La Commission des droits de la personne émet des directives sur l’obligation d’accommodement

Le 22 mars 2001, la Commission ontarienne des droits de la personne a publié un document intitulé « Politique et Directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement ». Il s’agit de la première mise à jour des directives de la Commission depuis 1989. Le document tente donc de reprendre les éléments significatifs de l’évolution de la jurisprudence, dont bon nombre ont fait l’objet d’articles dans AU POINT. Nous exposons ici les principaux points des Directives qui, même si elles n’ont pas force de loi, orientent de façon importante la conduite des litiges en matière de droits de la personne.

DÉFINITION LARGE DU HANDICAP

Les Directives citent l’arrêt Ville de Montréal c. Commission des droits de la personne du Québec (voir « Perception, mythes et stéréotypes : la Cour suprême du Canada se prononce sur le handicap » sous la rubrique « Publications »), où l’on avait refusé un emploi aux plaignants parce qu’ils souffraient d’une condition médicale, mais sans limite fonctionnelle. Elles notent que le « handicap social », c’est-à-dire la réaction de la société à la déficience réelle ou perçue, doit être au coeur de l’analyse de la discrimination. Une telle analyse met l’accent sur les effets de la discrimination, plutôt que sur la preuve d’une limite physique ou d’un problème de santé chez le plaignant.

Cette perspective est liée à la problématique des handicaps cachés, tels que la fatigue chronique et les maux de dos. Les Directives déclarent que l’ignorance qui entoure ces problèmes mène à une stigmatisation des personnes qui en souffrent, ce qui dresse des obstacles à leur intégration sur le marché du travail et empêche l’élaboration de moyens qui favorisent leur pleine participation.

ACCOMMODEMENT : INTÉGRATION ET PLEINE PARTICIPATION

Pour lutter contre le « handicap social », le document souligne que le milieu de travail devrait être aménagé afin de promouvoir l’intégration et la pleine participation des personnes handicapées. À cette fin, on préconise l’adoption de principes de « vie sans obstacles » dans la conception de nouveaux services, structures et politiques comme étant la meilleure méthode de promouvoir la dignité des personnes handicapées. Les obstacles qui existent doivent donc être éliminés, non seulement les obstacles physiques mais aussi systémiques, tels que les politiques ou lignes directrices qui ensemble entraînent l’exclusion des personnes handicapées.

Cette perspective a été articulée en termes juridiques dans l’arrêt Meiorin (voir « La norme n’était pas « raisonnablement nécessaire » : l’épreuve aérobique est jugée discriminatoire, une pompière forestière de C.-B. triomphe » sous la rubrique « Publications »), qui établissait que, dans les mots des Directives,

    « la règle ou la norme elle-même doit être inclusive et tenir compte des différences individuelles, tant que cela ne cause pas un préjudice injustifié, au lieu de maintenir des normes discriminatoires complétées par des mesures d’adaptation pour ceux qui ne peuvent pas y satisfaire. L’inclusion de l’adaptation dans la norme elle-même assure que chaque personne est évaluée selon ses propres capacités personnelles, au lieu d’être jugée en fonction de présumées caractéristiques de groupe ».

Les Directives indiquent que l’adaptation (mesure d’accommodement) doit être « la plus appropriée » sans causer un préjudice injustifié. L’adaptation la plus appropriée est celle qui respecte le mieux la dignité de la personne, qui répond aux besoins individuels, qui favorise une intégration et une participation maximales et qui garantit la confidentialité. Si deux mesures d’accommodement répondent également aux besoins de la personne en respectant sa dignité, les personnes responsables peuvent choisir la méthode qui entraîne le moins de dépenses ou de perturbations pour l’organisation.

TÂCHES ESSENTIELLES, CHANGEMENT DE POSTE

Toute personne qui est en mesure d’exécuter les tâches essentielles d’un poste a droit à un traitement égal, en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario. La détermination de la déficience doit se faire de façon objective, et non pas se fonder sur des suppositions. Au besoin, les tâches non essentielles d’un employé devraient être assignées à d’autres. L’adaptation peut nécessiter une modification de la norme de rendement, lorsque celle-ci n’est pas une partie essentielle de l’emploi, ou lorsque cette modification n’entraîne pas pour l’employeur un préjudice injustifié.

Le Code ne dit rien à ce sujet, mais les Directives déclarent que l’adaptation dans un poste autre que celui occupé par l’intéressé avant l’invalidité peut être la solution à retenir dans certains cas. Les Directives énoncent une série de facteurs pour déterminer s’il convient de donner un nouveau poste à l’intéressé. Qu’il soit réintégré dans son ancien poste ou dans un nouveau, l’employé doit néanmoins être en mesure d’effectuer un travail utile et productif pour l’employeur.

PRÉJUDICE INJUSTIFIÉ

Signalant les dispositions dans le Code, les Directives énumèrent trois considérations pour évaluer le préjudice injustifié : le coût, les sources de financement extérieur, le cas échéant, et les exigences de santé et sécurité, s’il y a lieu.

D’après la loi ontarienne, l’analyse ne doit tenir compte d’aucun autre facteur, tel un conflit avec les dispositions de la convention collective. L’employeur doit étayer ses arguments de préjudice injustifié par des preuves objectives. Lorsque l’argument se fonde sur des coûts, les Directives prévoient que les coûts doivent être quantifiables, véritablement liés à la mesure d’accommodement, et tellement considérables que l’adaptation modifierait la nature essentielle de l’entreprise ou mettrait à risque sa viabilité.

Les Directives précisent que les entreprises doivent considérer différentes stratégies pour minimiser le préjudice injustifié. Ainsi, il convient de prendre des mesures pour recouvrer les coûts d’accommodement et pour les distribuer à l’échelle de l’organisation. Les Directives mentionnent différents moyens, notamment les emprunts, les déductions fiscales et l’accroissement de l’efficacité pour réduire le fardeau financier dû à l’accommodement.

Notre point de vue

Les Directives laissent entendre aux employeurs que les arguments invoquant le préjudice injustifié seront examinés de près et que l’obligation d’accommodement nécessite un changement fondamental dans les conditions et modalités du milieu de travail. Les employeurs doivent se préparer à des demandes plus persistantes pour des lieux de travail et des normes qui sont davantage inclusifs et ne font pas obstacle à l’intégration. À cet égard, les Directives se terminent sur une suggestion aux employeurs de tenir des « examens des mesures d’accessibilité » afin de déterminer comment améliorer l’accessibilité de l’entreprise aux personnes handicapées.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette au (613) 563-7660, poste 227.

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