La violence au travail : un défi pour les employeurs

[TRADUCTION] « La violence physique et les menaces de violence physique sont parmi les plus graves infractions disciplinaires au travail. … Aucun superviseur, aucun employé ne devrait avoir a craindre pour sa sécurité personnelle ni celle de sa famille. … Un employeur, mis au courant d’une inconduite aussi extreme, n’a d’autre choix que de prendre toutes les mesures disciplinaires, jusqu’au congédiement si nécessaire, pour protéger ses employés contre des gestes qui ne sont ni plus ni moins que du terrorisme en milieu de travail. »

Voila les propos d’un arbitre ontarien, qui traduisent une tendance a tolérer de moins en moins la violence en milieu de travail. Selon les circonstances, la violence d’un employé peut entraîner une exception au principe de mesures disciplinaires progressives pour avertir l’employé que son inconduite est inacceptable. Une affaire récente indique meme qu’une menace générale et vague de violence peut justifier un congédiement immédiat.

CITY OF GUELPH : UNE DÉCLARATION « EXTREMEMENT TROUBLANTE »

Il s’agissait, dans l’affaire City of Guelph v. CUPE Local 241 (22 février 2000), d’un employé qui avait été congédié pour des commentaires qu’il avait faits au cours d’une conversation avec son délégué syndical. En parlant des quatre employés de la Commission régionale de transport d’Ottawa-Carleton (OC Transpo) abattus par un ex-employé, Pierre Lebrun, le plaignant a dit, [TRADUCTION] « Je peux imaginer quelque chose de semblable arriver ici ».

Le plaignant avait été engagé moins d’un an avant son congédiement. On lui avait déja donné un avertissement a la suite d’un incident ou il avait, dans un exces de colere, lancé une bouteille de verre, manquant de peu un de ses collegues. La preuve a l’audience a montré qu’il était coléreux et que ses collegues trouvaient difficile de travailler avec lui.

Les remarques qui ont donné lieu a son congédiement ont été prononcées a la suite de sa rétrogradation d’un poste ou il avait été récemment promu. Le plaignant a témoigné qu’il ne faisait qu’exprimer sa frustration au sujet de la rétrogradation et au sujet d’une rumeur qui courait chez les employés selon laquelle il prenait des drogues. Il a affirmé que son commentaire voulait dire que si un autre employé, plus sensible, était soumis au meme traitement, cet employé pourrait avoir recours a la violence. Il n’a toutefois exprimé que peu de remords de son action.

L’arbitre a rejeté le grief et signalé que malgré le fait qu’il n’y avait pas eu de violence comme telle, et que la menace ne visait personne en particulier, la déclaration était [TRADUCTION] « extremement troublante » et intimidante. S’il était vrai, a dit l’arbitre, que des rumeurs avaient circulé au sujet de la consommation de drogues du plaignant, il n’y avait aucune preuve que le plaignant avait été victime au point de la provocation. Vu l’absence d’autres facteurs atténuants – le plaignant n’était pas en poste depuis longtemps, son dossier disciplinaire laissait a désirer, il ne semblait pas éprouver de véritables remords – l’arbitre a refusé d’intervenir dans la décision de congédiement.

BRUCE-GREY DISTRICT BOARD : OBLIGATIONS D’ACCOMMODEMENT SATISFAITES

Dans une autre décision récente, Bruce-Grey Catholic District School Board v. Ontario English Catholic Teachers’ Association (20 avril 2000), la majorité d’un conseil d’arbitrage a maintenu le congédiement d’un enseignant qui, a plusieurs reprises, avait harcelé et menacé verbalement des collegues et un éleve. Il avait notamment menacé un collegue de venir a l’école l’arme au poing pour se venger du traitement que lui faisait subir l’employeur, et fait le commentaire suivant a un enseignant et des éleves : « les hommes sont des salauds – c’est moi qui ai tué Kristen French ».

Dans son rejet du grief, le conseil d’arbitrage a fait remarquer que l’inconduite du plaignant n’était pas du type qui exige des mesures progressives de discipline. En outre, le conseil en est arrivé a sa décision meme si le plaignant souffrait de troubles psychologiques, une déficience aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario.

Le conseil d’arbitrage a jugé qu’en supposant que l’employeur avait exercé de la discrimination contre le plaignant en raison de sa déficience, il avait également rempli ses obligations d’accommodement en continuant de lui verser son salaire pendant l’enquete sur les incidents et en obtenant des rapports médicaux sur l’état du plaignant. Des mesures additionnelles d’accommodement constitueraient une contrainte excessive.

DÉFINITION LARGE DE LA « VIOLENCE »

Ces décisions indiquent que la violence en milieu de travail comprend plus que la violence physique comme telle, et certainement beaucoup plus que la violence mortelle commise par Pierre Lebrun chez OC Transpo. Un expert a défini la violence au travail comme suit : [TRADUCTION] « tout incident ou un travailleur est menacé, intimidé, malmené ou subit un dommage physique, émotif ou psychologique au travail ou dans un contexte lié au travail ».

Le verdict du jury du coroner sur l’incident a OC Transpo va dans le meme sens; on y insiste pour que la définition inclue [TRADUCTION] « la violence psychologique, par exemple, rudoyer, attaquer en groupe, taquiner, ridiculiser ou tout autre acte ou parole qui pourrait blesser psychologiquement ou isoler une personne en milieu de travail ». Fait ironique, le genre de violence catastrophique qui s’est produit a OC Transpo naît souvent du harcelement quotidien qui prend la forme de taquineries et de moqueries. Pierre Lebrun s’était plaint d’avoir été l’objet de moquerie a cause de son bégaiement et de son tic facial.

En adoptant une définition large de la violence en milieu de travail, les employeurs seront plus aptes a la prévenir et a y réagir.

UN PROGRAMME EFFICACE POUR PRÉVENIR LA VIOLENCE AU TRAVAIL ET Y RÉAGIR

Le jury dans l’affaire d’OC Transpo a également conclu que malgré le fait que M. Lebrun avait été l’objet de nombre d’interventions de la part de la direction, a la suite d’un incident antérieur ou il avait giflé un autre employé, il existait assez peu de coordination entre les personnes et entre les systemes chargés de contrôler le comportement de M. Lebrun. Cela semble indiquer la nécessité d’avoir une approche globale pour minimiser les possibilités d’incidents violents. Voici les éléments d’un programme de prévention de la violence que vous voudrez peut-etre envisager pour votre milieu de travail :

1) Indiquez clairement que la violence, y compris la violence verbale et le harcelement, ne sera pas tolérée et fera l’objet de mesures disciplinaires appropriées, établies sur la base d’une enquete approfondie sur l’incident et ses circonstances. Donnez des exemples des comportements inacceptables visés par le programme.

2) Rendez obligatoire la déclaration d’incidents violents, de préférence a une ou plusieurs personnes désignées a cette fin. Assurez la confidentialité du processus et la protection contre toutes représailles de la personne qui porte plainte ou fait une déclaration.

3) Assurez-vous de réagir de façon manifeste a toute déclaration ou toute plainte concernant la violence, et de faire subir des conséquences évidentes au responsable, si les allégations sont prouvées.

4) Indiquez clairement que toute agression physique sera rapportée a la police, et tenez parole.

5) Nommez et formez une équipe d’intervention chargée de faire enquete sur les incidents de violence ou de harcelement. Il est préférable d’y inclure des représentants syndicaux ou représentants d’employés, ainsi que des professionnels de la santé, afin d’assurer une enquete approfondie et la confiance des employés dans le processus.

6) Afin d’encourager un changement de culture au travail, donnez une formation a tous les employés sur les éléments clés d’un programme anti-violence. Cela permettra également au personnel d’identifier plus facilement les employés susceptibles de manifester un comportement violent et d’etre mieux en mesure d’intervenir si un incident violent menace de se produire.

7) Dans le cadre des mesures disciplinaires ou correctives, exigez que ceux qui ont commis des actes de violence subissent une évaluation psychologique pour déterminer quelles sont les conditions a prévoir pour leur emploi, par exemple, un programme de maîtrise de la colere. Assurez-vous que les résultats de la participation de l’employé sont surveillés et évalués de façon objective.

8) Tenez des vérifications a intervalles réguliers afin de déterminer les sources potentielles de violence et vérifiez l’état de préparation de votre entreprise pour y réagir. Cette vérification considere les conditions physiques et les conditions de travail qui exposent les employés a une attaque violente, ainsi que les facteurs au travail qui augmentent le risque de manifestations violentes chez les employés. Ainsi, si on envisage une réduction d’effectifs ou des changements a l’organisation – deux facteurs connus pour augmenter le stress chez les employés – la direction devrait en etre informée afin qu’on mette en place ou qu’on augmente les mesures de prévention.

La violence au travail peut couter cher a votre organisation, en termes humains et financiers. Une politique raisonnable et bien conçue pour y faire face vaut la peine du point de vue économique, et sera sans doute bien accueillie par vos employés.

Notre point de vue

Le présent article a considéré surtout la violence qui prend naissance chez les employés. La violence au travail est également le fait de diverses populations desservies par une organisation, qu’il s’agisse de clients, de patients, de détenus ou d’étudiants, ou encore de personnes extérieures, généralement dans le cadre d’un vol ou de la commission d’un autre acte criminel. Les conditions de travail suivantes exposent particulierement les employés au danger : le travail avec le public, la manutention de sommes liquides, d’objets de valeurs ou de médicaments, l’exécution de fonctions de surveillance ou d’inspection, le travail aupres de personnes instables ou imprévisibles, le travail dans des lieux ou on sert de l’alcool, le travail seul ou en petits groupes.

De tels facteurs sont évidemment plus difficiles a contrôler pour les employeurs, mais de saines politiques et procédures, fondées sur une évaluation complete des risques auxquels sont exposés les employés, peuvent néanmoins etre utiles pour assurer la meilleure sécurité possible dans votre milieu de travail. (Voir aussi « Le rudoiement au travail : une autre forme de violence en milieu de travail » sous la rubrique « Publications »).

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec André Champagne au (613) 563-7660, poste 229.

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