Délai de préavis pour des employés promus hors de l’unité de négociation : une promesse doit être tenue

La Cour d’appel de l’Ontario vient de rendre une décision qui devrait intéresser les employeurs qui garantissent la sécurité d’emploi aux employés promus hors de l’unité de négociation à des postes de supervision. Le message est clair : il ne faut pas faire de promesse qu’on ne puisse tenir. (Voir aussi « Le congédiement : une tâche désagréable, mais inévitable » sous la rubrique « Publications ».)

Dans l’affaire Leonetti and Halsey v. Hussman Canada Inc. (8 mai 1998), les deux plaignants étaient employés comme ouvriers depuis 20 ans lorsqu’en 1986, la compagnie leur a offert une promotion à un poste de supervision. La promotion, en fait, modifiait assez peu leurs tâches ou leur niveau salarial, mais les obligeait à quitter l’unité de négociation.

Leonetti et Halsey avaient déjà accumulé beaucoup d’ancienneté, et craignaient pour leur sécurité d’emploi s’ils acceptaient la promotion. Ils ont finalement accepté la promotion, en échange pour une promesse, selon eux, qu’ils pourraient revenir à l’unité de négociation si jamais leurs nouveaux postes s’avéraient insatisfaisants.

La stagnation économique au début des années 90 a entraîné une réduction des effectifs dans la compagnie. Leonetti et Halsey, qui avaient alors accumulé respectivement 26 et 27 années de service, ont été congédiés avec une prestation de départ représentant neuf mois de salaire. Ils ont poursuivi la compagnie Hussman, en soutenant que la promesse de la compagnie au moment de leur promotion leur donnait droit à un emploi tant que la compagnie et l’unité de négociation existeraient.

PREMIÈRE INSTANCE : ENGAGEMENT LIMITÉ, PRÉAVIS CONSIDÉRABLE

Le juge de première instance a jugé qu’effectivement, on avait promis de retourner les employés à l’unité de négociation si cela devenait nécessaire. Il a rejeté l’argument de la compagnie selon lequel la convention collective interdisait leur retour à l’unité de négociation tandis que des membres de celle-ci étaient mis à pied, jugeant que cela n’exonérait pas la compagnie de son engagement.

Le juge a toutefois déclaré qu’il était raisonnable d’imposer une limite de dix ans à cet engagement. Il a rejeté l’argument des plaignants qu’il s’agissait d’une promesse de durée illimitée, en déclarant [TRADUCTION] « aucun emploi ne peut être garanti indéfiniment ».

Le juge a conclu que l’engagement de la compagnie permettait le congédiement avec un préavis raisonnable, et que les plaignants, vu leur âge, leur faible scolarisation, leurs postes de cadres inférieurs et leurs longues années de service chez un seul employeur, se trouvaient dans une position vulnérable, ce qui leur donnait droit à un préavis considérable. Il leur a donc accordé à chacun 22 mois de préavis; les deux parties ont interjeté appel de la décision.

COUR D’APPEL : DOMMAGES-INTÉRÊTS ÉQUIVALENTS AU RESTE DE LA VIE PROFESSIONNELLE DES EMPLOYÉS

La Cour d’appel a maintenu la conclusion du juge de première instance que la compagnie avait violé une « promesse sans réserve » de retourner les employés à l’unité de négociation si jamais les nouveaux postes ne convenaient pas, et a rejeté l’argument de la compagnie que la convention collective lui interdisait cette mesure. En outre, la Cour était d’accord avec le juge de première instance pour dire que si le fait de retourner les employés à l’unité de négociation créait d’autres problèmes pour la compagnie, cela ne la dégageait pas de sa promesse.

Cependant, la Cour a jugé que le juge de première instance avait fait erreur en imposant une limite de temps à la promesse de la compagnie, parce qu’il avait considéré la promesse comme une garantie d’emploi permanent et non pas comme un engagement de traiter les employés comme s’ils n’avaient jamais quitté l’unité de négociation :

[TRADUCTION] « La promesse … n’était pas une garantie d’emploi permanent. Elle donnait à Leonetti et Halsey la même sécurité que s’ils étaient demeurés dans le syndicat. [Ils] auraient été sujets au congédiement ou à la mise à pied, en vertu des conditions et modalités prévues par la convention collective ».

La Cour n’était pas non plus d’accord avec le juge de première instance que la compagnie avait le droit, après avoir fait la promesse, de congédier les employés avec un préavis raisonnable, puisque ce droit était incompatible avec la promesse :

[TRADUCTION] « L’engagement de retourner [les employés] à l’unité de négociation si les postes de superviseur ne convenaient pas ne peut coexister avec le droit de la compagnie Hussman de congédier avec préavis raisonnable. Il est certain que [les employés] n’auraient jamais convenu d’une telle condition puisqu’elle leur donnerait beaucoup moins de sécurité d’emploi que le fait de demeurer dans l’unité de négociation ».

Lorsque la compagnie a décidé de mettre fin à l’emploi des deux employés, elle était obligée de les retourner à l’unité de négociation. Si elle ne pouvait le faire, elle était tenue de les compenser en conséquence. Se fondant sur cette interprétation de l’entente intervenue entre les deux employés et la compagnie, la Cour a jugé que les employés avaient droit à des dommages-intérêts établis en supposant qu’ils auraient travaillé dans l’unité de négociation jusqu’à l’âge de la retraite, en tenant compte de facteurs de réduction pour des éventualités telles que la mise à pied, la maladie, une retraite anticipée volontaire, un accident ou la fermeture de l’usine.

NOTRE POINT DE VUE

Les dommages-intérêts considérables accordés par la Cour dans cette affaire font ressortir l’importance d’éviter de prendre des engagements liés aux droits régis par la convention collective. Il est clair qu’un tribunal ne permettra pas aux employeurs de revenir sur de tels engagements sous prétexte que ceux-ci enfreignent des dispositions de la convention collective.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Carole Piette au (613) 563-7660, poste 227.

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