé les courriels aux élèves. Il a déclaré ne pas avoir agi comme enseignant mais comme « ami » à l’égard des deux garçons, et ne pas avoir tenu compte de leur vulnérabilité. Quand on lui a demandé pourquoi il avait utilisé, de façon inappropriée, l’adresse courriel d’un élève pour lui envoyer les documents, le plaignant a répondu :

    « [TRADUCTION] Nous avions le courriel l’un de l’autre. Une fois l’adresse sur l’ordinateur, elle reste là. À partir de ce moment, oui, on échangeait … quand on a échangé des adresses de courriel, on a échangé des courriels, rien de plus. »

Le plaignant avait demandé au plus jeune des deux, à l’école, s’il avait reçu les courriels et s’il avait aimé les images. Quand on lui a demandé à l’audience pourquoi il avait posé ces questions, il a répondu :

    « [TRADUCTION] Pas de raisons particulières. Je lui ai envoyé, il les a reçus, je lui ai demandé ce qu’il en pensait. »

Quand on lui a demandé comment il pouvait envoyer de tels courriels, sachant que son emploi s’en trouverait menacé, il a répondu :

    « [TRADUCTION] Je ne sais pas si j’arrive moi-même à comprendre. Je sais maintenant que j’ai fait une erreur et que je n’avais pas tenu compte des conséquences de mon action. Je n’ai pas des raisons à offrir pour expliquer pourquoi je les ai envoyés, sauf que je les ai envoyés. »

ARGUMENTS DES PARTIES

Pour justifier le congédiement du plaignant, le Conseil scolaire a signalé que les actions du plaignant n’avaient pas été subites, mais s’étaient déroulées sur une période de cinq mois. Il avait aggravé la chose en demandant à l’un des garçons comment il avait aimé le courriel. Le fait qu’il n’y avait aucune preuve d’un trouble traitable ne faisait que rendre le comportement encore plus bizarre et inquiétant. Le Conseil a également souligné l’incapacité du plaignant d’expliquer sa conduite et son indifférence apparente quant à l’effet produit sur les élèves.

Le syndicat a soutenu qu’il s’agissait d’un cas où il fallait appliquer une discipline progressive, compte tenu des années de service et du bon dossier d’emploi du plaignant. Le syndicat a convenu que la conduite avait franchi les bornes dans la relation enseignant-élève, mais qu’il n’y avait aucune preuve de but sexuel ultérieur.

MAINTIEN DU CONGÉDIEMENT

Pour maintenir le congédiement du plaignant, l’arbitre s’est fondé principalement sur la preuve des psychiatres et sur le témoignage du plaignant lui-même. Il a noté que les opinions des psychiatres avaient été fondées sur des données inexactes fournies par le plaignant : le nombre de courriels envoyés, la durée des incidents, le nombre d’élèves touchés, et le fait que le plaignant avait demandé à l’un des élèves s’il avait aimé les courriels étaient tous des faits que le plaignant avait cachés. L’arbitre a conclu qu’il y avait peu de valeur probante dans une preuve contaminée par «  [TRADUCTION] l’apparente réticence du plaignant à divulguer pleinement les faits et ses tentatives délibérées d’induire en erreur ».

Pour ce qui était du témoignage du plaignant, l’arbitre a déclaré qu’il semblait que le plaignant ne saisissait pas pleinement la gravité de sa conduite et de son effet sur les élèves. L’arbitre n’était guère impressionné par l’idée du plaignant qu’en envoyant les documents aux élèves, il avait agi comme un ami :

    [TRADUCTION] Il est également assez perturbant que le plaignant laisse entendre que ses actions pourraient être expliquées ou comprises comme un geste d’amitié en dehors de la relation enseignant-élève. … La collectivité a raison de s’inquiéter lorsqu’un adulte envoie des documents sexuellement explicites à des enfants, et encore plus lorsque cet adulte est un enseignant et que les enfants sont des élèves à son école.

Il n’y avait rien de réconfortant non plus dans le fait que le plaignant était incapable d’expliquer ses motifs :

    [TRADUCTION] Il est assez troublant de constater que lorsqu’on a demandé au plaignant d’expliquer pourquoi il enverrait de tels courriels, sachant que son emploi s’en trouverait menacé, il a répondu, « Je ne sais pas si j’arrive moi-même à comprendre. … Je n’ai pas des raisons à offrir pour expliquer pourquoi je les envoyés, sauf que je les ai envoyés. » Si le plaignant ne comprend pas ses propres actions, quel réconfort le conseil scolaire, les élèves et les parents peuvent-ils tirer de ses affirmations qu’il a appris sa leçon et qu’il n’agira plus ainsi à l’avenir ?

Dans sa conclusion, l’arbitre a signalé que les facteurs atténuants mentionnés par le syndicat – années de service et dossier disciplinaire par ailleurs impeccable – ne pouvaient s’appliquer dans ce cas, vu le fait que le plaignant n’avait pas fourni une explication raisonnable de ses actions. En l’absence d’une telle explication, a dit l’arbitre, « [TRADUCTION] il n’y avait pas de contexte logique permettant de situer la conduite fautive par rapport au rendement antérieur ou au risque futur ». Par conséquent, l’arbitre a rejeté le grief.

Notre point de vue

L’arbitre a distingué sa décision de la sanction imposée par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario – suspension de sept mois du brevet d’enseignement – en soulignant une des différences, soit la question à trancher dans chaque procédure : l’Ordre devait décider si le plaignant perdrait entièrement le droit d’enseigner, tandis que l’arbitre devait trancher si le plaignant avait le droit de travailler pour ce conseil scolaire en particulier. Il se peut toutefois que l’arbitre dans cette affaire s’inquiétait du fait, vu l’absence d’une explication solide de la part du plaignant, qu’il n’y avait pas lieu de croire que sa conduite s’améliorerait à son retour de la suspension.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Paul Marshall au (613) 940-2754.

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