Dans une décision rendue le 11 mars 2015, le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (« CIPVP ») a accueilli une plainte en matière de vie privée portée contre le Halton Catholic District School Board (le « conseil scolaire ») concernant l’utilisation de la surveillance vidéo à une école secondaire d’Oakville. La plainte a été portée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée (« LAIMPVP ») par la mère d’un enfant fréquentant l’école. La plainte exprimait des préoccupations concernant le recours à la surveillance vidéo et l’absence de consultation dans sa mise en œuvre. Le CIPVP a entamé une enquête et conclu que même si le conseil scolaire avait adopté une politique régissant l’implantation d’un système de surveillance vidéo dans ses écoles, il n’avait pas suivi la politique lorsqu’il avait introduit la surveillance vidéo à l’école en question. Le CIPVP n’a pas conclu que la surveillance contrevenait à la LAIMPVP, mais il a conclu que le conseil scolaire n’avait pas fourni suffisamment de preuves qu’elle était nécessaire dans les circonstances. Il a ordonné au conseil scolaire d’appliquer sa politique et de déterminer si la surveillance est nécessaire.
La question de la surveillance vidéo dans les écoles n’est pas nouvelle pour le CIPVP. En 2003, il a publié un document intitulé « Lignes directrices sur l’utilisation de caméras de surveillance vidéo dans les écoles ». Les lignes directrices reconnaissaient qu’en vertu de la responsabilité que confie aux conseils scolaires la Loi sur l’éducation pour le fonctionnement sécuritaire d’une école, la collecte de renseignements personnels sous forme d’images vidéo pouvait constituer une activité autorisée au besoin par la LAIMPVP. Cela ne donnait cependant pas carte blanche aux écoles pour implanter un système de surveillance vidéo. La surveillance vidéo doit aussi être nécessaire pour le fonctionnement sécuritaire. Les lignes directrices, mises à jour en 2009, donnent les directives suivantes :
- L’utilisation d’un système de surveillance vidéo ne devrait être envisagée que si le recours à des mesures de dissuasion plus discrètes, comme une surveillance plus accrue de la part du personnel surveillant, s’est révélé inefficace ou impossible.
- Dans ses consultations avec la communauté scolaire, le conseil devrait décrire les moyens les plus discrets qui ont été envisagés et les raisons pour lesquelles ils sont inefficaces.
- Avant d’implanter un système de surveillance vidéo, l’école devrait pouvoir :
- relater une série d’incidents qui se sont produits dans cette école;
- décrire l’état physique de l’école (permet-elle l’accès facile à des personnes non autorisées? Y a-t-il déjà eu des cas où des personnes non autorisées sont entrées dans l’école? Celle-ci doit-elle composer avec des questions particulières en matière de sécurité?);
- déterminer si un programme de surveillance vidéo serait efficace pour composer avec des incidents futurs du type de ceux qui sont déjà survenus, ou pour les prévenir.
- La surveillance vidéo ne devrait être employée que dans les cas où elle est nécessaire pour assurer la sécurité des élèves et du personnel, ou comme mesure dissuasive pour éviter les actes destructeurs tels que le vandalisme.
- Le conseil scolaire devrait justifier l’utilisation et l’envergure du programme de surveillance vidéo en s’appuyant sur le besoin de répondre à des préoccupations précises et importantes en matière de sécurité ou de prévenir le vol ou la destruction de biens.
- Le conseil devrait évaluer les effets éventuels du système de surveillance sur la vie privée et trouver des moyens de réduire les effets négatifs.
- Le conseil devrait consulter ouvertement les parents, le personnel, les élèves et l’ensemble de la communauté scolaire sur la nécessité du programme proposé de surveillance vidéo et pour déterminer si un tel système serait jugé acceptable. Lors des consultations, les intervenants devraient avoir la possibilité de formuler des commentaires sur l’emplacement des caméras dans les écoles, advenant que le programme soit mis en œuvre.
- Le conseil doit s’assurer que le système de surveillance vidéo est conçu et utilisé de façon à réduire au minimum l’atteinte à la vie privée nécessaire pour réaliser les objectifs légaux fixés.
Le conseil scolaire a eu recours à la surveillance vidéo dans ses écoles suite à l’adoption d’une politique jugée par le CIPVP conforme aux lignes directrices susmentionnées. Toutefois, sa décision d’implanter le système de surveillance vidéo à l’école en question s’inscrivait dans une initiative plus générale d’introduction de la surveillance vidéo dans toutes les écoles secondaires sous sa charge et ne correspondait pas à sa propre politique.
En introduisant la surveillance vidéo d’une façon aussi globale, le conseil scolaire n’a pas effectué d’examen détaillé de la nécessité de la surveillance vidéo à l’école en question. Il n’a pas évalué les incidences sur la vie privée ou les risques pour la sécurité ni n’a déterminé s’il existait des moyens plus discrets d’atteindre ses objectifs à l’école en question. En outre, le CIPVP estimait que le conseil scolaire n’avait apparemment pas déterminé si la conception et l’application du système de surveillance réduisaient au minimum l’atteinte à la vie privée. Par conséquent, le CIPVP a conclu que le conseil scolaire n’avait pas respecté sa propre politique et les conditions de la LAIMPVP. Le CIPVP a recommandé au conseil scolaire d’effectuer une évaluation de la surveillance vidéo à l’école conformément à la LAIMPVP, à sa propre politique et au rapport du CIPVP.
La surveillance vidéo sera souvent nécessaire dans les écoles pour la sécurité des élèves et du personnel et la protection des biens. Cette décision démontre que les conseils scolaires doivent néanmoins faire preuve de prudence dans l’implantation de la surveillance vidéo. Il ne suffit pas d’avoir en place une politique générale. Un conseil scolaire doit suivre sa politique en pratique et veiller à examiner minutieusement les circonstances qui rendent nécessaire la surveillance vidéo et pouvoir soulever ces circonstances pour se défendre si la surveillance est contestée.