Le gouvernement de l’Ontario annonce des consultations publiques sur l’élimination de la retraite obligatoire

Le 18 aout 2004, le gouvernement de l’Ontario a publié un document sur internet intitulé Donner des choix (http://www.gov.on.ca/lab/french/news/2004/04-92cp.html) sur l’élimination de la retraite obligatoire. Le gouvernement veut connaître l’opinion du public quant a l’effet de cette mesure sur les réalités suivantes :

  • l’économie, y compris la compétitivité de l’économie provinciale dans son ensemble et la situation financiere des particuliers et des familles;
  • le marché du travail, notamment le manque de travailleurs qualifiés et les possibilités d’avancement;
  • les conditions d’emploi, y compris la négociation et l’application des conventions collectives dans les lieux de travail syndiqués;
  • les régimes de retraite et d’avantages sociaux, et le systeme d’assurance au travail;
  • les droits sociaux et droits de la personne, notamment la structure du milieu de travail, la qualité de vie et le droit des particuliers aux prestations offertes par les trois paliers de gouvernement;
  • certains emplois particuliers, tels que les pompiers ou les professeurs permanents a l’université.

Le gouvernement a déja annoncé son intention de mettre fin a la retraite obligatoire. Cela fait suite au dépôt par le gouvernement précédent du projet de loi 68, mort au feuilleton (voir « Le projet de loi 68 met fin a la retraite obligatoire en Ontario »). L’intéret accru pour revoir les mesures de retraite obligatoire en Ontario s’inscrit dans une tendance nationale et internationale; déja, les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Alberta, le Québec et le Manitoba ont éliminé cette pratique.

Nombre de facteurs démographiques, sociaux et économiques jouent un rôle dans cette démarche, notamment les suivants :

  • l’augmentation constante du pourcentage de personnes âgées de plus de 65 ans dans la population canadienne;
  • l’appui grandissant des Canadiens pour le droit de travailler apres l’âge de 65 ans;
  • le fait que les femmes et les nouveaux immigrants, qui entrent généralement sur le marché du travail plus tard dans la vie, subissent des difficultés financieres disproportionnées lorsqu’ils sont forcés de prendre leur retraite obligatoire;
  • l’espérance de vie qui s’accroît, de sorte qu’un plus petit nombre de travailleurs doivent payer les programmes sociaux des retraités;
  • une croissance de l’emploi dans le secteur de l’information et des services, et une diminution de l’emploi dans les secteurs ou la force physique est une exigence de l’emploi.

L’initiative des gouvernements Eves et McGuinty fait suite a la publication en 2001 du rapport intitulé Il est temps d’agir : Faire respecter les droits des personnes âgées en Ontario par la Commission des droits de la personne de l’Ontario. Le rapport faisait état de nombre des facteurs énumérés plus haut et recommandait des changements législatifs pour interdire toute politique de retraite obligatoire autre que celles qui pouvaient se justifier en fonction de circonstances individuelles.

CONSÉQUENCES DE L’ABOLITION DE LA RETRAITE OBLIGATOIRE

Malgré que la retraite obligatoire ait été éliminée dans plusieurs provinces du Canada et dans d’autres pays, la perspective d’avenir apres son abolition peut inquiéter a la fois les employeurs et les employés. Les employés craignent d’avoir a travailler plus longtemps, et le report de leur droit a des prestations de retraite. Les employeurs s’inquietent d’avoir a absorber le cout de composer avec une main d’oeuvre plus âgée.

Nous abordons dans le texte qui suit les questions que risque de soulever l’élimination de la retraite obligatoire, et nous proposons quelques solutions pour y faire face.

Accommodement

Les employeurs pourraient recevoir une demande accrue de mesures d’accommodement, pour trois raisons principales : les limitations fonctionnelles, la diminution de la capacité en raison de l’âge, et les obligations familiales (par ex. l’employé qui doit s’absenter pour s’occuper d’un conjoint ou d’un autre membre de sa famille). Les moyens d’accommodement pourraient comprendre des mesures telles que l’horaire flexible, la réduction des heures de travail et la modification des tâches.

Couts liés a la santé

Des pressions risquent de s’exercer sur les régimes d’avantages sociaux, puisque des travailleurs plus âgés auront sans doute davantage besoin de médicaments d’ordonnance et de services de santé, et utiliseront plus souvent les régimes d’invalidité a court et a long terme. Cela dépend en bonne partie de la loi qui mettra en oeuvre le régime post-retraite obligatoire (par ex. la discrimination fondée sur l’âge pourrait etre permise pour ce qui est des avantages offerts apres un certain âge), mais il est probable que les primes de santé pour une main d’oeuvre vieillissante augmenteraient. La présence d’un plus grand nombre de travailleurs plus âgés pourrait également entraîner davantage d’absentéisme lié aux problemes de santé, ce qui aurait également des répercussions sur les couts de l’employeur.

Cessation d’emploi

En vertu du régime de retraite obligatoire, les employeurs peuvent mettre fin a l’emploi de leurs employés âgés de plus de 65 ans sans avoir a payer les frais d’indemnisation de cessation d’emploi. En l’absence d’une retraite obligatoire, il reviendrait a l’employé de décider du moment ou il quitterait son emploi. A moins d’avoir un motif raisonnable justifiant un congédiement, les employeurs dans le secteur non syndiqué auraient a verser des dommages-intérets tenant lieu d’un préavis raisonnable aux employés licenciés, peu importe leur âge. A cet égard, certains observateurs ont signalé que l’absentéisme involontaire et les difficultés de rendement (deux problemes de travail qui risquent de devenir plus marqués avec le vieillissement des travailleurs) ne sont généralement pas considérés un motif suffisant pour le congédiement. En outre, la durée de service généralement assez longue d’un employé âgé, et la probabilité assez faible qu’il puisse limiter ses dommages en trouvant un autre emploi, pourraient entraîner des dommages-intérets considérables en cas de congédiement sans motif raisonnable.

Gestion du rendement

Une main d’oeuvre âgée nécessitera peut-etre un accroissement de mesures pour encadrer le rendement, surtout si les employeurs ne peuvent plus obliger les employés a prendre leur retraite a une date fixe. Les systemes de gestion du rendement devront etre améliorés pour les employés de tout âge, car le fait d’axer le programme sur les travailleurs âgés pourrait etre perçu comme constituant de la discrimination. Lorsqu’on met fin a l’emploi du travailleur âgé, il sera nécessaire d’avoir en main une documentation complete des mesures de gestion de rendement appliquées, afin de pouvoir réfuter la conclusion que l’âge a joué comme facteur dans la décision. Les programmes de gestion du rendement devraient également inclure des mesures d’accommodement, si le rendement de l’employé est diminué pour des raisons de santé ou de vieillissement.

Éviter la discrimination

Avec ou sans retraite obligatoire, le vieillissement de la main d’oeuvre exigera des employeurs une conscience accrue de la discrimination fondée sur l’âge. Dans un document récemment publié, Politique sur la discrimination fondée sur l’âge a l’endroit des personnes âgées (http://www.ohrc.on.ca/french/publications/age-policy.shtml), la Commission des droits de la personne de l’Ontario indique que la discrimination fondée sur l’âge retient son attention plus que jamais auparavant. La Politique invite les employeurs a éliminer l’âgisme (la perception des personnes âgées a partir de stéréotypes négatifs sur le vieillissement, ainsi que la tendance a structurer la société comme si tous étaient jeunes) et a encourager l’inclusion de travailleurs âgés dans le milieu de travail. La Politique traite des moyens d’éliminer la discrimination fondée sur l’âge dans divers aspects de l’emploi, tels que les suivants :

  • Embauche – Il faut éviter de faire référence a l’âge des candidats dans les annonces de recrutement, les demandes d’emploi et les entrevues de recrutement. Si l’âge du candidat est pertinent a des fins de pension et d’avantages sociaux, ces renseignements ne devraient etre demandés qu’une fois qu’il y a eu offre d’emploi. Si une personne porte plainte au sujet d’une procédure d’embauche, la Commission pourrait examiner la décision pour déterminer si l’âge de la personne a joué un rôle dans la décision.
  • Problemes au travail – Les employeurs devraient éviter avec soin le traitement inégal des employés âgés,  par exemple, limiter les possibilités d’avancement, soumettre les travailleurs âgés a des mesures plus séveres de rendement que celles imposées aux autres travailleurs, ou omettre de rappeler les travailleurs âgés au travail apres une mise a pied. Les employeurs devraient également etre vigilants quant au harcelement des travailleurs âgés, y compris des commentaires désobligeants sur leur âge.
  • Accommodement – La Commission propose que les employeurs envisage une modification du lieu de travail pour accommoder les besoins des travailleurs âgés. Nous traiterons un peu plus loin des suggestions données. Comme nous l’indiquions plus haut, l’accommodement des travailleurs âgés a trait principalement a des questions de santé, a la diminution de la capacité de travailler et aux obligations familiales accrues.
  • Mesures d’incitation a la retraite – Les mesures d’incitation a la retraite doivent etre conçues avec soin pour éviter d’exercer une pression sur les employés ciblés. Les programmes doivent etre véritablement libres et volontaires, et ne doivent pas constituer un moyen détourné de rationaliser les effectifs.

STRATÉGIES DE GESTION APRES L’ÉLIMINATION DE LA RETRAITE OBLIGATOIRE

La fin de la retraite obligatoire signifie sans doute qu’un plus grand nombre de travailleurs resteront dans leur emploi alors que leur capacité de travail diminue pour des raisons d’âge ou de limitation fonctionnelle. Les employeurs pourraient s’inquiéter de la possibilité de libérer des ressources pour pouvoir embaucher de nouvelles recrues et des couts liés a la rétention d’un grand nombre de travailleurs âgés.

Les inquiétudes de part et d’autre peuvent etre diminuées si les employeurs mettent en oeuvre des mesures pour accommoder les besoins des travailleurs âgés. Les modifications d’horaires et de tâches seraient parmi les moyens les plus fréquents d’accommoder les travailleurs âgés. Mises en oeuvre avec soin, et en tenant compte des obligations de l’employeur en matiere de droits de la personne, ces mesures offriraient le double avantage de faciliter la transition a la retraite des travailleurs âgés tout en assurant qu’ils sont payés selon leurs capacités réelles.

Ces mesures d’accommodement pourraient s’inscrire dans un programme de départ volontaire. Ce programme pourrait prévoir une période prolongée d’arrangements particuliers au travail qui se termine sur un départ dont la date aura été fixée a l’avance. L’adoption d’une démarche graduée pour la retraite permettrait au travailleur âgé de garder un lien, meme diminué, avec le milieu de travail, et l’employeur aurait une date a laquelle la relation d’emploi cesserait. Cela diminuerait la nécessité d’un encadrement du rendement ainsi que le risque d’un différend au moment de la cessation d’emploi. Comme nous l’avons noté plus haut, il faudrait assurer que le départ volontaire l’est véritablement, et que le processus est conforme aux obligations de l’employeur en matiere de droits de la personne.

Notre point de vue

S’il est clair que le changement législatif qui s’impose pour permettre l’abolition de la retraite obligatoire est l’élimination de la limite supérieure de 65 ans dans la définition de l’expression « âge » aux fins de l’emploi dans le Code des droits de la personne  de l’Ontario, les autres changements législatifs demeurent incertains. Il faut  attendre le dépôt d’un projet de loi pour une analyse plus détaillée des répercussions de l’élimination de la retraite obligatoire.

Des consultations publiques sur la fin de la retraite obligatoire sont prévues a Ottawa le 23 septembre 2004. Sophie Gagnier, de notre cabinet, fera a ce moment une présentation sur le sujet.

Les  lecteurs qui souhaitent faire part de leurs inquiétudes ou de commentaires qu’ils aimeraient voir exprimés a la consultation sont invités a communiquer avec Sophie Gagnier au (613) 940-2756.

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